Six mois après l’instauration de la Zone à faibles émissions (ZFE), les propriétaires de véhicules énergivores ne peuvent plus circuler à Rouen et dans douze autres communes de la métropole. Finie la période de tolérance pour laisser le temps aux automobilistes de se procurer la vignette ou une nouvelle voiture...
La "pédagogie", prônée par Nicolas Mayer-Rossignol, président de la Métropole, est terminée. Dès ce mercredi 1er mars, les véhicules non classés ou classés Crit’Air 4 et 5 sont verbalisables dans les treize communes de la ZFE de Rouen. Si leur interdiction avait été officialisée en septembre, une période de tolérance avait été mise en place, le temps pour les usagers de se procurer une vignette, ou de remplacer leur voiture.
Jusqu’à 135 euros d’amende
Sont concernés, les automobilistes amenés à circuler à Rouen, Déville-lès-Rouen, Notre-Dame-de-Bondeville, Bois-Guillaume, Bihorel, Darnétal, Saint-Léger-du-Bourg-Denis, Bonsecours, au Mesnil Esnard, à Amfreville-la-Mi-Voie, Sotteville-lès-Rouen, au Petit-Quevilly et au Grand-Quevilly.
Les contrevenants s’exposent à une amende de 68 euros pour les véhicules légers, et 135 pour les véhicules lourds. Si les contrôles peuvent démarrer officiellement aujourd’hui, ils ne seront pas systématiques. Pour rappel, des exceptions – très ciblées – sont également possibles, pour les véhicules de collection ou ceux affichant une carte "mobilité inclusion", par exemple.
"On devient ceux qui ne peuvent pas s'acheter une voiture neuve"
Ce samedi 25 février, une trentaine d’opposants à la ZFE avait bloqué la circulation pendant une heure entre Barentin et Rouen, lors d’une opération escargot. Ces derniers ont estimé la mesure "discriminatoire", pénalisant et stigmatisant les habitants les plus modestes, dans l’incapacité de renouveler leur parc automobile, malgré les aides.
Un avis partagé par Rémi. A 23 ans, ce jeune diplômé en électricité industrielle réside dans une commune de la ZFE. Faute de moyens, il continuera de rouler avec sa voiture Crit’Air 5. Mais précise "ne pas être anti-écologie". "Je trouve ça excessif. On ne fait pas ça pour l’écologie, mais pour des raisons économiques. On change de classe sociale, on devient ceux qui ne peuvent pas s’acheter une voiture neuve."
En quoi les grosses voitures en V8 et diesel pollueraient moins en 2023 que les petits moteurs essence sortis il y a quinze ans, comme les Twingo ?
Rémi, propriétaire d'un véhicule Crit'Air 5à France 3 Normandie
Dans son entourage, beaucoup de jeunes sont confrontés au même dilemme : risquer l’amende ou souscrire à un crédit qu’ils ne pourront pas forcément rembourser. Conserver sa voiture est une nécessité mais devient, aussi, une forme de militantisme. "Je ne m’en cache pas. Je ne me laisse pas marcher sur les pieds ; il faut se rebeller tant qu’on peut", avance-t-il.
Les habitants de l'Eure, éloignés des aides
Emmanuelle vit quant à elle près de Gaillon, dans l’Eure. La ZFE, elle ne devra s’y rendre qu’en période de partiels. "Pour reprendre une activité professionnelle, je fais une licence de droit", précise cette mère célibataire de 41 ans. "J’ai un enfant à charge et un crédit immobilier qui pèse dans mon budget mensuel. Ma voiture Crit’Air 4 m’a été offerte par un ami, car je ne peux pas payer un second crédit."
Dans l’incapacité de racheter un véhicule, elle s’avoue en colère. Car l’amende "pèsera le prix d’un caddie de course" dans son budget déjà maigre : "c’est arbitraire. On cherche à s’en sortir, et on nous appuie sur la tête."
J’ai écrit au président de région pour obtenir une dérogation au moins pour les partiels. Mais je n’ai aucune réponse, je suis complètement ignorée.
Emmanuelle, propriétaire d'un véhicule Crit'Air 4à France 3 Normandie
Comme Emmanuelle, de nombreux habitants de l'Eure ne peuvent pas bénéficier d'aides financières pour changer de voiture. Pâtissier, Yoann ne conçoit pas de changer de véhicule : "je vis dans l'Eure et ne dois parcourir qu'1 km dans la ZFE, au Grand-Quevilly. J'en parcours environ 45 000 à l'année. Je trouverait ça très bête de changer de véhicule pour 1 km par jour..."
Reste à savoir si une dérogation exceptionnelle sera possible pour les propriétaires de véhicules trop polluants. Pour l’heure, rien n’a été mise en place. Nicolas Mayer-Rossignol a toutefois indiqué réfléchir à un pass permettant de circuler dans la ZFE pendant 24 heures, plusieurs fois dans l’année.
