"Un vrai traumatisme" : pourquoi ces habitants ne peuvent plus vivre chez eux depuis de longs mois

À Pavilly (Seine-Maritime), quatre maisons situées sur un aqueduc risquaient de s'effondrer. Les habitants ont été évacués et doivent continuer à payer le remboursement de leur maison, tout en payant un nouveau loyer. Une vraie galère.

"Je préfère en rire car sinon je déprime." Catherine Lecoq, une retraitée de 65 ans, a été évacuée de sa maison dans laquelle elle vivait depuis 20 ans, en décembre 2022, à Pavilly (Seine-Maritime). Elle a dû tout quitter du jour au lendemain.

Un aqueduc s'est effondré sous leur maison

Même situation pour Jérôme Folastre, 28 ans, un enseignant qui venait d'emménager dans sa toute nouvelle maison, rue du Docteur Coutaud, quatre mois auparavant.

La raison ? Un aqueduc souterrain s'est effondré à cinq mètres de profondeur. "Il y a eu un trou dans le jardin de nos voisins, raconte Catherine Lecoq. Au début, on a cru à une marnière puis la mairie, qui venait tous les jours pour observer le trou, nous a indiqué qu'il s'agissait d'un aqueduc."

Cet aqueduc, datant des années 1830, recueille les eaux pluviales de tout le plateau avant de les rejeter dans l'Austreberthe, en contrebas. "Nous étions inquiets, on ne savait pas ce qu'il allait se passer. Mais quand le 20 décembre, ils nous ont demandé d'évacuer notre maison, on ne s'y attendait pas du tout !, raconte Catherine Lecoq. On a dû tout déménager à la hâte, c'était un vrai choc."

Quatre maisons évacuées

En tout, quatre maisons ont été évacuées, deux locataires et deux propriétaires. Les deux locataires ont été relogés par la mairie. Mais pour Catherine et Jérôme, ce fut une autre galère. Logés d'abord dans un gîte à Pavilly, Catherine loue désormais une maison à Notre-Dame-de-Bondeville et Jérôme un gîte à Blosseville-sur-Mer.

"Mais moi, je dois payer le remboursement de ma maison à 660 euros chaque mois et le gîte, soit environ 900 euros par mois", déplore Jérôme Folastre, qui venait de faire 60 000 euros de travaux dans sa demeure. "Et moi, je n'avais pas prévu de payer un loyer de 700 euros sur ma retraite", souffle sa voisine, qui avait également effectué 20 000 euros de travaux avant l'évacuation.

Les propriétaires pointent du doigt la mairie. "C'est leur assurance qui doit nous payer notre relogement", assurent-ils. L'assurance Axa de Jérôme Folastre nous le confirme également.

"Nous nous sentons abandonnés, nous avons vraiment l'impression qu'ils n'en ont rien à faire, il n'y a aucune empathie", peste Catherine.

C'est un vrai traumatisme. Nous sommes dans un état de stress permanent.

Catherine Lecoq

Retraitée

Neuf mois après l'évacuation, les habitants ont conscience qu'ils ne pourront pas réemménager tout de suite. "Le temps des études, de la justice, on en a au moins pour dix ans", s'inquiète Jérôme Folastre. "Et en attendant, nos maisons vont s'abîmer, sans chauffage, sans rien. On ne peut même pas rentrer récupérer le courrier", souligne Catherine Lecoq.

Les propriétaires ont pris contact avec un avocat pour faire un recours gracieux auprès de la mairie : "on demande un arrangement à l'amiable pour le relogement".

La réaction du maire de Pavilly

De son côté, François Tierce, avoue avoir "vraiment les boules" pour ses administrés. "Il m'arriverait un truc comme ça, je ne sais pas comment je réagirais, je comprends que c'est terrible", souffle-t-il. Mais l'édile dit devoir faire face à la réalité.

"Nous sommes dans l'obligation de reloger pendant six mois les locataires mais les propriétaires doivent se reloger à leur charge", assure-t-il.

Philippe Boiteux, son directeur général des services, appuie ses propos en brandissant l'article L 521-1 du code de la construction qui indique qu'en cas d'arrêté municipal, "le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement ou l'hébergement des occupants". "Dans le cas où le propriétaire est l'occupant, la règle est la même", commente-t-il.

La mairie a fait un référé en expertise au tribunal "pour "évaluer les préjudices des uns et des autres et savoir qui doit payer". La question est aussi de savoir qui est responsable.

Comment réparer un aqueduc ?

L’édile reconnaît que l’entretien de l’aqueduc est de la responsabilité de la Ville. "Nous sommes actuellement en train de faire des études pour savoir comment intervenir : peut-on réparer ? Faut-il détourner l’eau souterraine ? Il y a une réunion d'experts le 26 octobre et nous attendons des résultats d’études pour décembre 2023. C’est assez complexe car l’effondrement est intervenu à cinq mètres de profondeur."

La question est aussi de savoir qui a délivré des permis de construire au-dessus d'un aqueduc ? Selon le maire, des permis de construire ont été délivrés par la Direction départementale de l’équipement (DDE) en 1960 et un autre plus récemment. Il s'agit aussi de savoir si l'aqueduc avait été bien entretenu ?

"C'est un dossier compliqué, techniquement et humainement. Mais quand on voit les maisons qui se sont effondrées à Marseille ou à Lille, je vois que nous avons fait le bon choix. La vie de personnes est en jeu", conclut le maire.

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