Elle s'appelle Zuleika. Comme Lucha, tuée en février 2016 d'une balle dans la tête, elle est transexuelle et se prostitue à Rouen. Elle témoigne pour la première fois de son quotidien.
Elle est âgée d'une cinquantaine d'années. Elle a accepté de témoigner à condition de conserver son anonymat.
Comme son amie Lucha, Zuleika est née homme mais s'est toujours sentie femme. Au Pérou, à Lima, elle prend des hormones dès l'adolescence pour tenter de modifier son apparence physique. Elle est alors renvoyée de son établissement scolaire par une direction, qui craint la contagion aux autres élèves.
Arrivée en France, elle se prostitue comme une vingtaine de transexuelles péruviennes dans le quartier de la gare à Rouen. Son quotidien est fait de peur et de violence comme elle l'a expliqué à Véronique Arnould et Didier Meunier. (Montage : Justine Giet)
Pourquoi avez-vous fait le choix d'assister au procès ?
" C’est important pour Lucha et pour nous. Lucha est décédée mais nous, nous sommes encore là. Il y a beaucoup d’incompréhensions. Parfois, nous nous faisons agresser et les autorités ne nous aident pas."
C'est un milieu violent où vous vivez dans la peur ?
"Nous vivons des situations très dangereuses. Nous vivons cachés, toujours dans la peur. Notre problème, c’est que la société ne nous comprend pas. Nous sommes des femmes de la rue. Moi, j'ai été agressée en 2015, (ndlr : un an avant la mort de Lucha). Et ce n'est qu'une année après que la police s'est intéressée à moi. Avant, elle n'a mené aucune enquête, aucune investigation. Je n'ai pas été convoquée. Le seul contact que nous avons avec la société, c'est la rue et la prostitution."
A votre avis, pourquoi les clients sont-ils aussi violents à votre encontre ?
C'est parce qu'ils n’acceptent pas eux-mêmes leur sexualité. Une fois qu’ils ont eut des rapports sexuels avec nous, ils se sentent mal car ils ne veulent pas reconnaître leur vraie nature.
Vous souhaitez ajouter quelque chose ?
"Mon grand rêve, c’est que la société nous admette, que nous n'ayons plus l'obligation de nous cacher. Que nous puissions trouver un autre travail que la prostitution et que les gens puissent aussi se découvrir tels qu'ils sont".