Santé : les services d'urgence de Charente-Maritime au bord de la crise de nerfs

Partout en France, les hôpitaux et les urgences en particulier doivent faire face à des problèmes de moyens financiers et humains qui, plus que jamais, menacent la qualité des soins. Une situation dramatique qui est d'autant plus sensible dans un département touristique comme la Charente-Maritime à l'approche des vacances.

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Sauveur Méglio est médecin urgentiste à Royan et syndicaliste. Gaëlle de Surgy est directrice déléguée de l'hôpital de Rochefort. Chacun de son côté de la barrière, deux métiers bien différents, mais, tous deux, dans la même galère et, en commun, la même inquiétude non feinte à l'approche des grandes vacances.

"Comme tous les professionnels de santé", ne peut que constater la seconde. "En fait, les urgences sont la synthèse de tout ce qui dysfonctionne dans notre société", constate amèrement le premier.

Réguler l'accès des patients aux urgences faute de personnel

Le problème, on le sait, est national. A l'image de l'hôpital Pellegrin de Bordeaux qui vient de prendre la décision de réguler l'accès des patients aux urgences faute de personnel. Idem en Poitou-Charentes où, dans la Vienne, les quatre établissements doivent faire avec quarante professionnels au lieu de soixante en temps normal, sans parler des personnels para-médicaux.

Cette crise s'annonce encore plus aigüe dans un département comme la Charente-Maritime, deuxième destination estivale de France. A Rochefort, l'hôpital vient d'annoncer la fermeture de 17 lits pour les trois mois d'été dans les services de cardiologie et de pneumologie et 12 dans les services de soins de suite. "Ce ne sont pas de bonnes décisions dans un département qui est touristique", concède Gaëlle De Surgy, "mais, à ce jour, c’est le meilleur moyen pour stabiliser les plannings et donner de la visibilité aux professionnels".

Ce ne sont pas de bonnes décisions dans un département qui est touristique.

Gaëlle De Surgy, directrice déléguée de l'hôpital de Rochefort

Alors bien sûr, le coronavirus est passé par là. Infirmiers, aides-soignantes, médecins, tout le monde est rincé. Mais, tout le monde s'accorde, et l'Association des Médecins Urgentistes Hospitaliers de France (AMUHF) en premier, pour dire que le mal est plus profond.

"Ça fait très longtemps que nous disons qu’on va droit dans le mur", s'agace Sauveur Méglio, "ils ont continué à fermer des lits pendant le Covid, ils ont continué à maltraiter le personnel soignant en disant « ça va le faire, ça va le faire », ils se gaussent de la gestion de la crise sanitaire, que tout s’est bien passé et qu’on serait le meilleur pays du monde, mais ça le fait pas".

Ça fait très longtemps que nous disons qu’on va droit dans le mur.

Sauveur Méglio, médecin urgentiste à Royan

"Ils", ce sont bien sûr les décisionnaires, au ministère et dans les Agences Régionales de Santé. "Il y a une espèce de dogme qui descend de Paris qui est transmis aux ARS qui, elles-mêmes, le transmettent aux hôpitaux et les directeurs appliquent", poursuit le syndicaliste, "il faut revenir à une gouvernance de proximité avec de vrais pouvoirs décisionnels comme avant".  

Entre temps pourtant, il y a eu le Ségur de la santé avec des revalorisations salariales et la promesse de nouvelles embauches. Des mesures qui visiblement ne sont pas suffisantes et laissent sans réponse des questions comme la pénibilité et les amplitudes de travail.

"L'effet Covid"

"Il y a certainement un effet Covid avec des professionnels qui, très soudainement, se sont retournés vers des métiers complètement différents, comme par exemple des aides-soignantes qui se sont reconverties en assistantes maternelle", constate Gaëlle De Surgy, "on a aussi des arrêts longs qui se déclarent, beaucoup de congés maternité. Il y a aussi des difficultés avec les jeunes professionnels qui, fraîchement diplômés avant l’été, décident de ne rejoindre les établissements qu’à l’automne. Il y a donc une conjonction de beaucoup de facteurs et c’est ce cumul qui devient difficile à gérer".  

D'autant plus difficile à gérer dans une ville comme Royan qui compte un grand nombre de personnes âgées. "On nous a annoncé la fermeture de dix lits de l’unité gériatrique de juin à septembre", explique l'urgentiste syndicaliste, "en 2021, dans cette unité, on avait hospitalisé 170 personnes âgées qui provenaient à 90% des urgences. Donc, cet été, où on va mettre ces personnes, dans un couloir ? Et, dans le même temps, on nous sort des procédures "en mode dégradé" en nous disant que, dès que possible, on reviendra à la normale…"

Face à cette situation, le médecin comme la directrice partagent toutefois un autre constat qui, lui non plus, ne date pas d'hier, la surfréquentation anormale des urgences.

Il va falloir faire un effort de communication auprès du public quant au juste recours aux urgences.

Gaëlle De Surgy, directrice déléguée de l'hôpital de Rochefort

"Même si, sur Rochefort, on peut s’appuyer sur une maison médicale de garde, il va falloir faire un effort de communication auprès du public quant au juste recours aux urgences", s'inquiète Gaëlle De Surgy. En clair, ne pas engorger les services quand justement il n'y a pas urgence.

"On dit aux patients de ne pas venir pour rien, mais vous savez, vous, quand vous avez mal à la poitrine si c’est grave ou non ?", rétorque Sauveur Méglio. "Je crois que là il va falloir revenir sur des choses simples, notamment l’obligation de garde pour les médecins libéraux. Ça ne peut plus durer. On ne peut pas fermer le cabinet à 19 heures, dire que c’est sur une base de volontariat et que, finalement, tout le monde finit chez nous".

Face à la catastrophe annoncée, les autorités tentent donc de minimiser les impacts de la crise sur le fonctionnement des établissements. Les professionnels de santé, eux, feront face, comme toujours et les patients patienteront. "Vivement les vacances", a-t-on coutume de dire. Pas dans le service hospitalier français.

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