Loin des clichés, la Normandie est en manque de pluie depuis des semaines. Les réserves ne sont pas pleines et les températures annoncées pour ces prochains jours inquiètent les spécialistes.
Les cinq départements normands vont connaître plusieurs jours de grand soleil. Le thermomètre pourrait frôler les 30 la semaine prochaine. Problème : pas une goutte de pluie à l'horizon. Les rares précipitations cet hiver ont accentué l'effet sécheresse. Météo France est catégorique : pas une goutte ne devrait tomber sur la Normandie sur les 10 prochains jours.
Des prévisions qui ravissent les touristes mais inquiètent les spécialistes. Jean Pierre Girod vice-président du CESER (Conseil Economique Social et Environnemental Régional) était l’invité de France 3 Normandie lundi 9 mai 2022. Il a fait le point sur l’état des nappes phréatiques, des sols et des prévisions pour cet été mais aussi les années à venir.
Nous l’avons interrogé sur l’état des réserves d’eau pour savoir si elles seraient suffisantes pour cet été.
« Nous sommes en déficit d’eau depuis le mois de janvier. La recharge hivernale n’a pas eu lieu comme les autres années. Quelques captages ont été fermés car il n’y a plus assez d’eau. Les autres signes importants : les sols sont secs donc, même si la pluie revenait le temps que les sols absorbent l’eau, se ramollissent et puissent se recontacter avec les ressources sous terre on voit bien que l’on va être en difficulté cet été. »
Nous sommes en déficit d’eau depuis le mois de janvier.
Jean-Pierre Girod, vice-président du CESER
La Normandie ne fait pas (encore) partie des régions sous surveillance mais des constats sont déjà inquiétants :
« On a déjà des phénomènes. Par exemple les forêts qui sont sur du sable, ce que l’on appelle les forets sur sablon, il y a des arbres qui sèchent. Dans les zones humides où il n’y a plus d’humidité certaines mares sont très basses. »
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Une nécessaire adaptation
Alors que certains pensent à remplir leur jacuzzi ou leur piscine, cet expert nous confirme que nos habitudes vont devoir changer si on veut faire face au réchauffement climatique :
" Le GIEC normand a fait des constats qu’il faut qu’on partage : les sécheresses vont devenir de plus en plus fréquentes et les canicules aussi. On va avoir un problème : à l’heure actuelle on a des cours d’eau qui sont très bas donc on ne va pas pouvoir prélever dans ces cours d’eau sinon on va mettre en péril toute la biodiversité et les espèces végétales."
Réinventer l’agriculture
"Pour le secteur de l’agriculture, face à ces phénomènes qui deviennent récurrents, il faut changer de variété, de méthode culturale pour pouvoir s’adapter"
Sur France info, Emma Haziza hydrologue et spécialiste de l'adaptation de nos sociétés aux bouleversements climatiques confirme la position de l’expert normand : "En France, d'après le ministère de l'Écologie, 90% de l'eau douce accessible est utilisée à des fins agricoles. Le bétail consomme de l'eau au moment où on en a le moins, en août, ce qui fait exploser la demande sur le plan agricole. Il va donc falloir repenser tout ce modèle car on ne peut pas tenir sur le long terme" explique-t-elle.
En France, d'après le ministère de l'Écologie, 90% de l'eau douce accessible est utilisée à des fins agricoles.
Emma Haziza, hydrologue
Les poissons sont les premières victimes de la sécheresse : "La conséquence pour les poissons est très rapide : ils ont besoin d’oxygène dans l’eau et le fait que le niveau d’eau soit très bas provoque une diminution de l’oxygène et à un moment donné les poissons meurent." nous explique Jean-Pierre Girod.
"L’eau est indispensable à la vie. Notre corps est composé d’eau à 60%. Il va falloir jouer d’atténuation, de sobriété et de réutilisation de l’eau sinon on va aux devants de graves difficultés."
L’adaptation passera aussi par les villes qui devront mettre en place des îlots de fraîcheur pour lutter contre les effets caniculaires. A Rouen par exemple, on redessine la ville pour apporter plus d’ombre et rafraîchir les bâtiments.
Même si la pluie revenait à la fin de ces températures estivales, Jean-Pierre Girod reste réaliste et prévient que d’autres phénomènes graves pourraient apparaitre : "Si des pluies tombent après cet épisode de chaleur, elles ne seront pas suffisantes pour recharger les nappes. Autre conséquence en cas de fortes pluies, comme les sols sont très secs, l’eau pourrait ruisseler sur les sols et on va se retrouver avec des problèmes de turbidité sur certains captages d’eau."
Au 10 mai 2022, 15 départements français sont touchés par la sécheresse parmi eux dix ont dépassé le seuil d'alerte. Depuis le début de l'année 2022, il manque 35% de précipitations sur l'ensemble du pays, alerte Météo France.