La Frégate russe le Shtandart attendue à La Rochelle

En escale en Grèce, cette réplique d'un navire de guerre du XVIIIème siècle n'est plus la bienvenue dans certains ports européens à cause de son pavillon russe. Habitué du bassin des Chalutiers, son capitaine Vladimir Martus tente de rallier La Rochelle et en appelle à la solidarité des marins.

Avec sa coque jaune et noire, ses trois mats et ses 600 m² de voilures, évidemment, où qu'il passe, le Shtandart ne passe pas inaperçu. Son emblématique capitaine, Vladimir Martus non plus. Mais voilà, le pavillon blanc-rouge-bleu légalement arboré par la frégate russe est devenu un lourd fardeau sur les côtes européennes depuis deux semaines. 

Amarré à Corfou, ils sont douze membres d'équipages à se demander quelle sera leur prochaine destination. A bord, comme toujours, ce navire école compte sept nationalités différentes, des Russes, des Belges, des Français, des Lituaniens et... des Ukrainiens. 

Joint ce matin par téléphone, Vladimir Martus semble désemparé. C'est lui qui, en 1994, avait lancé ce pari un peu fou de construire une réplique de la frégate de Pierre 1er sur les bords de la Neva à Saint-Pétersbourg. Six ans plus tard, l'association larguait les amarres et, depuis, le Shtandart sillonne les mers du globe avec de jeunes marins en formation venus du monde entier.

"Dans la situation actuelle, nous avons décidé d’arrêter notre programme d’entraînement à la navigation jusqu’à ce que nos stagiaires puissent rallier le bateau en sécurité", se désole Vladimir, "je pense qu’il est préférable de rester là où nous sommes plutôt que de caboter de port en port".

"En tant que marin, ça me fait vraiment du mal"

Il y a une semaine, la directrice commerciale de Sail Training International, l'organisation des rassemblements de grands voiliers en Europe (Tall Ships Races), informait diplomatiquement le Shtandart qu'il n'était plus le bienvenu pour les rendez-vous programmés cette année.

"Je suis désolée d'avoir à vous écrire cet e-mail", écrit Vanessa Mori, "mais avec les ports hôtes des Tall Ships Race 2022, nous avons dû nous résoudre à prendre la triste décision que, dans l'état actuel des choses, les vaisseaux russes ne pourront pas participer aux rassemblements cet été".

Aalborg et Esbjerg au Danemark, mais aussi Anvers en Belgique et Arlingen aux Pays-Bas ; ces rassemblements populaires sont essentiels à la survie économique d'un bateau associatif comme le Shtandart. C'est surtout la raison d'être d'un navire-école comme celui-ci.

"En tant que marin, ça me fait vraiment du mal", avoue Vladimir Martus, "ce genre d’événements avait à l’origine été créé pour justement  favoriser les échanges avec des jeunes marins de tous les pays, sans considérations politiques. Cela existe maintenant depuis plus de soixante ans et, même au temps de la guerre froide et du rideau de fer, il s’agissait de créer des contacts humains entre tous les pays. Il faut bien faire la différence entre monsieur Putin et la Russie. Je pense qu’une majorité du peuple russe est contre la guerre. Une seule personne ne peut pas être associée à un pays tout entier".

Une relation spéciale avec le port de La Rochelle

Ironie de l'histoire, cela fait maintenant plus de dix ans que la frégate n'est pas retournée dans un port russe. Le capitaine Martus n'a jamais caché son opposition à "son" président. "Ça avait été ma décision il y a dix ans au moment de l’élection à la Douma où je n’avais pas considéré que le scrutin s’était passé correctement et ne reflétait pas l’expression des électeurs russes", explique-t-il, "il y a dix ans déjà je présentais que l’on pourrait un jour arriver à une situation comme celle d’aujourd’hui et que je préférais donc rester au large et naviguer en tant que marin indépendant". 

Normalement, le Shtandart est attendu en avril pour les grandes fêtes maritimes internationales de Sète. Pour l'heure, aucune confirmation de sa venue par les organisateurs. Et quid des autres ports sur la longue route qui attend la Frégate pour remonter sur la côte Atlantique alors que des mesures d'interdiction de la flotte marchande sont à l'étude au niveau européen ? 

A La Rochelle, on se veut rassurant et on se dit prêt à accueillir la frégate, sous certaines conditions. "Nous demandons au commandant pour des raisons de sécurité publique d’afficher son soutien à l’Ukraine, de ne pas montrer qu’il vient militer pour la Russie, ça serait malvenu", explique Patrice Bernier, maître de port principal, "mais s’il s’affiche neutre, sans pavillon ou qu’il cumule les deux, il n’y a pas de raison de ne pas l’accueillir. L’association nationale des grands voiliers préconise de ne pas prendre les bateaux à caractères nationaux comme le Sedov ou des bateaux militaires russes qui, eux, sont clairement refusés partout, mais les bateaux qui n’ont pas de liens directs avec la Russie, ça serait dommage de leur refuser leur programme". 

Message reçu cinq sur cinq à bord du Shtandart. "Je sais que la France est un pays pour lequel la solidarité des marins à un sens et spécialement La Rochelle avec qui nous avons une relation spéciale", nous dit Vladimir Martus, "même si je comprends la nécessité de certaines mesures, il faut garder le contact entre gens normaux. Le risque dans tout ça, c’est que les Russes soient bloqués derrière leur frontière sans internet, sans informations, sans contacts extérieurs. On retourne tout droit derrière le mur de Berlin et ce n’est pas un bon scénario".  

Si tout va bien, avant un passage à Bordeaux pour la Fête du Vin, le Shtandart devrait s'amarrer dans le vieux port de La Rochelle début juin dans le cadre de la Semaine du nautisme.

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