Coronavirus : les chefs étoilés du Limousin ne baissent pas les bras

En Limousin, ils sont trois à posséder un macaron au guide Michelin : Gilles Dudognon, Pierre Bertranet et Pierre Neveu. Face à la crise sanitaire, ces chefs sont inquiets mais plein de ressources.

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C'est à la fin du mois de mai que les restaurants et cafés sont fixés sur le sort quant à une date de réouverture de leurs établissements. C'est ce que Bruno Le Maire a annoncé, ce 24 avril 2020.

Comment les "grandes tables" appréhendent-elles la situation ? Réponse avec les trois chefs étoilés du Limousin. 

Cappuccino asperge - petit pois, poitrine confite à la moutarde, noisette croquante. Suprême de volaille d'Ancenis cuit en basse température, blanquette de légumes au vin jaune. Lait d'amande à la mangue. Ce menu alléchant, vous pouvez le déguster ce week-end à la table de l’Olivier. Ou plutôt à votre table.

Pierre Neveu, chef une étoile Michelin à Brive, est retourné en cuisine ce vendredi 24 avril. Il se lance dans les plats à emporter : "Ce soir, c’est une première. Il faut bien faire rentrer de l’argent donc on a eu cette idée. Puisque nos clients ne peuvent pas venir à nous, c’est la gastronomie qui va aller chez eux". Et c’est un succès. Mis en ligne sur sa page Facebook en début de semaine, les commandes ont afflué : "On est complet !" nous déclare-t-il au téléphone comme par réflexe.

"30 menus ce vendredi soir, et 35 demain soir. Il a fallu trouver des produits frais, ce n’est pas simple pour s’approvisionner, il n’y a pas de tout. Pas de poisson par exemple. Il faut que je pense à la réchauffe des plats chez le client. On fait simple et bon, je veux donner du plaisir" explique Pierre Neveu, plein d’enthousiasme alors qu’il est en train de mijoter ses préparations.
 




Visiblement revenir aux fourneaux le rend heureux. Mais il sait aussi que ce n’est pas cela qui l’arrangera financièrement. "Cela va être une catastrophe économique. Mon employé est au chômage, il touche 84% de son salaire, mais mon épouse et moi on ne se  paye pas. Notre métier va complètement changer. Il va falloir évoluer, être malin, aller vers plus de plats à emporter car les clients seront rares dans les premières semaines, et encore je ne sais même pas quand on pourra rouvrir et dans quelles conditions. Je suis très inquiet pour les restaurants gastronomiques".

"Les menus, les cartes à rallonge. C’est fini. On va revenir à plus de simplicité". Gilles Dudognon est l’une des figures emblématiques de la cuisine  gastronomique en Limousin. Sa table une étoile à la Chapelle Saint Martin, aux portes de Limoges, séduit les amateurs de bons plats. Fidèle à sa réputation de battant,  il n’est pas du genre à se laisser vaincre par un virus. Bien au contraire

 Je ne suis pas abattu, je suis en mode « guerre ». Nous allons nous adapter, faire du cousu main


Gilles Dudognon a vu cette crise vider son carnet de réservations : "Sur avril, mai, juin, ce sont 1300 couverts réservés qui ont été annulés ! J’avais des particuliers bien sûr, mais surtout des groupes, des séminaires pour les entreprises ou les professions médicales. Et sur septembre, j’ai aussi 260 annulations ! Sans compter les chambres. Cela va être très compliqué cette année, heureusement mes affaires sont saines" explique celui qui possède deux autres restaurants à Limoges. La réouverture de son gastro (vers la mi-juin ?), il y a déjà réfléchi : "J’ai de la chance ici d’avoir de l’espace, donc mes 35  couverts resteront 35 couverts, on pourra les répartir dans d’autres pièces. C’est un privilège pour nous. Après pour le service, ce sera rock n’roll. Les serveurs avec des masques, des gants, comment vont-ils travailler ? Il faudra avoir de bons réflexes, repenser le service. Avec la chaîne des Relais et Châteaux (dont fait partie son établissement), il y a beaucoup de solidarité, de réflexion".
 


Lui, a déjà une nouvelle formule qu’il va mettre en place dès qu’il le pourra : des spots pour 4 ou 8 personnes disséminés dans le parc, pour le déjeuner, avec une cuisine "sans contact". On en saura plus dans quelques jours. Enfin, le chef veut jouer sur le tourisme de proximité, sur un été où les français vont rester en France :
 

Il y a une carte à jouer pour le Limousin. C’est un luxe notre situation au calme, la sincérité, la sérénité. Ce que voudront sans doute chercher certains vacanciers 


Toujours en Haute-Vienne, à la Roche-l’Abeille, Pierre Bertranet, étoilé depuis 1980, surveille comme le lait sur le feu, l’annonce d’une réouverture du secteur de l’hôtellerie-restauration. Il possède deux restaurants : le moulin de la Gorce, une étoile, et la table du Moulin, version brasserie. L’épidémie va lui coûter cher : "D’habitude, on ouvre pour Pâques avec les anniversaires de mariage, les repas de familles, soit des tables de 10 ou 20 personnes, plus quelques nuitées sur place à l’hôtel. D’ici au 15 juin, j’ai calculé : 350 000 euros de chiffre d’affaires envolés sur mes établissements ! Heureusement, les banques et l’état nous suivent" explique le chef qui se pose lui aussi des questions sur l’après.

"Dans quelles conditions devront-nous travailler en salle et en cuisine? Avec des casques, des combinaisons ! Le risque zéro n’existe pas. J’ai déjà réfléchi à l’organisation. On va fermer cette année, la Table du Moulin et tout regrouper sur le Moulin de la Gorce. Il y aura un menu à 30 euros pour la Table avec deux entrées, deux plats et deux desserts au choix. Et pour le Moulin, un choix en plus, tout en conservant le menu gastronomique très demandé. Cela va me permettre d’optimiser le personnel et les lieux. Il y a plusieurs salles, des grandes terrasses, donc les clients seront espacés. J’espère juste qu’ils seront là. Beaucoup me l’ont promis".

Pierre Bertranet a même anticipé pour la suite. Il ouvrira jusqu’aux fêtes de fin d’année, ce qu’il ne faisait plus depuis longtemps. Et en 2021, il débutera dès février, histoire de refaire sa trésorerie en espérant que d’ici là la situation sera redevenue normale.

Ces trois chefs sont donc armés pour la réouverture. Le gouvernement a annoncé ce 24 avril qu’une décision finale sur la date de réouverture sera prise fin mai et que les aides seront augmentées.
Seule petite respiration. On peut légitimement penser que nos trois toques vont toutes garder leur étoile en 2021, car on voit mal le guide Michelin sanctionner des cuisiniers qui vont vivre une année très spéciale.

 
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