Comme les humains, les oiseaux marins ingèrent du plastique via leur alimentation. Chaque année, nombre d'entre s'échouent sur les plages de la façade atlantique. Face à ce constat, une équipe de chercheurs du CNRS et la Ligue pour la protection des oiseaux mènent un projet d'étude pour mesurer l'étendue de la contamination des volatiles.
Le constat est vertigineux : près de 90 % des oiseaux marins ont du plastique dans l'estomac. D'ici à 2050, ce chiffre pourrait frôler les 100 %. Depuis trois ans, les chercheurs du laboratoire de l’Institut du littoral et de l'environnement (ILE), à La Rochelle, et les experts de la Ligue pour la protection des oiseaux mènent un ambitieux projet de collecte de données sur ce phénomène : le SeaBil.
Leur but : "évaluer et réduire l’impact de la pollution plastique sur les oiseaux marins", présente Guillaume Le Hétet, coordinateur de projet SeaBil à la LPO. "Les principaux effets de cette pollution sont les captures accidentelles, l'étranglement par l'occultation des voies respiratoires, et parfois même la mort des oiseaux."
"Les oiseaux marins sont un thermomètre de la pollution"
Parmi les cinq sites choisis par l'Union européenne pour participer à ce projet, le parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis. Une aire marine protégée de 6 500 m², qui abrite de nombreuses espèces."Les oiseaux marins sont un thermomètre de la pollution plastique, indique Guillaume Le Hétet. Ils se nourrissent au large, soit de poissons ayant ingéré du plastique, soit du plastique qu'ils ont confondu avec leur proie."
"Lorsque ces oiseaux ingèrent des microparticules de plastique, ils éprouvent une sensation de satiété. Ils arrêtent alors de se nourrir et meurent." Faisant ainsi peser un risque pour la survie de nombreux volatiles. Deux espèces sont particulièrement représentées parmi les sujets retrouvés sur les plages.
"Ce sont le fou de Bassan, le plus gros oiseau marin d’Europe, et la mouette tridactyle, détaille le chargé de projet. Ils sont assez grands pour que nous puissions relever la présence de plastique dans leur organisme, ils sont très présents sur la façade atlantique."
Étudier la nature des particules
Pour collecter ces cadavres d'oiseaux et ainsi comprendre les facteurs de risque auxquels ils sont exposés, la LPO travaille en collaboration avec plusieurs associations de ramassage de déchets. Elles récupèrent les carcasses, les transfèrent à des centres de soin qui les envoient ensuite aux laboratoires de l'université de La Rochelle.
Au sein de l'Institut du littoral et de l'environnement, Jérôme Fort, chargé de recherche au CNRS, et son équipe tentent de mesurer les niveaux de plastique sur les différentes espèces collectées. "L’idée de ce programme est de mettre en place un réseau de suivi de la contamination des oiseaux par le plastique, puis, de le pérenniser", introduit le chercheur.
Trouver du plastique est une chose, mais les scientifiques cherchent aussi à savoir le type de matière ingérée par l’animal. "La nature des plastiques va nous renseigner sur leur origine : de quel type d'industrie est-il issu ? Est-ce plutôt un sac plastique ou autre chose ?" Jusqu’à présent, du plastique a été retrouvé dans 75 % des oiseaux disséqués par les chercheurs de ce laboratoire. Leurs résultats devraient être présentés en septembre 2024.
80 % du plastique "vient des terres"
"Aujourd'hui, 80 % du plastique circulant dans l’atmosphère vient des terres. Il se retrouve dans l’océan via le cycle de l’eau. Le plastique déposé sur les côtes est la partie visible de l’iceberg, abonde Guillaume Le Hétet, coordinateur de projet SeaBil à la LPO. Les déchets plastiques proviennent de nos emballages alimentaires à usage unique, du débordement des poubelles, de la surproduction industrielle..."
À partir des informations collectées par les spécialistes, une banque de données scientifiques devrait être constituée et permettre d'alerter le grand public sur les risques de l'exposition prolongée au plastique. "En conservant les carcasses d’oiseaux, leurs estomacs notamment, mais aussi leurs reins, leur foie, leur sang, leur cerveau, nous pourrons étendre nos recherches à d'autres territoires et sujets", poursuit le représentant de la LPO.
Car les oiseaux ne sont pas les seuls à ingérer quotidiennement du plastique. Une étude scientifique révélée par The Guardian montrait, en 2022, que des microplastiques ont été retrouvés dans le sang de près de 80 % des personnes sondées.
Voir notre reportage d'Estelle Farge et Pierre Lahaye.