C'est une salle qui reçoit les plus grandes stars françaises. Au Zénith de Rouen, comment se programment, se préparent, se montent des spectacles qui peuvent attirer jusqu'à 8 000 spectateurs ? Nous vous proposons une plongée dans les coulisses du Zénith, à l'occasion de la première date de la nouvelle tournée de Gims.
Un mercredi après-midi au Zénith de Rouen, c'est vide, calme, et l'ambiance est même assez détendue. Pourtant, Romain et Julien, ingénieurs du son n'ont plus que 48 heures pour tout mettre en place avant le concert de vendredi. "C'est le tout début de cette tournée. Nouveau show, nouvelle scénographie, nouveaux morceaux... On prend le temps de bien faire les choses et répéter pour avoir un vrai beau show", nous explique Romain, ingénieur du son.
Pas de stress avant un premier show qui s'annonce gros : des lance-flammes au bord de la scène, des écrans géants dans les airs et une star : Gims. La première date de sa tournée "Le dernier tour" affiche complet. Pour cette toute première date, pas le droit à l'erreur.
Le sens de l'anticipation
Derrière son ordinateur, David, opérateur moteur asservi, a la main sur trois ponts surmontés d'écrans. "J'ai fait une modélisation de la scène. Sur ma 3D ça me dit si je vais aller taper quelque chose ou pas. Il n'y a pas de place à l'improvisation avec de genre de système", nous montre-t-il.
Au contraire, tout est prévu depuis des mois. Avant une date, il y a de nombreux échanges entre l'équipe de l'artiste et celle du zénith. Amal Hamada, régisseur général du zénith, vérifie en amont que les éléments techniques sont compatibles avec la scène. "Je prends le plan de la production et je l'implante sur notre charpente à nous. À partir de là, on voit si c'est compatible."
Les zéniths sont des salles dont la principale caractéristique est la modularité. Mais attention, tous les zéniths ne sont pas les mêmes. "Ils sont différents de par l'architecture mais le cahier des charges reste le même avec à l'intérieur un certain nombre de loges, un plateau, une scène avec une certaine dimension minimum, avec des gradins en forme d'amphithéâtre", explique Didier Thibault, directeur du zénith de la Métropole Rouen Normandie.
En tant que zénith, on n'a pas le droit de produire une date et on n'a pas le droit de vendre des billets directement.
Didier Thibault, directeur du zénith de la Métropole Rouen Normandie.
Avant d'être directeur du zénith de Rouen, il était lui-même sur les tournées. Blues Borthers, Nina Simone, des souvenirs incroyables pour Didier Thibault.
Mais ce n'est pas l'équipe de Didier Thibault, ni celle de l'artiste qui vend les billets. Un troisième acteur intervient : le producteur local. Il engage les manutentionnaires qu'on appelle les road, qui montent et démontent la scène. Il embauche aussi les coursiers qu'on appelle les runners.
Nous faisons la connaissance de Yannis. Il doit planifier ses itinéraires et bien connaître la ville. On peut lui demander d'aller récupérer un artiste à la gare ou à l'hôtel, l'envoyer faire des courses au supermarché ou dans un magasin de bricolage. "Toute la journée, je suis sur la route. Là par exemple pour Gims, il lui faut une petite théière dans sa loge", explique Yannis.
Une fois, un artiste m'a demandé de lui chercher plein de croupions de poulets.
Yannis, runner du zénith de Rouen
Pendant que Yannis enchaîne les missions, musiciens et techniciens enchaînent les chansons. Pour l'instant, tout le monde garde son sang-froid, à quelques heures du grand show.
Les métiers de l'ombre
On en est qu'aux répétitions, mais ça danse déjà en coulisses ! Éclairagistes, artificiers, ingénieurs du son... ces métiers, c'est une histoire de passion. L'amour du spectacle et divertissement. "On a des lances flammes qui se balaient de gauche à droite. Des flammes qui vont jusqu'à 5 mètres de haut ! C'est chaud, mais ça rayonne énormément. Ca va être impressionnant !", se réjouit Sylvain Tauron, technicien effets spéciaux.
Ses yeux pétillent, mais son regard reste vigilant, avec l'œil toujours fixé sur le chanteur et les musiciens. Sachant qu'avant chaque flamme, Julien prévient les artistes équipés d'oreillettes. "Attention aux flammes dans 5 secondes !"
Ces dizaines de techniciens travaillent dans l'ombre pour mettre en lumière et en toute sécurité les artistes. "Pendant le show, on est en permanence en cas de soucis", nous explique Raphaël, éclairagiste. Ce dernier dirige l'équipe des éclairagistes. Il nous montre le dernier système à la pointe. À l'aide d'un guidon, il bouge une lumière.
Rouen, un public difficile ?
Rouen est la première date de la tournée de Gims, et ce ne serait pas un hasard. "Déjà, c'est proche de Paris, donc plus simple pour les artistes. Il paraît que c'est un public exigeant; il paraît !", lance Julien, ingénieur son.
