Grand Pavois de La Rochelle. Les bateaux Monuments historiques, témoins de l'évolution de l'histoire maritime locale

Le Grand Pavois de La Rochelle met également en avant des bateaux Monuments historiques. Derrière la protection de ces navires, les enjeux de préservation des patrimoines et savoirs-faire sont énormes.

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Sur le port des Minimes, au Grand Pavois de La Rochelle, à un ponton près, le contraste est saisissant. Entre les bicoques de luxes qui peuvent se piloter à distance à l’aide d’une télécommande et les vieux gréements qu’il faut manœuvrer avec un certain savoir-faire, c’est le grand écart. Pourtant, les seconds ne sont pas moins précieux que les premiers. Au contraire, sur le quai, nombre d’entre eux sont des bateaux Monuments historiques, comme l’atteste leur pavillon.

Une politique de préservation datant seulement des années 1990

Si le Grand Pavois de La Rochelle laisse une place importante à ces navires, c’est parce que la Nouvelle-Aquitaine est la région qui concentre le plus de ces Monuments historiques, soit 112 bateaux. La Charente-Maritime en compte à elle seule 94. Ces navires protégés se classent en trois catégories, les bateaux de plaisance, les bateaux de services et les bateaux de travail. Ils sont témoins de l’histoire nautique riche de la région et du département. Mais cela n’a pas toujours été le cas.

"Au début, nous étions un tout petit groupe à nous passionner par ces bateaux. Quand j’ai acheté ma première épave à 17 ans cela n’intéressait personne. Aujourd’hui j'en ai 67 et ça a bien changé", témoigne Bernard Moreau dit "Bignou". Historien et dessinateur naval, il effectue aujourd’hui les relevés de plans de ces bateaux protégés. "Au début, je le faisais pour mon plaisir, se souvient "Bignou". Puis un jour, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) est venue me demander de travailler pour eux sur les bateaux Monuments historiques." Depuis 2003, il travaille à dessiner les plans de ses navires pour la Drac, outils essentiels pour la conservation et la compréhension de l’évolution des techniques. 

Dans les années 1990, le ministère de la Culture a lancé une grande politique de préservation de ce patrimoine. "Longtemps, le patrimoine mobilier, comme les bateaux, n’était pas considéré pareil que le patrimoine immobilier plus classique", souligne Sophie Plet-Duhamel, technicienne de la Drac à Poitiers en charge du patrimoine maritime. La Drac possède un budget à répartir sur tout le patrimoine et en Poitou-Charentes, elle décide d’accorder une place importante à la protection des bateaux Monuments historiques. "Si ici, on a autant de ces bateaux, c’est d’abord parce que le patrimoine est riche, mais aussi grâce la volonté de la Drac", appuie Sophie Plet-Duhamel.

Un enjeu pour préserver le savoir-faire artisanal

Un accompagnement crucial car la Drac finance en partie les travaux de rénovation et de restauration de ces navires. À hauteur de 40 % pour les bateaux "inscrits" Monuments historiques, décidé par un comité régional, et 50 % pour les bateaux "classés", le niveau national. "Les collectivités locales financent également les travaux : 10 % pour les bateaux inscrits et 20 % pour les bateaux classés", ajoute Jean-Marie Chauvet d'Arcizas, propriétaire du "Laisse les dires", lui aussi classé Monument Historique. C’est également lui qui est en charge de l’organisation de l’espace Patrimoine et Tradition qui concentre ces bateaux protégés.

"Le coût peut paraître important, mais avec les aides ainsi qu'en l’entretenant sérieusement et régulièrement, c’est déjà plus supportable", explique Jean-Marie Chauvet d’Arcizas. Mais cela demande beaucoup de temps et surtout une certaine passion. "Les subventions peuvent atteindre 200 à 300.000 euros pour certains bateaux où il y a beaucoup de travaux", signale la technicienne de la Drac, Sophie Plet-Duhamel. Mais cet argent ne sert pas seulement à garder de beaux et anciens navires. Comme l’explique Jean-Marie Chauvet d’Arcizas : "En subventionnant des travaux de rénovation et de restauration importants, la Drac permet de garder un savoir-faire dans les chantiers navals qui était amené à se perdre."

Au fil du temps, la connaissance de ces bateaux et de leur manière de fonctionner disparaît peu à peu, au rythme de leur raréfaction. Après "Bignou", les candidats à la reprise de son travail de relève de plans des bateaux ne sont pas légion. Les passionnés de ces vieux gréements protégés sont tout de même moins inquiets depuis qu’en 2020, un expert national du patrimoine maritime et fluvial a été nommé par le ministère de la Culture.

Des témoins de l'histoire régionale

Au Grand Pavois de La Rochelle, la majorité de ces bateaux Monuments historiques sont des bateaux de travail. Navires ostréicoles, mytilicoles ou conchylicoles, ils sont les témoins de l’évolution de la récolte des coquillages, très importante notamment en Charente-Maritime. "C’est comme si un collectionneur automobile préférait collectionner les tracteurs ou les camions que les voitures de luxe", sourit Jean-Marie Chauvet d’Arcizas, propriétaire d’un bateau ostréicole.

"Ces bateaux représentent un peu plus que de simples vieux gréements, ils sont les témoins d’une évolution du travail ostréicole et de l’environnement par la main de l’homme", pointe Jean-François Renault, de l’association "Seudre et mer" de Mornac-sur-Seudre. L’association a été créée en 1993 pour restaurer "La Flèche", un autre bateau ostréicole. "Pour comprendre l’évolution des bateaux ostréicoles, il faut comprendre l’évolution de la pratique et de l’environnement de ces cultures", insiste Jean-Marie Chauvet d’Arcizas.

À sa construction, "La Flèche" possédait seulement un moteur. Ce n'est que plus tard que les voiles ont été rajoutées, pour la plaisance. Le navire servait, à l'origine, à tracter les lasses, des plateformes chargées de transporter les huîtres. Au fil des évolutions, les chalands sont arrivés, avec leurs cabines à l’arrière et leur coque plates permettant de travailler plus efficacement dans les marais comme ceux de la Seudre. "On comprend ainsi comment on est passé d’un métier ostréicole régi par les marées à un métier que l’on peut quasiment effectuer sur des horaires de bureaux. Avant, la quille du navire demandait de la profondeur que l'on n'avait pas à marée basse", observe Jean-Marie Chauvet d’Arcizas.

Le fait que le bateau appartienne à une association permet d’assumer le coût des travaux, mais également de pouvoir naviguer en toute sécurité, tout en transmettant ce savoir-faire.

Jean-François Renault, membre de l'association "Seudre et mer"

Outre le témoin historique sur l’évolution des activités humaines, les bateaux Monuments historiques permettent de faire perdurer les savoir-faire de navigation. "Il faut être entre 4 et 6 pour naviguer en toute sécurité avec "La Flèche". Si des novices arrivent dans l’association, ils apprennent peu à peu à naviguer avec et c’est ainsi que le savoir-faire se transmet", se réjouit Jean-François Renault. Des vieux navires qui nécessitent de naviguer régulièrement au contact de l’eau de mer pour être parfaitement conservés.

Si la protection de ces navires à un coût non négligeable, elle est aujourd’hui essentielle pour préserver l’histoire et le patrimoine maritime. Mais c’est aussi un atout touristique qui attire les visiteurs et réjouit les locaux. Une chose dont s’amuse Jean-François Renault à Mornac-sur-Seudre : "Quand le bateau part du port quelques jours, les gens vont se plaindre à la mairie et demander où il est !"

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