A l'heure où plusieurs petites lignes ferroviaires françaises ont repris du service, qu'en est-il en Normandie ? Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, le maillage régional était dense. Il se résume désormais à trois grandes lignes, plusieurs voies traversantes et quelques dessertes de proximité. Que sont devenues les liaisons disparues ? Un rénovation est-elle envisageable ou utopique ? Etat des lieux.
En décembre 2021, le Premier ministre Jean Castex s'engageait à rénover les petites lignes de chemin de fer françaises. Un tiers du réseau national était visé, avec une enveloppe de 7 milliards d'euros pour y parvenir. La voie ferrée Epinal - Saint-Dié des-Vosges, fermée depuis trois ans, revoyait ainsi des rames circuler sur ses rails. Ce lundi, une ligne SNCF entre le Gard et le Vaucluse reprend du service après 50 ans sans trafic voyageurs. Elle ne servait qu'au transport de fret depuis 1973.
Et en Normandie, qu'en est-il ?
Actuellement, la région s'articule autour de trois liaisons principales : Paris-Rouen-Le Havre, Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Granville. Il est aussi possible de se rendre vers le Sud via Caen-Le Mans-Tours et Caen-Rennes, ou vers le Nord en prenant Rouen-Amiens-Lille. Les deux capitales régionales se rallient aussi par Pont-l'Evêque et Pont-Audemer. De petites liaisons subsistent encore, entre Lisieux et Deauville, Rouen et Dieppe, Le Havre et Fécamp, Serqueux et Gisors, et entre Abancourt et le Tréport.
Source : SNCF / Latitude Cartagène / OpenStreetMap
Rouen-Louviers en bonne voie
Il y a un an, en septembre 2021, la Région Normandie affirmait vouloir reconquérir le maillage régional ferroviaire. Cinq projets étaient étudiés. Parmi eux, la remise en état de la ligne Glos - Honfleur. Destinée au fret, fermée depuis 2012, elle présente l'avantage de proposer une liaison entre Paris et la cité impressionniste et son gros potentiel touristique, plus de 2,5 millions de visiteurs par an. Hic, le coût de remise en état, estimé à près de 300 millions d'euros. Dissuasif.
Le projet le plus abouti est celui de Rouen-Louviers. Les rails étant déjà présents, et la distance courte, la remise en route du trafic se chiffrerait à 95 millions d'euros. Un millier de Normands seraient susceptibles de l'emprunter au quotidien pour un trajet de 33 minutes, autant que par l'autoroute payante. Hervé Morin, président de Région, l'espère pour 2027. La SNCF l'envisage plutôt pour 2030. La prolongation vers Evreux reste dans les cartons, même si elle semble illusoire tant les obstacles sont nombreux (42 passages à niveau, habitats trop proches des voies, entre autres). Plus au nord encore, les liaisons Le Havre - Port-Jérôme et Motteville - Saint-Valéry-en-Caux sont toujours à l'étude, mais semblent compromise à court et moyen terme.
Le problème, c'est que nous n'avons pas la certitude d'obtenir les fonds nécessaires pour entretenir les lignes déjà existantes. Il n'y a pas de garantie sur l'engagement de l'Etat à moyen terme. Le réseau actuel reste prioritaire par rapport à la relance de petites lignes. La Paris-Granville va nécessiter 140 millions d'euros d'investissement, et rien ne dit que l'Etat arrivera à nous verser 50% de cette somme.
Jean-Baptiste Gastinne, vice-président de la Région Normandie, en charge des Transports
Caen - Flers, l'Arlésienne
Dans sa réflexion de reconquête du ferroviaire normand, le Conseil régional réfléchissait à rouvrir la ligne Caen - Flers. Essentielle au développement du bassin économique de la Vallée du Noireau au début du 20ème siècle, elle n'a pas résisté à la démocratisation de la voiture et à la volonté politique de développement du réseau routier voulue par le Président de la République d'alors, Georges Pompidou.
En 1970, cette liaison mythique convoyait ses derniers usagers. Mythique car, de l'aveu des cheminots, ce parcours à travers la Suisse Normande était "le plus beau de la région". D'ailleurs, chaque année, la CGT cheminots organise une manifestation pour réclamer le retour des trains sur le tronçon (vidéo ci-dessous).
Définitivement fermée en 1993, la voie ferrée est aujourd'hui partagée entre vélorails et voie vertes, puisque sur le trajet de la Vélo Francette (Caen - La Rochelle). Pourtant, avec environ 2 200 véhicules effectuant quotidiennement les 120 km d'allers-retours entre Caen et Flers, l'intérêt écologique est réel. Sur le plan économique, la réhabilitation de la voie ferrée s'élèverait à 100 millions d'euros.
Tram-train et Taxirail, les solutions
Outre la remise en état des voies ferrées, l'électrification des petites lignes pour ne pas utiliser de carburant, se pose le problème du matériel roulant, autrement dit des trains adaptés. Les tram-trains, plus légers, pourraient être une solution. Tout comme les Taxirail, wagons petit format fonctionnant à l'énergie solaire. Jean-Baptiste Gastinne soulève toutefois des difficultés de ces nouvelles technologies. "Le tram-train n'est pas encore très fiable. A l'heure actuelle, il n'y en a qu'un seul en circulation. On étudie la possibilité de mettre en service des Taxirail sur plusieurs petites lignes, mais ces véhicules nécessitent leur propre centre de maintenance, et parfois des aménagements de structures". En l'état des choses, il n'est pas évident que miser sur ces engins soit sûr et rentable.