Deux associations d'automobilistes ont déposé fin mars un recours au tribunal administratif de Rouen (Seine-Maritime) qui vise à suspendre la zone à faibles émissions (ZFE) de la métropole. Sur quels arguments se base-t-il ?
"Je pense que l'on a toutes les chances de gagner" : ils y croient et sont déterminés. Mathieu Seguran, délégué général de la Féda (Fédération de la Distribution Automobile), et Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d'automobilistes, ont déposé un recours juridique contre la ZFE de Rouen. La ZFE à laquelle se sont opposés 2 000 motards en manifestant fin mars.
Les deux hommes expliquent s'être "rendu compte d'énormément d'incohérences sur la mise en place de cette ZFE. On s'est posé la question sur la manière dont on allait conduire des actions, au-delà des actions nationales, pour agir en local".
Un recours en 3 points
Le recours qu'ont déposé les deux associations porte sur 3 mots d'ordre : liberté, égalité et cohérence. "Pour ces trois points, on pense qu'on a de grandes chances, peut-être pas de l'arrêter, mais de contraindre la ZFE", estime Pierre Chasseray.
Liberté
Pour eux, la ZFE touche à la liberté : "C'est une atteinte à la liberté d'aller et venir". Les deux hommes dénoncent l'interdiction permanente de rouler pour les véhicules aux vignettes Crit'Air les plus élevées alors "que l'on aurait pu prévoir des jours ou créneaux de circulation" pour ces véhicules.
Cette ZFE engendre également, selon eux, des problèmes pour les automobilistes qui "doivent garer leur véhicule, ce qui va rallonger leur temps de transport, avec une offre de transports en commun insuffisante."
Ils considèrent aussi que "les aides de la métropole ne suffiront pas pour disposer d'une méthode alternative." Pour eux, tout le monde n'a pas les moyens d'acheter une voiture neuve.
Egalité
Le deuxième axe de leur argumentaire porte sur l'égalité. Les deux associations considèrent qu'il y a "une rupture d'égalité manifeste dans la mise en oeuvre" de la ZFE puisque "les dérogations ne concernent que certaines catégories de véhicules."
Ils indiquent que "la métropole prévoit des exceptions temporaires pour des véhicules spécifiques", afin "de ne pas mettre en difficulté le tissu économique local", dont "les particuliers ne bénéficient pas."
Cohérence
Enfin, ce recours traite de la cohérence de la ZFE. Pierre Chasseray et Mathieu Seguran dénoncent l'exemple de la commune de Mont-Saint-Aignan, non concernée par la ZFE.
"L'exclusion de la ville de Mont-Saint-Aignan conduira les véhicules non-autorisés à stationner en nombre important au sein de la commune, qui conduira à l'exposer à des émissions polluantes élevées."
Selon eux, "la liste des voies incluses dans la ZFE est incohérente puisque certaines sont partagées avec des communes exclues de la ZFE."
On déplace le problème. Ces véhicules qui ne pourront plus rouler dans la ZFE vont rouler ailleurs. On est face à un amateurisme sans nom dans la façon dont cela a été conduit.
Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes
Quelle alternative ?
Les deux hommes estiment qu'ajourd'hui, "la vignette Crit'Air n'est pas un critère de pollution mais un critère d'ancienneté du véhicule". Avec l'alternative qu'ils portent, ils veulent "aboutir à quelque chose de plus sérieux, que ce ne soit pas une opposition blanc contre noir, que l'on arrive à quelque chose de beaucoup plus mesuré."
Ce qu'ils proposent, c'est une "mesure pour repêcher les véhicules bien entretenus". Pour eux, il faut améliorer le contrôle technique en mettant en place le contrôle des 5 gaz, toujours dans l'optique de réduire la pollution de l'air. Selon Pierre Chasseray, cette vérification supplémentaire pourrait coûter 10 à 15€ en plus lors du contrôle technique de son véhicule.
Ainsi, "notre idée est de distinguer celui qui entretient son véhicule et qui a des émissions polluantes acceptables, de celui qui n'entretient pas sa voiture, qui roule dans une poubelle et qui pollue tout le monde", expliquent les deux hommes.
On voit bien que le parc thermique ne va pas disparaître comme ça donc avec cette alternative du contrôle technique, on aura une mesure de justice sociale et on pourra mesurer d’année en année son effet.
Mathieu Séguran, délégué général de la Féda
Pour ce qui est de la suite, la Fédération de la Distribution Automobile (Féda) et 40 millions d'automobilistes espèrent obtenir une réponse du tribunal administratif d'ici 6 mois.
Si le recours est validé, ils comptent en déposer pour chacune des autres villes soumises à une ZFE, avec le but de les suspendre.