Avec son co-équipier Quentin Delapierre, la rochelaise est qualifiée pour les Jeux de Tokyo en Nacra 17, nouveaux catamarans à foil. Elle était de passage au port des Minimes avant de rejoindre sa base d'entraînement à Lanzarotte aux Canaries. Nous avons rencontré ces deux champions.

Manon ne touche plus terre ou plutôt Manon vole au-dessus de l'eau. Non pas qu'elle souffre d'un subit gonflement de chevilles ou du cortex après avoir été sélectionnée pour les Jeux de Tokyo (ce n'est pas le genre de la maison), non, la jeune Rochelaise commence tout simplement à se faire un nom sur l'échiquier international de la voile olympique. En octobre dernier, avec son Breton d'équipier Quentin Delapierre, elle remportait en Autriche le titre de vice-championne d'Europe. Tous deux l'ignoraient alors, mais c'était la dernière régate officielle à laquelle ils participeraient avant le grand rendez-vous de Tokyo. Depuis, c'est à Lanzarote, aux Canaries, que Manon et Quentin ont amarré leur Nacra 17. Et là s'impose une courte session théorique pour les pauvres terriens que nous sommes.

"Les arrêts buffet sont assez violents."

"C’est un bateau super exigeant, c'est quand même un peu rude" ; pour bien comprendre ces quelques mots de Manon, rien ne vaut un bon visionnage critique d'un de ses entraînements avec son binôme Quentin Delapierre. Après les Jeux de Rio, les instances olympiques avaient eu la drôle d'idée de rajouter des foils au Nacra 17, ce catamaran jugé déjà très physique dans sa version originale. Une révolution technologique qui avait été accueilli plutôt tièdement par les athlètes concernés, certains le jugeant même "dangereux". Quatre ans plus tard, de toute évidence, les marins ont dompté la bête.

Avec ces quelques images, on comprend tout de suite la complexité du problème ; comment faire des claquettes sur l'arête d'une coque polyester attaché par un filin d'acier quand, dessous, la route est potentiellement mal pavée ? De son propre aveu, notre rochelaise a, elle aussi, mis un peu de temps pour régler se chorégraphie maritime. "On ne peut pas être passif avec ce bateau sinon clairement c’est lui qui nous domine", nous explique Manon Audinet de passage à La Rochelle, "on peut vraiment se faire mal, voire casser le mat quand on dessale, donc il faut vraiment faire attention au matériel. Parce que les arrêts buffet sont assez violents".

Avant il y avait des dérives courbées mais ça ne volait pas vraiment. Là on vole pour de vrai. C’est un changement assez radical. Même si l’ancien bateau était assez sympa aussi, mais là c’est quand même autre chose de pouvoir voler au portant et ce qui est génial, c’est toute la gymnastique que ça demande. Dans les vagues, ce n’est pas si simple et comme c’est ce qu’on s’attend à avoir au Japon, là, c’est top de faire des heures dans ces conditions-là à Lanzarote. On est content d’avoir passé tout le mois de décembre à descendre des pentes, j’avais l’impression de faire du ski des fois ! Au Japon, ça sera la saison des typhons et ça peut ramener des vagues vraiment grosses et pentues et nos bateaux ne sont pas faits pour ça. Du coup, on ne vole plus, on veut juste un bateau stable qui passe les vagues et qui n’enfourne pas. Je suis obligé de faire des sprints permanents à l’avant de la coque et de revenir en arrière en même temps. C’est assez éprouvant mais c’est ça qui est sympa avec ce bateau il faut se donner à 100% pour que ça marche.

Manon Audinet, vice-championne d'Europe de Nacra 17

"Maintenant, c'est notre tour."

Crise sanitaire oblige, c'est donc dans l'archipel espagnol des Canaries que le duo français, comme un bon nombre des membres de l'équipe de France de voile, a décidé d'installer son camp de base d'entraînement. "C’est un plan d’eau qui se rapproche pas mal de celui du Japon ; on peut trouver beaucoup de houle et un vent de terre assez aléatoire" nous dit Manon, "on est une quinzaine de Nacra à s’être retrouvé là-bas. Il y a des équipages du top 10 mondial, les allemands, les espagnols et cinq ou six autres nations. Avec l’âge, on est devenus un peu douillet donc on ne s’entraîne plus trop en France en hiver (rires)"

Pour l'heure, comme tous les autres athlètes, Manon navigue à vue. On apprenait la semaine dernière que, cette année encore, la Semaine Olympique Française de Hyères était annulée. Seule case cochée pour l'heure sur le calendrier, celle du 21 mars pour la Lanzarote International Regatta, sorte de répétition générale avant Tokyo. La rochelaise n'a d'ailleurs toujours pas pris son billet pour le Japon, faute de certitudes sur l'organisation de ces drôles de Jeux. Le défi est d'autant plus grand que, comme on le sait, Manon et Quentin succèdent aux indéboulonnables Billy Besson et Marie Riou, quadruples champions du monde. Mais Manon semble sereine et positive malgré cet inédit report des JO. "Avec cette année en plus, on a décidé de travailler dans le détail. On a ouvert des dossiers qu’on n’aurait pas pu ouvrir si les Jeux avaient eu lieu en 2020. On bosse sur le fonctionnement de l’équipage, des petits réglages sur le bateau..." Et puis, surtout, ce plan d'eau nippon semble porter chance aux deux Français.

On y a passé un mois en août 2019, on avait gagné la dernière régate de la World Cup là-bas, donc ça fait du bien de se dire qu’on a réussi a gagné une course sur le plan d’eau des Jeux. Je pense qu’on a sûrement gagné en légitimité aux yeux de la flotte internationale, mais on n’est pas non plus dans une position de favori, ce qui nous va plutôt bien. On n’a pas cette pression sur les épaules. Ça va nous permettre de régater proprement. Aux Européens, il manquait juste les australiens, les néo-zélandais et les brésiliens donc ça ressemblait presque à un championnat du monde. C’est maintenant ou jamais. Ça va faire huit ans que je m’y prépare et maintenant c’est notre tour. Mais je reste concentrée sur ce qu’il y a à faire au jour le jour. Pour l’instant, on blinde notre fonctionnement à deux pour que quand la pression sera là, on aura tous les automatismes et tous les réflexes pour rester efficaces.

Manon Audinet, membre de l'équipe de France de voile olympique

Comme Manon, Quentin vient d'intégrer "l'Armée des Champions" qui regroupe une centaine de sportifs de haut niveau. Ils sont donc détachés par le ministère des armées pour préparer les Jeux. "Je suis quartier-maître dans la marine nationale et j’ai un contrat avec l’armée de champion depuis 2016", nous explique la navigatrice, " c’est l’ancien bataillon de Joinville et c’est indispensable parce que ça permet d’être serein dans notre vie privée. Quentin y est entré l’été dernier aussi, donc 100% de l’équipage fait partie de cette équipe qui regroupe beaucoup d’athlètes qui ont ramené des médailles sur les Jeux précédents et c’est un honneur d’en faire partie". De fait l'Armée des Champions a remporté 30 % des médailles d’or de la délégation française aux JO de Rio en 2016.
De bon augure si Manon continue de voler ainsi au-dessus de l'eau.

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