Témoignages. "Un Noël sur deux on s'embrouille !" : quand Noël n'est pas une fête

Publié le Mis à jour le Écrit par Myriam Libert

Noël approche, et certains d'entre nous ne s'en réjouissent pas. Solitude, relations familiales difficiles, la période ravive des souvenirs pas toujours heureux, et met en lumière l'état de nos vies affectives. Rencontre avec ceux qui n'aiment pas toujours Noël.

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"On s'est disputés à Noël avec mon frère il y a trois ans, et depuis nos relations sont tendues. Il faisait des remarques racistes et je n'ai plus supporté. Je me suis embrouillée ensuite avec ma mère. C’était clairement un Noël pourri !". Depuis deux ans, Marion 29 ans, s'emploie donc à travailler le jour de Noël, pour ne pas avoir à se confronter à ces dîners de famille où l'on redécouvre les siens. "Tous les ans, on nourrit l'espoir d'un moment chaleureux, et puis on se fâche, et ensuite, il faut supporter cette tension, et prendre sur soi ".
Les fêtes de fin d'année ont une résonance particulière dans nos vies. Elles charrient nos plus jolis souvenirs ou cristallisent nos tristesses. Chaque année, Noël nous ramène à l'état de nos relations familiales ou amoureuses, à notre statut dans la société, ou à la place que nous avons dans le cœur des autres.

Sacré Noël !

Noël n'est pas une fête comme les autres. C'est une fête sacrée, comme la famille, avec ses rites. Mais le sacro-saint repas de Noël peut prendre des allures de champ de bataille. "Ma mère était ivre avant le début du repas", "mon oncle nous assommait avec ses propos graveleux", "ma tante proutait dans le canapé", "mon oncle a mis une tarte à mon père un soir de Noël, il a tendance à devenir crétin quand il boit !", anecdotes rapportées par quelques amis, dès lors que l'on évoque ces dîners partagés.

"Pendant des années, j'ai dîné seule avec ma mère le soir de Noël. Mes sœurs avaient leur vie et ne pensaient pas à nous inviter. On mangeait du foie gras et on buvait du champagne toutes les deux, et à 21 heures, on était au lit. C'était une photographie de ce qu'étaient nos vies. Ni elle ni moi n'avions alors de compagnons" se souvient Sabine, "même si aujourd'hui ma vie a changé, cette période me rend toujours triste".

À 34 ans, Léna ne se souvient pas d'avoir jamais aimé Noël, même lorsqu'elle était enfant. "Je n'aime ni les illuminations, ni les chants, ni tout le décorum autour. Je trouve que c'est une période assez hypocrite, on est soi-disant dans une ambiance solidaire et amicale, et finalement on est dans le paraître, surtout en famille où l'on feint de s’apprécier. J’ai perdu des proches, donc à cette période, il manque toujours des personnes et ce n'est pas si joyeux. Je fêterai Noël seule avec ma mère, comme l'année dernière".

"Mon compagnon déteste Noël, pour lui, c'est une "dégoulinade de bons sentiments". Il ne veut pas de cadeau, mais lui en fait de très beaux, s'amuse Mickaëlla, tous les ans à partir de novembre, il dit aux enfants qu'il n'y aura pas de Noël cette année ! Ne gaspillez pas votre argent pour moi, nous dit-il,, il s'agace si je lui pose la question de ce qui pourrait lui faire plaisir. Je ne veux rien, s'égosille-t-il. On arrive tout de même à passer une bonne soirée le jour j, mais les semaines précédentes sont pénibles".

Noël et les souvenirs d'enfance

Souvent, la magie de Noël, quand elle opère, agit dès l'enfance. Le père Noël et sa hotte remplie de cadeaux, le sapin à décorer, des repas de famille entourés par de parents tendres et aimants, emplissent la tête de jolis souvenirs pour toute une vie. Mais ce n'est pas toujours le cas.
Claude, 55 ans, a décoré son premier sapin à 26 ans. "J'ai une relation particulière à Noël. Mes parents étaient boulangers pâtissiers, et on ne fêtait jamais Noël. Il n'y avait pas de sapin à la maison, mon plaisir à moi était de décorer la vitrine du magasin de mes parents. Chez moi ça ne sentait pas le sapin, mais la bûche à la crème ! Il y avait bien un repas en famille le 25 décembre midi, mais mon père était si fatigué qu'il s'endormait à table. Mes parents étaient très investis dans leur commerce, Noël était pour eux une période de travail intense. Je recevais tout de même des cadeaux qui me rendaient heureux, et ça me faisait plaisir d'aider mes parents. J'ai acheté mon premier sapin à 26 ans quand je me suis mis en couple". Est-ce qu'il apprécie tout de même cette période de l'année ? "Plus vieux, tu grandis avec l'idée que tu feras Noël autrement et que ce sera merveilleux. Mais les adultes sont souvent hypocrites. Finalement, mes meilleurs Noëls ces dernières années sont ceux passés avec des amis au moment du Covid. Les relations amicales sont plus saines que les relations en famille".

Êtes-vous natalophobes ?

Le terme peut paraître incongru, mais il signifie bien la peur de Noël. Noël n'est plus seulement un moment peu apprécié, mais une véritable phobie qui prend ceux qui en souffrent dès le mois de novembre. L'approche des fêtes peut ainsi nous rendre irritable, anxieux ou triste.
"Quand je me promène dans une rue illuminée par les décorations, que j'entends ces chansons mille fois entendues, que je regarde les enfants le nez en l'air, les yeux écarquillés par les lumières, il me vient une irrépressible envie de pleurer. C'est plus fort que moi, je suis triste, profondément triste. Pourquoi ? Je ne sais pas trop. Une nostalgie de l'enfance, une émotion retrouvée ? " se demande Angèle.
"À Noël, je déteste la terre entière, les gens se pressent dans les magasins acheter n'importe quoi avec de l'argent que parfois, ils n'ont pas ! C'est un peu écœurant cette obligation de dépenser et d'être heureux. Pendant des années, je n'ai pas fêté Noël, et je ne sortais pas dans la ville à cette période. J'étais trop déprimée. Je restais chez moi avec mon ami et passais la soirée la plus normale du monde" confie Valérie. "Pour la première fois depuis 15 ans, j'ai invité cette année ma famille à fêter Noël à la maison, mais j'y pense depuis des semaines et ça me stresse beaucoup".
L'angoisse peut naître aussi de la solitude, de la pression sociale, de difficultés financières, ou encore de la peur de voir sa famille. Ces fêtes sont parfois vécues comme un baromètre de l'amour des autres, ce qui peut générer des attentes déçues. La peur de déplaire, de ne pas être invité, de faire un mauvais choix de cadeaux, peut également générer du stress. "Quand j'étais petite, je comparais souvent mes cadeaux à ceux de mes frères et sœurs, explique Angèle, et chaque fois, je me sentais mal aimée. J'ai longtemps gardé en moi cette petite blessure".

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