La Région a adopté ce lundi 15 février, une augmentation de sa part de financement dans le projet de contournement est de Rouen. Mais est-ce une bonne idée de construire cette infrastructure ? Nous avons posé la question à Arnaud Brennetot, spécialiste de l’aménagement du territoire.
Voilà un projet d'autoroute de 41,5km qui devrait enfin voir le bout du tunnel et surtout voir le jour après la décision de la Région et du Département de financer la somme manquante après le retrait de la Métropole. Est-ce une bonne nouvelle ?
Arnaud Brennetot : "A l’échelle locale, ce que permettrait le contournement est, c’est une multiplication des flux locaux qui traversent l’agglomération de Rouen sans s’y arrêter et cela permettrait une diminution de la pollution liée au trafic d’automobiles et de camions.
A l’échelle globale en revanche, on sait que lorsqu’on augmente une offre de transport, ça se traduit par une augmentation du trafic et donc des émissions de gaz à effet de serre. Cette interprétation se fait dans la mesure où l'on oublie la possibilité d’une transition immédiate vers des véhicules électriques.
Nous faisons les frais d’une politique de transports un peu trop tardive. En France, le trafic de frets ferroviaires a diminué au cours des vingt dernières années alors qu’il a augmenté du côté du trafic routier. C’est problématique. Aujourd’hui, 90% du trafic de marchandises en France se fait par le fret routier. Et en Normandie, grande zone de ports industriels, l’impact est considérable sur le plan des mobilités, sur l’engorgement des équipements et sur le plan environnemental. Une politique volontariste à l’échelle nationale, qui tendrait vers un développement du fret fluvial et routier, permettrait au moins d’éviter ces problèmes posés par le contournement est."
L'un des problèmes soulevés par l'opposition est celui de la bétonisation des sols. Plus de 500 hectares de terres cultivées devraient être exploités en ce sens mais des partisans disent qu’il y aura des contreparties. Sont-elles suffiantes ?
Arnaud Brennetot : "L’enjeu principal ici réside dans les émissions de gaz à effet de serre. L’histoire de bétonisation des sols me semble personnellement tout à fait secondaire. Certes la construction sur un tel périmètre, d’autant plus que ce sont des terres cultivées et cultivables, est importante. Mais tous les grands chantiers ont supposé à un moment la consommation de terres.
Ce que l’on observe, c’est que le président de la Métropole Rouen-Normandie (Nicolas Mayer-Rossignol) propose pour réguler le trafic, la construction d’un grand parking routier. Ce qui impliquerait aussi la consommation de parcelles cultivées. L’enjeu n’est pas tant de savoir si l’on doit artificialiser ou pas. Mais plutôt de savoir si cela relève de l’intérêt général y compris sur le plan environnemental. Cette question de l’artificialisation des sols devrait se poser à l’échelle régionale et non locale."
Si l’on oublie pour quelques instants l’aspect économique, est-ce que cette infrastructure est pertinente d’un point de vue écologique ?
Arnaud Brennetot : "Il n’y a pas de réponse simple car créer ce type d’autoroute est fait pour améliorer le cadre de vie des Rouennais. Mais en même temps, ça se traduirait par une augmentation considérable de la production de gaz à effet de serre à l’échelle globale. Mais l’absence de ce type de construction se traduirait non pas par la suppression de gaz à effet de serre mais par une moindre augmentation. Aujourd’hui on constate que les flux routiers augmentent le long des trois principaux ponts de Rouen qui enjambent la Seine (les ponts Flaubert, Mathilde et Guillaume). C’est finalement la population locale qui est touchée dans l’une des seules agglomérations qui ne bénéficient pas de rocade routière.
Face à cette situation, la Métropole s’est prononcée et s’est retirée du projet, le département de Seine-Maritime et la Région eux maintiennent le pour. Je pense que nous devrions revoir nos ambitions en vue du contexte sanitaire que nous traversons. A ce titre, certaines solutions pourraient être réexaminées. Contraints par la force des choses, le télétravail par exemple a réduit le trafic. Nous pourrions penser aussi à des dispositifs de régulation du trafic. La projection pêche, comme à l'accoutumée dans ce contexte compliqué."