Entre Rouen et Caen, la guerre musicale est-elle déclarée ? Deux entités se battent contre une fusion de l'orchestre de Normandie avec celui de l'opéra de Rouen.
Le projet avait été annoncé en novembre 2021 quand Hervé Morin, président du Conseil régional de Normandie, évoquait la création d'une seule entité musicale réunissant, par le biais d'une fusion l'orchestre régional de Normandie et celui de l'opéra de Rouen.
Le 15 juin, des musiciens normands en grève se mobilisent devant le Théâtre des Arts de Rouen (Seine-Maritime) pour s'opposer à ce projet du Conseil régional de fusion de l'orchestre de l'opéra de Rouen avec l'orchestre régional de Normandie de Caen.
Un projet de fusion qui a été très rapidement critiqué et une pétition a ensuite été lancée dans laquelle il est précisé que l'un des objectifs du rapprochement des deux orchestres serait d'obtenir le label d'orchestre national en région "voire même d’Opéra national."
Redoutant que la fusion ne profite qu'à Rouen et à son Théâtre des Arts, à Caen aussi, les 18 musiciens de l'orchestre régional de Normandie (structure associative créée en 1982) sont inquiets pour leur avenir, comme l'a expliqué à notre journaliste Stéphanie Potay, un des membres de l'orchestre, le bassoniste Clément René :
“On dénonce ce projet de fusion des deux orchestres en Normandie parce que pour nous, un tel projet de fusion, c'est une perte de concerts pour le contribuable normand. Il faut savoir que les deux orchestres font, par an, plus de 600 concerts en Normandie, et si la fusion se fait, le nombre de concerts serait fortement diminué.”
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Une grève historique
La première depuis 20 ans à Rouen, la première en 40 ans à Caen : la grève -historique- des musiciens des orchestres normands traduit l'importance de la crise qui secoue l'univers habituellement feutré de la musique classique.
Les musiciens grèvistes de Caen et de Rouen ont organisé une action commune et peu banale avec un concert en plein-air sur le parvis de l'opéra de Rouen, au moment où les spectateurs de la représentation de "La flûte enchantée" arrivaient.
Nous essayons toujours de dialoguer, mais actuellement on est face à un blocage : c'est pour ça qu'on va jusqu'au bout cette fois-là
Nicolas Musset, un des musiciens grévistes de l'orchestre de l'opéra de Rouen
Pour le porte-parole de ces musiciens, Nicolas Musset, contrebassiste dans l'orchestre de l'opéra de Rouen, il s'agissait de se faire entendre :
“Cela prouve bien l'inquiétude des musiciens des deux structures car nous n'avons pas dans l'ADN cette volonté de faire grève. Nous essayons toujours de dialoguer, mais actuellement on est face à un blocage : c'est pour ça qu'on va jusqu'au bout cette fois-là et avec la communication on l'espère, on va pouvoir reprendre le dialogue.“
L’annonce de la Région selon laquelle ce projet de fusion ne supprimera pas de postes n’a pas convaincu tous les musiciens. C’est le cas de Nicolas Musset : “Pas de postes supprimés ? J'en doute parce qu’actuellement les deux structures fonctionnent pour effectuer leur mission avec des musiciens intermittents qui viennent dans des contrats précaires nous renforcer. Donc nous sommes déjà dans une sorte de sous-effectif. Et rassembler les deux orchestres ça va faire une perte pour ces musiciens-là, pour nos musiciens qui viennent depuis de nombreuses années et ça va, à terme, officialiser l'arrêt d'un des deux orchestres en Normandie.”
Tension entre Caen et Rouen
Regrouper les deux structures pour en faire "un orchestre de 58 musiciens sous la gouvernance du directeur de l'opéra de Rouen" est un projet qui ne passe pas, surtout du côté de Caen.
Pourtant, à la Région, on affirme avoir mené une concertation ces derniers mois. "Des groupes de travail se sont réunis pour étudier cette fusion et recueillir les avis des personnes concernées, musiciens, administratifs et techniciens" indique Patrick Gomont, le vice-président de la Région en charge de la culture.
Estimant insuffisantes les modalités de la concertation, les musiciens normands veulent se faire entendre avant la fin de la saison et espèrent trouver rapidement un accord explique Nicolas Musset :
“On espère pouvoir réengager le dialogue avec le président de la Région, monsieur Morin, c'est notre volonté première de pouvoir dialoguer avec lui et trouver les termes d'une entente commune à propos d'une base commune. Actuellement c'est ce qui nous frustre et qui nous inquiète : c'est que on n'a jamais pu avoir voix au chapitre et que ça a été une parodie de discussion et de groupes de travail.”
C'est le 27 juin 2022, lors d'une réunion au Conseil régional, que le bilan de cette concertation doit être fait avec l'annonce de la décision concernant le projet de fusion.
