Près de 450 personnes ont manifesté ce matin, devant les locaux d’Hennessy à Cognac. Les grévistes protestent contre le projet de l’entreprise d’envoyer du cognac en vrac vers la Chine.
Du cognac en vrac envoyé vers la Chine ? L'idée, surprenante, présentée par la direction de l'entreprise Hennessy, a déclenché un mouvement de grève d'une ampleur inédite depuis 2011. Suivi par 600 salariés sur 1 100, il a paralysé la production du leader du marché. "On ne veut pas être les fossoyeurs de l'emploi dans la région, que d'autres maisons de Cognac s'engouffrent dans cette brèche" explique Fred Merceron, responsable syndical Force Ouvrière.
450 personnes se sont rassemblées dès 8 h devant le siège de l'entreprise rue de la Richonne pour marquer leur opposition à l'exportation de cognac VSOP. "Le projet que nous a présenté la direction d'Hennessy affirme que l'on va d'abord tester la qualité du cognac à son arrivée sur place et qu'on enverra les étiquettes, les bouchons et les bouteilles depuis ici" rapporte Matthieu Devers, secrétaire du CSE pour la maison Hennessy. Le premier conteneur de 1 000 L pourrait partir dès la mi-décembre. En 2025, l'entreprise a annoncé aux syndicats vouloir mettre en bouteille sur place près de 10 % du volume total de la maison.
On ne veut pas être les fossoyeurs de l'emploi dans la région !
Fred Merceronreprésentant syndical FO Maison Hennessy
Mais, pour les salariés, ce projet annonce une délocalisation totale de l'embouteillage et du cartonnage : "On a le sentiment que les Chinois (...) demain, vont réaliser des copies de nos carafes et de nos produits les plus prestigieux. Au-delà de la perte d'identité et de qualité, on a le sentiment de perdre nos savoirs et même de les donner au risque de voir demain des brandys chinois sur le marché" poursuit Mathieu Devers.
Son inquiétude est partagée. Avec ce projet, Nathalie craint pour l'avenir de l'usine d'embouteillage, "pour ses collègues intérimaires et de la cartonnerie". Cécile, elle aussi en grève, aussi voit plus loin : "Si c'est délocalisé, nos fournisseurs, nos commerçants, les transporteurs, tous ceux qui sont attachés à la maison Hennessy, vont être en difficulté. Ici, tout le monde vit par et pour le cognac. Si le cognac s'en va, on perd la vie de notre ville."
Selon le Bureau National de l'Interprofession du Cognac, la filière cognac génère 14 500 emplois directs et 72 500 emplois en tout, pas seulement en Charente.
Contourner les taxes
Ce projet de mise en bouteille en Chine est né de la mise en place de nouvelles taxes sur le cognac, pour les contenants de moins de 200 L. Les salariés craignent que le remède soit pire que le mal à long terme : "Aujourd'hui, cela concerne que la catégorie des VSOP, mais demain ?" questionne Cécile. "On a le sentiment de perdre ce que l'on est, des représentants du luxe à la française. Pour les Américains, si l'on produit en Chine, cela ne sera plus audible" explique Mathieu Devers, représentant du CSE à la Maison Hennessy, propriété du groupe de luxe LVMH.
Pour s'adapter aux nouvelles contraintes douanières chinoises, les deux autres poids lourds du brandy, Rémy Cointreau et Pernod Ricard, n'ont pas la même stratégie. Selon Reuters, la première mise pour l'instant sur une augmentation de ses prix de Chine et une réduction de ses investissements dans la production et la publicité.
Ici, tout le monde vit par et pour le cognac. Si le cognac s'en va, on perd la vie de notre ville.
Cécilesalariée gréviste de Maison Hennessy
Revoir l'AOP Cognac
Les salariés en appellent aux personnalités politiques locales et aux autres maisons de Cognac. Les critères actuels de l'Appellation d'Origine Protégée (AOP) ne contraignent pas le producteur à embouteiller la célèbre eau-de-vie sur place.
L'intersyndicale appelle à poursuivre le mouvement de grève.