Réserve de faune et de flore aujourd'hui préservée, l'île Sainte-Catherine raconte non seulement une partie de l'histoire de la région normande, mais elle trouve aussi son utilité dans les bouleversements provoqués par le dérèglement climatique.
C'est un lieu préservé auquel l'on accède uniquement par bateau. L'île Sainte-Catherine, située à Tourville-la-Rivière, en Seine-Maritime, résiste à l'urbanisation. La faune et la flore y sont préservées. Elle fait partie des rares espaces naturels de la région - qui occupent moins d'1% du territoire - et raconte l'histoire tumultueuse des activités humaines qui s'y sont déroulées.
On y trouve les traces de campements humains datant du néolithique. Et les Vikings en faisaient leur base arrière entre deux pillages. Jusqu'au XVIIIe siècle, la Seine comptait près de 120 îles comme celles-ci entre le Havre et Poses. Il en reste seulement 19 aujourd'hui.
Les effets de la chenalisation de la Seine
"À la fin du XIXe et pendant le XXe siècle, la navigation s'est développée et il y a eu la chenalisation de la Seine. Ils passaient tout droit donc ils ont coupé des morceaux d'île. Et il a fallu draguer la Seine pour faire passer des navires de plus en plus gros", expose Loïc Boulard, chargé de missions au Conservatoire d'espaces naturels Normandie.
"Comme les sédiments de profondeur étaient contaminés par des PCB [les polychlorobiphényles sont des polluants organiques persistants, NDLR], des métaux lourds et d'autres polluants avec la vase, ils les ont déposés sur les îles. Malheureusement, c'était à une époque où il n'y avait pas de suivi administratif, ce qui fait que maintenant, on ne sait pas quel est le niveau de contamination des îles", détaille Loïc Boulard
Jusqu'à 40 espèces pour 25m2
Depuis dix ans, Loïc et ses équipes gèrent l'île Sainte-Catherine et ses presque 30 hectares. Et la biodiversité y prospère. "Si on ne fait rien, on a un boisement sur toutes les îles. C'est intéressant, mais c'est très banal, donc on rouvre le milieu par des travaux mécaniques ou de l'éco-pâturage", explique le chargé de mission. Ainsi, huit vaches Pie Noir broutent l'herbe de l'île, un pâturage "très peu intense".
"On voit que la végétation est très haute. C'est ce qu'on recherche, avoir un peu de tout : des arbustes, des arbres, des hautes herbes… Comme ça, on a toutes les strates de la végétation et toute la diversité potentielle qui peut s'exprimer avec jusqu'à 30 à 40 espèces pour 25 mètres carrés, ce qui est déjà beaucoup !", se réjouit Loïc Boulard.
Un milieu très productif de vie
Une richesse partagée. L'île est un véritable réservoir de faune et de flore qui essaime un peu partout autour de lui. C'est en rejoignant une de ses plages que l'on comprend ce qu'est, à l'origine, une île, ce paysage mouvant que le flot des marais submerge avant de se retirer. Le décor est certes bucolique, mais surtout très utile.
C'est un milieu très productif de vie. Dans les estuaires, il y a des zones de haute marée où c'est recouvert et après, ça se découvre. Ce sont des zones très riches et très productives.
Loïc Boulard, chargé de missions au Conservatoire d'espaces naturels Normandie
"Or, toute production de vie consomme du nitrate et des nutriments. Donc, on a un milieu naturel qui va consommer du nitrate alors que l'eau de la Seine est en excès de nitrate. On dénitrifie donc l'eau naturellement. Ça consomme du nitrate et nourrit tous les animaux. Plus il y en a, mieux c'est. Après, il faut trouver un équilibre avec l'activité de navigation de la Seine. Mais il y a encore beaucoup à restaurer", estime Loïc Boulard.
Si l'île Sainte-Catherine reste un espace cerné de constructions, au-dessus duquel passe l'autoroute A13, cet îlot de nature préservée donne une assez bonne idée de ce que pourrait être la Seine à l'état naturel.