On parle de légende urbaine. Dans toutes les villes on dit un peu ça, que les artistes aiment bien commencer chez nous parce que si ça marche chez nous, ça marchera ailleurs.
Didier Thibault, directeur du Zénith de Métropole Rouen Normandie
Dans tous les cas, le public arrive dans 24 heures. Et si on veut parler avec Luc Linassier c'est maintenant. Le jour d'un spectacle, le directeur technique du site a la responsabilité de toutes les équipes sur place, et ça peut monter jusqu'à 200 personnes ! "200 personnes + le public...on se retrouve à 7.500 dans le bâtiment !"
"Tout le monde à son poste !"
Jour J ! 15H37. La concentration est à son zénith. Les équipes veulent livrer le meilleur show. Gims doit bientôt arriver pour répéter. La boutique se met en place, ça s'active dans le hall d'entrée... Lucie vient faire un point avec ses équipes, il est 17h. "On va avoir une vingtaine de barmans pour gérer le flux, ça va être très intense les quinze dernières minutes avant le show."
Le show est complet, 5.500 personnes sont attendues. "En général, 10% du public consomme la nourriture au bar", explique Lucie. Les frigos se remplissent, le zénith aussi. Non pas par les premiers spectateurs, mais ceux qui vont s'occuper d'eux : hôtesses, barmans, secouristes, pompiers, agents de sécurité... tous embarquent en même temps dans le bateau avec leur capitaine, Luc Linassier. "C'est tout le monde à son poste à 18h20 pour une ouverture à 18h30"
Les 60 hôtesses, en tenue, attendent les consignes. Réparties à toutes les portes, ils vont placer les spectateurs, car ce soir, chacun a une place assise et numérotée. Pas d'intérêt donc à venir en avance, le flux est plus tranquille.
Mais en quelques minutes tout de même, ça se remplit et ça consomme ! Comme prévu, les hot-dogs séduisent le public familial de Gims, les bières ont plus de succès lors de concerts de rock. Lucie prévoit environ 7.000 euros de recettes pour la soirée.
19h50, la salle se remplie. Dernières communications radio... aucun problème à signaler. Le concert peut commencer.
En coulisse, ils sont des centaines. Techniciens, artistes, régisseur, cuisinier, coursier… à avoir travaillé pour ce moment. Au Zénith de Rouen… le tout premier concert de la tournée de GIMS démarre. Les 5500 spectateurs semblent apprécier, mais l’un d’entre eux quitte la salle au bout de 3 minutes. Il s'agit de Didier Thibault, le directeur du Zénith.
Moi mon job il est ailleurs que dans la salle. On loue un espace, on a un rdv avec producteur pour finaliser le contrat. C’est curieusement le moment le plus calme pour le faire. Les gens sont au concert, l’artiste est sur scène, on est au calme, il n’arrivera rien.
Didier Thibault, directeur du zénith
Combien ça coute de louer le Zenith ? Didier Thibaud nous donne ce chiffre : environ 60 000€ pour une jauge de 6 500 personnes. Pendant que Gims chante, ça parle donc contrat dans les bureaux, et ça bouge déjà… dans les couloirs.
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Le balai des techniciens
Il est 21h30, Le spectacle vient de commencer et pourtant… ils rangent. Ils sont 32 manutentionnaires du spectacle, qu’on appelle Road. Engagés pour soutenir l’équipe de la tournée dans le démontage du concert, en commençant par le matériel de cuisine de Gims.
"Le catering, on la recharge pendant le spectacle, c’est du temps de gagner. Quand on est en one shot, on a besoin que ça aille vite pour qu’ils puissent partir le plus vite possible à Caen, demain, pour se reposer aussi. Les démontages, c'est toujours la course", explique Fred, régisseur de la production locale.
Gims joue le lendemain au Zénith de Caen. Cette nuit, il faut plier, partir, et tout réinstaller, en un minimum de temps. "Ça va aller très vite, dès que public est sorti. Vous allez voir c’est des fourmis qui courent partout, ça envoie du bois."
Pendant que les fourmis se préparent à rentrer, les cigales… quittent la salle. "Les musiciens étaient géniaux, Gims fidèle à lui-même. Il chante bien !", nous lancent des fans.
Une marée humaine rejoint la nuit noire. Les roads passent à l’action. Tel un orchestre, chacun connait sa partition. Les morceaux du puzzle tombent un à un, la vitesse d’exécution, pour dégager ces tonnes de matériel, est impressionnante.
Le parterre de chaise est évacué, les camions peuvent rentrer. Dans un ordre bien précis, et au millimètre, on va y ranger les écrans géants, les canons à confettis, les lance-flammes.
L’équipe de tournée part sur les routes. Le zénith, lui, va devoir faire peau neuve car dans quelques heures, un nouveau concert commence.