Cette semaine, plusieurs députés veulent relancer la lutte contre les dérives des meublés de tourisme et enrayer la crise du logement. Ce serpent de mer n'épargne pas le territoire de Christophe Plassard, élu Horizons de la cinquième circonscription de Charente-Maritime qui comprend l'Île d'Oléron et la zone nord du pays royannais.
Sur les littoraux de Charente-Maritime, alors que le secteur immobilier locatif est en pleine tension, l'offre de meublés touristiques fleurit et irrite. Certains tentent d'en tirer parti comme la communauté de communes de l'île d'Oléron qui a assigné Airbnb en justice pour obtenir le versement tardif de sa taxe de séjour. D'autres veulent mieux encadrer les logements saisonniers, à l'instar de La Rochelle.
Pour accompagner les collectivités, des députés de tous bords de l'hémicycle multiplient les démarches parlementaires, et leur angle d'attaque repose sur la fiscalité, bien plus avantageuse pour les propriétaires de meublés courte durée que pour ceux qui louent des appartements à l'année.
- En juin dernier, une proposition de loi allant dans ce sens a été déposée par la députée Renaissance du Finistère Annaïg Le Meur, mais a été retirée pour être repoussée. Un groupe de députés, allant des Écologistes aux Républicains, espère la remettre sur la table lors de la semaine transpartisane dès le 4 décembre à l'Assemblée nationale.
- Entre-temps, un amendement a été déposé pour le projet de loi de finances de 2024. Il vise à "rééquilibrer le marché locatif en harmonisant, à un taux de 40%, les abattements fiscaux relatifs aux meublés touristiques — notamment la niche fiscale dite AirBnB — sur ceux de la location de longue durée." Christophe Plassard rapporte qu'il a été rejeté après avoir obtenu 14 voix pour et 14 contre. Cet amendement va désormais être porté au Sénat par Max Brisson, lors de l'étude du PLF à partir du 23 novembre.
- En parallèle, plusieurs parlementaires ont rencontré Patrice Vergriete, ministre du Logement. Christophe Plassard assure qu'une mission parlementaire sur la fiscalité va être lancée, et espère qu'elle traitera "le sujet du logement, notamment sur les zones tendues et le littoral."
Entretien avec Christophe Plassard, député Horizons de Charente-Maritime
De quel constat partez-vous pour relancer la machine parlementaire contre les dérives des locations de courte durée ?
Christophe Plassard : "On constate qu’il y a une raréfaction du logement longue durée, à l’année, et on l’a vu, un certain nombre de maires me sollicitent ou manifestent le manque de ces logements, ce qui est aussi vrai pour les logements saisonniers. Il y a également une montée en puissance du volume de locations de courte durée. Une des raisons pour lesquelles on voit augmenter ce nombre de locations c’est qu’il y a un avantage fiscal qui est très important, à proposer à la location ce genre de bien, ce qui incite, ou a pu inciter des propriétaires à retirer un certain nombre de biens qui étaient en location à l’année pour faire ce type de location. Notre démarche ne vise pas à rendre plus compliquée la location de quelqu’un qui a une résidence secondaire et qui souhaite louer quelques semaines par an, pour arrondir ses fins de mois ou amortir le coût de cette résidence."
Je trouve qu’il n’est pas normal que quand quelqu’un est né sur l’Île d’Oléron, y grandit, et qu’au moment où il veut quitter ses parents et s’installer, il soit obligé de s’installer sur le continent parce qu’il ne peut plus se loger sur l’île.
Christophe PlassardDéputé Horizons de Charente-Maritime
"Le point de départ, ce n’est pas d’agir contre ces plateformes ou contre ces logements, le point de départ, c’est le manque de logements. Aujourd’hui, si je prends ma circonscription, je trouve qu’il n’est pas normal que quand quelqu’un est né sur l’Île d’Oléron, grandit, et qu’au moment où il veut quitter ses parents et s’installer, il soit obligé de s’installer sur le continent parce qu’il ne peut plus se loger sur l’Île d’Oléron. Le vrai sujet est là. Sur les 74 communes de ma circonscription, j’ai 24 communes qui sont en zone tendue, donc un tiers de la surface, toute la côte.
Ce n’est pas cette démarche-là qui va régler le problème du logement, c’est un ensemble de démarches qui peuvent le régler."
Concrètement, en quoi consistent vos démarches parlementaires pour encadrer la location touristique ?
