Comme chaque année, l'association le CHENE, qui agit depuis 1980 pour la défense de la faune sauvage à Allouville-Bellefosse près d'Yvetot, recueille des bébés phoques. Ces derniers ont été trouvés dans la baie de Somme ou du Mont-Saint-Michel... Et sans aide, leurs chances de survie sont nulles. Cet été, 11 d'entre eux ont été sauvés. Récit.
"Nickel", c'est le nom du premier bébé phoque accueilli au sein du CHENE cet été. Le premier d'une longue série. Le Centre de sauvegarde de la faune sauvage de Seine-Maritime est le seul centre dans la région Normandie capable de remettre sur pied des bébés phoques, souvent âgés de quelques jours seulement.
"Nous avons recueilli Nickel le 23 juin dernier, ce petit mâle était âgé de 24 heures à peine, il avait encore son cordon ombilical sur lui. Il a été trouvé seul, sur la plage du Crotoy. Sans sa mère, ses chances de survie étaient nulles", explique Gersande Lemarchand, chargée de communication au sein du CHENE.
Découvrez le reportage de B. Rabelle et F. Pesquet :
Le dérangement humain, première cause de séparation des phoques et de leur bébé
Gersande poursuit : "On nous a rapporté que ce jeune veau marin a été séparé de sa mère, car des touristes essayaient d'attirer son attention pour le prendre en photo. C'est l'une des premières causes des bébés trouvés esseulés : le dérangement humain !"
Les associations de sauvegarde multiplient pourtant chaque année les actions de sensibilisation et rappellent que ces bébés phoques, certes très mignons, sont des animaux sauvages, et pas des peluches. Il faut impérativement apprendre à les observer... de loin.
11 bébés recueillis depuis le mois de juin
Après Nickel, c'est la petite Chrome qui a été récupérée dès le lendemain en Baie de Somme. Les bénévoles les baptisent chaque année selon un thème précis.
"Après les noms de danse, de pays, de fleurs ou de pierres précieuses, nous avons décidé de les baptiser en 2023 avec des éléments du tableau périodique. Nous avons donc 11 bébés : Chrome, Nitrate, Lithium, Zinc ou encore Mercure... avec la petite dernière, Chlore, trouvée en baie du Mont-saint-Michel le 1ᵉʳ août dernier. C'est un guide du Mont qui l'a sauvée, elle était seule dans la baie."
Une technique de soins éprouvée
À leur arrivée, les bébés pris en charge sont automatiquement mis en quarantaine dans un box, pour éviter de transmettre de potentielles maladies aux autres occupants de l'association. Les soignants les pèsent, placent les plus jeunes sous une lampe chauffante et commencent le nourrissage : une bouillie faite de hareng broyé et de réhydratant.
Lorsqu'ils sont plus âgés, on leur apprend à ingérer un hareng entier avec une technique de "gavage", baptisée "force-feeding" : les harengs sont avalés de force, jusqu'à ce que les petits veaux marins puissent les ingurgiter eux-mêmes. "Puis, nous les mettons en piscine où ils apprennent à manger leur poisson dans l'eau", précise Gersande Lemarchand.
Des phoques relâchés au fur et à mesure sur la côte normande
Au centre de sauvegarde d'Allouville-Bellefosse, les phoques apprennent également à socialiser entre eux, à jouer, à nager. Les cinq "papas et mamans" phoques, des salariés et des bénévoles du centre, veillent à leur bonne santé. Mais ils évitent de leur parler et de jouer avec eux, car il ne faudrait pas que le phoque, animal sauvage, s'attache aux humains. Le but, c'est bien sûr de les relâcher dans leur milieu naturel, une fois bagués, près d'une colonie de phoques, en baie du Mont-saint-Michel ou ailleurs.
Il faut pour cela qu'ils aient appris à manger seuls, et qu'ils atteignent un poids honorable, environ 35 kilos.
L'association appelle aux dons et aux parrainages de bébés phoques
Ces soins nécessitent du temps et de l'argent. Pour soigner un phoque jusqu'à son départ, il faut compter approximativement 2500 euros.
"Ce mardi 22 août, nous avons relâché 3 bébés, Uranium, Platine et Zinc, sur la plage de Veulettes-sur-mer, en Seine-Maritime, en compagnie de leurs parrains et marraines, qui ont fait un don pour nous aider à les soigner. Les autres seront relâchés courant septembre, voire octobre pour la petite dernière."
Des passereaux, renards, rapaces, et hérissons sont également soignés au centre
Les bébés phoques ne sont pas les seuls à trouver refuge au CHENE. On apporte à Allouville-Bellefosse chaque jour des oiseaux tombés du nid, des goélands blessés, des faons ou des renardeaux trouvés dans la forêt ou errant sur les routes.
Particuliers et associations ont le réflexe de s'adresser à eux lorsqu'ils découvrent un animal blessé ou un petit tombé du nid.
"Cette année, pour la première fois, nous avons soigné des bébés cigognes !" s'exclame Alain Beaufils, le directeur du CHENE. "C'est un nid qui était sur un pylône en travaux, la mère a déserté et sans notre aide, ils seraient morts de faim. Nous avons eu aussi beaucoup de bébés renards, et des bébés hiboux grands ducs, c'est un rapace qui commence à s'installer chez nous. Entre les mammifères et les oiseaux, nous sommes débordés chaque été, ils nécessitent énormément de soins. En une journée, nous avons eu cet été, en simultané, 300 animaux à gérer. Il faut les nourrir, et leur prodiguer des traitements plusieurs fois par jour, de l'aube à la nuit. C'est très très prenant."
L'association le CHENE (Centre d'Hébergement et d'Etude sur la Nature et l'Environnement) a été baptisé ainsi en raison de sa proximité avec le chêne millénaire de la petite commune.
L'association, qui agit depuis 1980, compte 11 salariés, et peut heureusement s'appuyer chaque été sur l'aide de nombreux bénévoles.
"Nous tournons en juillet et en août autour de 16 à 20 bénévoles par jour. C'est une aide précieuse et indispensable pour soigner tous ces animaux. C'est un travail épuisant, mais passionnant, et on ne lâche rien", ajoute en souriant le directeur du CHENE.