Matthieu Dallibert, un jeune homme déficient intellectuel, avait disparu en 2017 à Bellon en Charente. Si son corps n'a jamais été retrouvé, une mère et son fils ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité d'assassinat le vendredi 31 mars à Angoulême. L'assassin présumé de Matthieu, son beau-frère, est condamné à trente ans de prison.
Quatre personnes condamnées dans une affaire d'assassinat sans cadavre. Vendredi 31 mars, après deux semaines de procès à Angoulême, la cour des Assises de la Charente a rendu son verdict dans l'affaire de l'assassinat de Matthieu Dallibert. Ce jeune Breton, porteur d'une déficience intellectuelle, n'a plus donné signe de vie depuis 2017. Sur le banc des accusés, quatre membres d'une famille déjà condamnée pour escroquerie en 2019.
Deux condamnations à perpétuité, mais pas pour le meurtrier
Il y a d'abord Damien Aristide, l'homme accusé d'avoir tué la victime. Il a reconnu en avril 2018 avoir étouffé Matthieu Dallibert avec un chiffon imbibé d'éther, avant de démembrer et brûler son corps dans la cheminée d'une maison dans une commune voisine. Le tribunal l'a condamné à trente ans de réclusion criminelle.
À ses-côtés dans le box des accusés, la mère de sa compagne, celle que l'avocat général appelle la "cheffe de meute". Isabelle Duché, elle-même handicapée, "pièce maîtresse" de cette affaire, a été jugée coupable des faits de complicité d'assassinat et condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité.
Lui aussi considéré comme complice d'assassinat, le fils d'Isabelle Duché, Nicolas, 24 ans, est également condamné à perpétuité.
Une dernière protagoniste, Alice Lemoine, est condamnée pour le recel d'un cadavre dont on n'a jamais retrouvé la trace. Elle écope de deux ans de prison avec six mois de sursis probatoire.
Des aveux tardifs
Mère et fils Duché avaient toujours nié leur implication dans l'assassinat de Matthieu Dallibert. Mais à la surprise générale, sous la pression de la présidente de la Cour d'Assises d'Angoulême, Nicolas Duché a fini par craquer mercredi 29 mars, et avouer du bout des lèvres avoir tenu les jambes de la victime pour l'immobiliser alors que Damien Aristide l'étouffait. Les déclarations du jeune homme ont achevé de convaincre les jurés de sa culpabilité.
Quelques minutes après avoir pris connaissance du verdict rendu par la cour, l'avocat de la mère de Matthieu Dallibert s'est dit "satisfait" par la décision du tribunal. Concernant la mère de la victime, il sait que "quelle que soit la décision rendue, sa souffrance restera à perpétuité, sans remise de peine, ce sera à vie."
L'avocate de Nicolas Duché a quant à elle avancé que son client "n'entend pas faire appel de la décision à ce jour". Maître Lebon a tenu à avertir son client à l'issue du procès.
Je lui ai dit que maintenant, c'était terminé, qu'il fallait qu'il accepte qu'il n'avait plus de famille biologique, qu'il fallait qu'il avance et qu'il rompe absolument tout lien avec ces gens-là qui l'ont traîné dans la boue et conduit là où il est aujourd'hui.
Maître LebonAvocate de Nicolas Duché
Certains membres du "clan familial" déjà condamnés en 2019
"Ces gens-là", les membres de sa famille, avaient déjà été condamnés en 2019. Au printemps, cette année-là, Isabelle Duché, son mari Patrick, leur fille ainée et leur gendre, Damien Aristide, avaient été condamnés par le tribunal correctionnel de Laval, en Mayenne, pour escroquerie, abus de faiblesse, blanchiment et recel commis dans plusieurs départements.
Très mobile, la famille avait déménagé à neuf reprises entre 2010 et 2017 dans plusieurs départements de l'ouest de la France. En 2017, ils étaient installés en Charente, à Bellon, lorsque Damien Aristide a tué Matthieu Vallibert avec ses complices.
La femme approchait des personnes vulnérables
Selon les enquêteurs, Isabelle Duché aurait usé à plusieurs reprises du même mode opératoire. La femme, qui se déplace en fauteuil roulant, approchait des personnes vulnérables pour les inciter à se mettre en couple avec l'un de ses enfants, mineurs pour la plupart. Une fois entrées dans la famille, ces personnes, souvent porteuses d'une déficience intellectuelle, étaient victimes d'abus de faiblesse. Isabelle Duché et ses complices les incitaient alors à s'endetter au profit de la famille et détournaient leurs aides sociales avant de blanchir cet argent.
Matthieu Dallibert pourrait avoir été témoin des agissements de la famille. Alors qu'il subissait régulièrement brimades et violences, il avait émis, en 2017, le souhait de quitter définitivement la famille. Selon l'accusation, qui s'appuie sur des témoignages et des relevés téléphoniques, ses assassins auraient alors pris la décision de l'éliminer, et ainsi, de s'assurer qu'il ne révèlerait jamais ce dont il avait été témoin.
À cette heure, samedi 1er avril, aucun des accusés n'a fait appel de la décision de la cour d'Assises de la Charente.
Carla Butting avec Solène Anson et Christophe Guinot