Christophe Plassard : "Aujourd’hui, il y a trois types d’abattement : à 71 %, 50 %, et 30 % selon qu’on est sur du logement meublé courte durée, du logement meublé classique, ou du logement vide longue durée. Cet abattement de 71 % qui est quand même assez important, avec des plafonds de montant de location assez élevés, date de 1974. Il y avait une raréfaction du bien à mettre en location touristique, alors les gouvernements de l’époque ont poussé fiscalement à ce que des privés investissent dans ce type de bien car on en manquait, pour accompagner, la croissance du tourisme, etc. Ça avait sans doute beaucoup de pertinence en 1974, mais ce que l’on dit c’est qu’aujourd’hui c’est moins le cas. Avant il n’y avait pas les plateformes comme aujourd’hui, et surtout, ce qui poussait des investisseurs à construire et créer cette offre qui n’existait pas, est aujourd’hui détourné, et c’est essentiellement l’avantage fiscal assez important, 71 %, qui fait qu’aujourd’hui, quelqu’un qui a un bien a plus intérêt à le louer meublé et en courte durée qu’à le louer à l’année.
Donc la démarche elle peut prendre différentes formes mais il faut qu’on rééquilibre les avantages fiscaux, on pourrait même aller jusqu’à dire qu’il faudrait que l’avantage fiscal soit plus important pour quelqu’un qui loue en longue durée que pour quelqu’un qui loue en courte durée. A minima, et ce qu’on propose c’est d’aligner (dans l’amendement du projet de loi de finances). Ce qu’on propose c’est de dire qu’on baisse l’avantage fiscal sur le meublé courte durée : 71 % devient 40 ; on baisse l’avantage fiscal sur le meublé, 50 % devient 40 ; et ensuite on augmente l’avantage fiscal pour le logement vide longue durée, on passe de 30 à 40 %. Donc on aligne la fiscalité à 40/40/40 lorsqu’elle est aujourd’hui à 71/50/30.
Aujourd’hui, c’est vraiment dans les zones qui sont tendues et où on a cette raréfaction des biens que les prix augmentent. Comme en plus de ça, on a vu arriver des gens qui ont investi : quand vous avez des personnes qui achètent des biens qui auraient pu être destinés à la location longue durée et que ces biens se retrouvent en location courte durée, vous perdez un logement à l’année en contrepartie d’un logement saisonnier. C’est ça qui doit être régulé aujourd’hui, et c’est ce qu’on trouve aujourd’hui dans le Pays basque, à Saint-Malo, à Paris... Un certain nombre de villes essaient de trouver aujourd’hui un moyen de réguler l’émergence de ces investissements en courte durée qui cannibalisent quelque part la location longue durée.
Aujourd’hui, c’est vraiment dans les zones qui sont tendues et où on a cette raréfaction des biens que les prix augmentent.
Christophe PlassardDéputé Horizons de Charente-Maritime
Notre sujet, ce sont les personnes qui, dans Paris par exemple, vont acheter un, deux, trois, quatre, cinq appartements dans le même immeuble, et vont transformer cet immeuble en quasi-hôtel mais avec une fiscalité avantageuse d’une part, et avec des règles qui ne sont pas celles de l’hôtellerie où on vous demande de mettre des extincteurs, des évacuations, une accessibilité PMR, un certain nombre de normes."
En Charente-Maritime, plusieurs mesures ont été entreprises localement, notamment sur l'Île d'Oléron et à La Rochelle. Qu'est-ce qui vous fait penser que votre démarche parlementaire d'aujourd’hui peut marcher ?
Christophe Plassard : "Aujourd’hui, justement, je pense que les villes n’ont pas les outils juridiques pour encadrer et organiser leur parc de locations courte durée. C’est pour ça que je pense qu’il est opportun que l’Assemblée, le Parlement en général, se saisissent de ces sujets pour pouvoir donner aux maires des outils juridiques sécurisés, que ce ne soit pas chaque maire dans son coin qui essaye de trouver l’astuce, la délibération du conseil municipal qui va permettre de limiter, en s’exposant à la contre-attaque juridique de la personne visée, et rentrer dans une bataille juridique que va pouvoir se permettre une grosse ville, une agglomération mais pas une petite ville qui ne pourra pas dépenser des milliers ou dizaines de milliers d’euros en bataille juridique sur le long terme.
Il faut poser le sujet et le traiter dans sa globalité plutôt que laisser les maires un peu seuls se battre pour essayer, chacun sur leur territoire de régler le sujet.
Christophe PlassardDéputé Horizons de Charente-Maritime
À Oléron, c’est la communauté de communes qui s’est manifestée. Quand on voit ces initiatives ponctuelles, partout en France, avec des élus aussi bien de droite que de gauche, on voit bien que ce n’est pas un sujet partisan ni local, il devient national.
Il faut poser le sujet et le traiter dans sa globalité plutôt que laisser les maires un peu seuls se battre pour essayer, chacun sur leur territoire, de régler le sujet.
Ce qu’on veut éviter, c’est que par effet d’opportunité, des flux financiers d’investissement migrent vers des types de location qui, soit, cannibalisent l’offre de logement à l’année, soit font une concurrence déloyale aux professionnels du tourisme. Je pense qu’il y a un espace où ces plateformes peuvent vivre et se développer sans assécher l’offre de logement là où il y a des besoins, et sans non plus empêcher les hôteliers, les professionnels du tourisme de faire leur métier."