Ils ont quitté l'Irak pour la route de l'exil à travers l'Europe. Un an après son arrivée en France, la famille Merkath savoure d'avoir été accueillie comme des "réfugiés cinq étoiles". Jeudi dernier, nos confrères de l'AFP les ont croisés sur la plage de Cabourg (Calvados).
En nageant dans la mer qui borde la plage de Cabourg (Calvados), Ali Merkath exulte : "Allez la France ! Allez les bleus !" Son français est encore hésitant, mais cela lui suffit à exprimer sa reconnaissance envers le pays qui l'a fait venir d'Allemagne le 9 septembre dernier, pour soulager Berlin face à l'afflux de migrants qui arrivaient en grand nombre à l'été 2015.
La mer menaçante
Il se baigne avec l'impression d'être à mille lieues de cette mer menaçante qu'il avait fallu traverser entre la Turquie et la Grèce sur le bateau d'un passeur avec sa femme Tahrir, sa fille Nabaa et son fils Abdullah. Short rose à fleurs et sourire creusant une fossette sur sa joue, Abdullah a maintenant six ans. Lui aussi apprécie cette "piscine", dont il a profité jeudi avec sa famille et 5.000 autres petits Franciliens emmenés à la plage par le Secours populaire.
"Réfugiés 5 étoiles"
A la rentrée, il sera en CP. Pour sa soeur de 14 ans, ce sera la 4e et si possible des cours de danse hip-hop - ce qui aurait été inconcevable en Irak, rit-elle. Leurs parents espèrent entamer des formations pour travailler : esthétique ou coiffure pour Tahrir, 35 ans, mécanique automobile pour Ali, 34 ans. Suivis par l'AFP à plusieurs reprises depuis leur arrivée en France, ils font partie, selon l'expression de Patrick Paszkiewiez, responsable du Secours populaire du Val-d'Oise qui les suit depuis le début, des "réfugiés cinq étoiles". Ces exilés que la France s'était engagée à accueillir, et qui ont été rapidement régularisés, logés, scolarisés.
Donner une bonne image
D'abord reçus sur la base de loisirs de Cergy-Pontoise, ils avaient pu souffler après un mois et demi à travers l'Europe, entre la Turquie et l'Allemagne, en bateau, en train, en bus, à pied, au milieu de milliers d'autres migrants. Eux racontent avoir quitté Bagdad en 2014 après l'explosion d'une bombe devant leur maison. Ali, qui travaillait au service de communication de la mairie, explique qu'il était visé. Tahrir a été blessée par des éclats, dont témoigne notamment une marque au-dessus de sa paupière gauche. Abdullah en parle avec ses mots d'enfant: "La bombe elle a fait boum, elle a fait mal à maman et... après la Playstation marchait plus." Après quelques mois en Turquie, où Ali travaillait au noir comme mécanicien, ils avaient décidé de rejoindre l'Europe.Quelques semaines après leur arrivée en France début septembre 2015, ils ont emménagé dans un appartement du Val-d'Oise, un ancien logement de fonction situé juste au-dessus de l'école d'Abdullah. Sur le mur du salon, ils ont affiché les photos où ils apparaissent en compagnie de François Hollande et du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, lorsque ces derniers étaient allés à la rencontre des réfugiés. La famille Merkath s'estime mieux lotie que le frère d'Ali, réfugié en Allemagne, et celui de Tahrir, en Suède. Surtout, ils mesurent leur chance par rapport à d'autres réfugiés en France. Ainsi, lorsqu'ils prennent une photo de groupe sur la plage de Cabourg, ils sont bras dessus bras dessous avec une famille de Syriens, dont les trois enfants n'ont pas encore d'école pour la rentrée. Ali se dit déterminé à "donner une bonne image des réfugiés irakiens en France".
Son sourire ne disparaît que lorsqu'il évoque la mort de trois de ses amis dans un attentat qui a fait plus de 300 morts début juillet à Bagdad. Dans son téléphone, les photos de l'attentat tutoient celles de leur nouvelle vie.