La résistante charentaise Andrée Gros, âgée de 97 ans, a été promue, vendredi 14 juillet 2023, à la plus haute distinction de la Légion d'honneur. Une grande surprise pour celle qui a été déportée à Ravensbrück, en Allemagne.
"Mon fils m'a téléphonée hier matin pour m'annoncer que j'avais été promue à la Légion d'honneur. Je lui ai répondu que ça devait être une erreur, que je ne méritais pas". Vendredi 14 juillet 2023, parmi 358 noms d'hommes et de femmes, celui de la résistante charentaise Andrée Gros figurait sur le décret de la promotion des Légions d'honneur. C'est la plus haute distinction de Grand Croix de la Légion d'honneur.
Aujourd'hui âgée de 97 ans, elle se dit "très surprise". "J'ai reçu des félicitations par SMS, au début, je ne comprenais pas de quoi on me parlait", rigole-t-elle, jointe par téléphone ce samedi 15 juillet.
"La guerre, ce n'était pas que les hommes"
Ce n'est pas la première distinction que reçoit Andrée Gros. En novembre 2012, elle avait reçu les insignes de grand officier de la Légion d'honneur des mains de François Hollande. Pour l'occasion, le président de la République avait déclaré : "La République, chère Andrée Gros, a besoin de votre témoignage, encore et toujours. Elle vous remercie non seulement pour ce que vous avez fait, mais surtout parce que vous êtes une grande dame !" Quatre an plus tard, en 2016, elle a reçu le plus haut grade de l'ordre national du Mérite.
"Les femmes ont beaucoup souffert à cette période de l'histoire", tient-elle à rappeler. "Elles ont été oubliées. La guerre, ce n'était pas que les hommes", regrette Andrée Gros.
Un cahier pour retracer ses souvenirs de la guerre
Andrée Gros, s'engage dans la résistance à 15 ans en transportant du courrier, cachant d'autres résistants et en créant de faux papiers. À cette époque, elle et sa famille habitaient une maison isolée dans la commune de Bouëx, à trois kilomètres de la ligne de démarcation.
La jeune fille a été arrêtée par la Gestapo le 15 mars 1944, emprisonnée à Angoulême puis déportée à Ravensbrück, en Allemagne. Elle a retrouvé sa famille le 1er juin 1945. "Les souvenirs, je les ai écrits dans un cahier. C'était comme une thérapie pour moi. Ce que j'ai vécu, j'y pense tous les jours. C'est dans ma mémoire", se souvient-elle. "Quand je n'allais pas bien, la seule chose qui me faisait du bien, c'était de lire des livres sur la déportation".
Ce carnet, elle l'a perdu une seule fois : "Je l'ai retrouvé ensuite dans le grenier de la ferme de mes parents", confit celle qui a attendu des dizaines d'années avant de parler ouvertement de ce qu'elle avait vécu.
Souvent, on me demandait comment j'étais entrée en résistance, ma seule réponse était «tout naturellement ».
Andrée GrosRésistante charentaise
Pendant longtemps, ce petit cahier lui a permis de témoigner, notamment dans les écoles pour lutter contre l'oublie. "Ce n'est pas facile de témoigner, mais aller voir des élèves, c'était passionnant. Souvent, on me demandait comment j'étais entrée en résistance, ma seule réponse était « tout naturellement »". Aujourd'hui, Andrée Gros ne peut plus témoigner auprès des plus jeunes comme elle le faisait avant. "Ça me manque d'aller dans les écoles, même si c'est plus difficile à faire qu'on le croit".
Dans ce moment de reconnaissance et d'honneur, Andrée Gros a une pensée particulière pour ses amies, résistantes, elles aussi. "Je ne peux pas m'empêcher de culpabiliser un peu, car elles sont toutes décédées", conclut-elle.