Dans la nuit du 5 au 6 août 2016, une fête d'anniversaire tournait au drame après l'incendie du bar Le Cuba Libre, sur la rive gauche de Rouen. 14 jeunes participants avaient trouvé la mort.
"Oui, on peut sortir en sécurité à Rouen" affirme Christophe Duboc, le président de la commission de contrôle et de sécurité de la mairie de Rouen (Seine-Maritime).
Six ans après l'incendie du Cuba Libre, autorités, professionnels et population restent marqués par le drame. Dans la nuit du 5 au 6 août 2016, la jeune Ophélie fête ses 20 ans dans le sous-sol d'un bar rouennais situé sur la rive gauche de Rouen, le Cuba Libre. Vers 1 heure du matin, l'une de ses amis trébuche dans les escaliers qui mènent au sous-sol, un gâteau d'anniversaire dans les mains. En très peu de temps, les bougies enflamment les murs, le plafond et la moquette recouverts d'isolant phonique extrêmement inflammables. S'en suivent des explosions et un incendie très violent. Les fumées toxiques dégagées par la combustion des plaques d'isolant avaient empoisonné les occupants de la pièce.
13 personnes avaient péri dans l'incendie. Une jeune femme était décédée des suites de ses blessures en septembre 2016. Elle fut la 14ème victime.
L'ensemble des établissements contrôlés, des travaux de mise aux normes effectués
Les établissements recevant du public sont répartis en cinq catégories. La cinquième qui regroupe notamment les bars et cafés n'est pas soumise à des contrôles périodiques, contrairement aux quatre premières.
Les contrôles sont à la charge de la commune. A Rouen, c'est Christophe Duboc, conseiller municipal délégué en charge du patrimoine bâti, de la rénovation énergétique et des commissions de sécurité incendie qui en a la charge.
Il y a eu plus de contrôles notamment sur les établissements de 5e catégorie où on a fait des contrôles inopinés. C'est plus d’une centaine à ce jour. On peut désormais dire que tous les établissements de 5e catégorie ont un avis favorable. A part un seul, fermé, mais qu’on suit de près et qui va être transformé bientôt en boulangerie.
Christophe Duboc, président des commissions communales de sécurité incendie
Pour l'élu, le publique peut se sentir en sécurité lorsqu'il sort dans un établissement rouennais. " Effectivement, on a bien contrôlé les bars et cafés. On a eu aussi dernièrement un contrôle des discothèques. Il faut savoir que depuis le Covid, il y a eu un décret qui est passé : tout établissement recevant du public ayant été fermé pendant plus de 18 mois, se devait d’avoir une commission de contrôle de sécurité pour sa réouverture. Donc oui on peut se sentir en sécurité dans les bars et discothèques à Rouen" confirme Christophe Duboc.
Faut-il durcir la loi ?
Le fait que les bars et cafés ne soient pas soumis à des contrôles périodiques a de quoi surprendre après le drame du Cuba Libre. On pourrait imaginer que la loi régissant les établissements recevant du public soit durcie.
C’est compliqué à dire. Oui, on pourrait réagir par rapport à ce drame qui nous a tous marqués. C‘est au législateur de prendre ses responsabilités. Effectivement, pourquoi pas durcir la loi, mais les normes de sécurité sont déjà présentes. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de contrôle de la commission communale que les exploitants ne doivent pas respecter la réglementation incendie. Donc la réglementation est la même pour tous, quel que soit le type d’établissement recevant du public.
Christophe Duboc, président des commissions communales de sécurité incendie
L'absence de contrôle ne signifie pas que les patrons de bar ne doivent pas respecter la loi rappelle l'élu. "Les exploitants doivent respecter la règlementation incendie, à savoir avoir des moyens de sécurité comme les extincteurs, des alarmes, avoir des points d'accès suffisants en fonction de la surface et de la jauge maximum de public et des sorties de secours libres. C'est à la charge des exploitants de respecter ces réglementations" explique Christophe Duboc.
L'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) de Seine-Maritime est l'un des syndicats professionnels des exploitants de débit de boisson. Son président, Philippe Coudy estime que le secteur serait mieux armé si l'autorisation d'ouverture d'un bar était conditionnée au fait que l'exploitant ait une formation dans le domaine de l'hôtellerie restauration, comme c'est le cas dans d'autres commerces, comme la coiffure par exemple, où au moins un salarié doit être titulaire d'un CAP. Le restaurateur rappelle que les exploitants doivent suivre une formation sur les enjeux de l'accueil du public, la sécurité incendie et en matière d'hygiène lors de l'ouverture de leur établissement. Mais pour certains professionnels du bar, la connaissance s'arrête là.
Pour le président de l'UMIH76, le gouvernement gagnerait à instaurer une sorte d'obligation à adhérer à un syndicat professionnel.
Dans nos organisations, nous avons des spécialistes qui peuvent répondre à de nombreuses questions en termes de législation. On peut apporter un conseil de grande qualité face à des exploitants qui peuvent parfois se sentir un peu perdu.
Philippe Coudy, président de l'UMIH 76
La commission communale de sécurité incendie peut également apporter des conseils aux établissements recevant du public indique son président. "C'est aussi une de nos missions. Les exploitants ne doivent pas hésiter à nous interroger lorsqu'ils ont des doutes" précise Christophe Duboc
Depuis l'incendie du Cuba Libre, les commissions sont-elles plus sévères ?
"[Ce drame] n'a pas changé ma façon de travailler. Les commissions contrôlaient déjà les établissements recevant du public et on a conscience de notre responsabilité lors de ces contrôles. Nous engageons notre responsabilité personnelle. Moi-même en tant que président de la commission, je m'engage personnellement au niveau civil et au pénal donc là responsabilité est là et si je délivrais un avis favorable pour un établissement public qui n'a pas respecté les normes, je serais condamnable" précise Christophe Duboc.
Sur ce point, l'UMHI 76 n'est pas tout-à-fait d'accord. "Il y a eu une sévérité un peu contestée après l'incendie du Cuba Libre. Certains adhérents ont regretté que la commission de sécurité ne leur ait pas laissé un peu plus de temps pour faire les investissements pour des cas où il manquait un ou deux centimètres dans un espace de déplacement par exemple" explique Philippe Coudy, son président.
Une profession plus que jamais consciente des risques incendie
Après le drame du Cuba Libre, les exploitants de débit de boisson rouennais ont porté une attention accrue à la sécurité contre les incendies selon l'UMIH 76. Le président insiste sur le fait que les professionnels dans la très grande majorité des personnes responsables et qu'ils ont été profondément touchés par la mort de 14 personnes dans un bar.