Elle est mexicaine et vit en France depuis 2013. Aujourd'hui cette professeure d'espagnol employée par l'éducation nationale est menacée d'expulsion. La préfecture lui reproche de ne rien apporter à la société.
"Je ne suis pas mariée, je n'ai pas d'enfants. On m'a dit que je n'étais pas insérée dans la société, que je n'avais que des intérêts personnels et que je n'apportais rien à la société". Dulce a du mal à contenir ses larmes, sa déception et son amertume. Arrivée à Rouen en 2013 pour apprendre le français, cette jeune femme mexicaine avait le projet de l'enseigner ensuite dans son pays d'origine. Mais voilà qu'elle découvre rapidement son appétence pour l'enseignement de l'espagnol, sa langue natale. "J'ai commencé à donner des cours d'espagnol et d'anglais aux petits, et là j'ai découvert cette passion : l'enseignement de l'espagnol !" nous explique cette jeune mexicaine qui ne souhaite pas montrer son visage.
Dulce est arrivée en France avec un visa étudiant. Après trois années d'études, la voilà professeure d'espagnol contractuelle de 2016 à 2020, dans neuf établissements de l'agglomération rouennaise. Elle ira jusqu'à donner 18 heures de cours par semaine. Elle fera alors toutes les démarches nécessaires pour prolonger son autorisation de séjour, sans succés. La préfecture lui délivre en avril dernier une OQTF, une Obligation à Quitter le Territoire Français, au motif que la jeune femme n'apporte rien à la société. Incompréhensible pour celle qui enseigne sa langue à des centaines de jeunes enfants rouennais, et qui y met tout son coeur. "J'ai très peur, l'enseignement c'est quelque chose qui me rend vivante, qui apporte beaucoup de joie à ma vie. Je n'ai plus l'opportunité de travailler et ça me blesse vraiment. Je me rappelle des bons moments avec mes élèves" nous avoue Dulce, qui a du mal à contenir son émotion.
Liberté, égalité, régularisez !
La jeune mexicaine peut compter sur le soutien de Carmen Lera, une professeure d'espagnol à la retraite qui l'héberge, ainsi que sur l'association RESF. Ils étaient par ailleurs une centaine de personnes ce mercredi 26 mai devant la préfecture de Rouen à demander la régularisation des lycéens et lycéennes étrangers qui atteignent leur majorité, et ne sont plus autorisés à rester sur le territoire français.
Des lycéens sans papiers ou des "premiers de corvées" comme les appellent la CGT qui les défend, ils sont nombreux à espèrer une vie plus douce en France. La CGT76 s'occupe de 80 dossiers sur l'agglomération, et s'est également saisie du cas de Dulce. "C'est très rare pour les enseignants, mais très fréquent pour les premiers de corvée qui travaillent dans la restauration, le commerce, le bâtiment ou le transport" explique Pierre Louvard, responsable des dossiers de travailleurs sans papiers à la CGT76. Le cas de Dulce est une première pour ce syndicaliste. Une pétition en ligne a également été lancée pour soutenir la jeune femme mexicaine.