"J'y crois encore" : si certains viticulteurs se résignent à arracher des vignes, ils ne s'avouent pas pour autant vaincus

Alors que l'on s'attendait à une hécatombe, le nombre d'hectares de vignes qui seront arrachées, sera moins important que prévu. Dans les Pyrénées-Orientales comme dans l'Aude, les pluies de ces derniers jours ont peut-être regonflé le moral des troupes. La crise reste profonde, ce samedi, les viticulteurs ont prévu de se rassembler à Carcassonne.

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Ce samedi 30 novembre, à l'appel du syndicat des vignerons de l'Aude, rejoint par les FDSEA et Les Jeunes agriculteurs, les viticulteurs de plusieurs départements devraient se rassembler à Carcassone dans l'Aude, devant la préfecture.

Objectif : protester à nouveau contre l'accord de libre échange du Mercosur. Les viticulteurs de l'ex région Languedoc-Roussillon traversent une crise profonde, impactés par les aléas climatiques.

Dans les Corbières (Aude), Nicolas exploite une vingtaine d'hectares sous la montagne de l'Alaric à Fabrezan. Ces trois dernières années ont été terribles. Gel, et surtout sécheresse.

"Ça commence à crever et vous voyez toute cette petite partie qui est toute morte", montre-t-il du doigt à notre équipe de journalistes.

Sur cette parcelle, il n'a pas eu le choix. 

Je veux arracher ça, c'est sûr, mais ça ne sera pas définitif pour moi. J'y crois encore. Je fais des foires, on a une cave qui est pas mal dynamique, mon père a toujours fait ça dans cette cave, donc on est là, on essaiera !

Nicolas, viticulteur à Fabrezan dans l'Aude

Des critères à respecter

Nicolas l'a bien précisé. L'arrachage pour lui sera temporaire. Ils ne sont que 8 % dans l'Aude a envisager un arrachage définitif qui interdit toute nouvelle plantation pour les six années à venir et moyennant une indemnisation de 4 000 euros par hectare. 

Conserver les droits d'exploitation

Plus au sud dans le département des Pyrénées-Orientales, Marie-Pierre Piquemal est viticultrice indépendante à Espira-sur-Agly. Ici, les installations sont de pointe. L'entreprise familiale ne cesse de se remettre en question.

J'ai prévu d'arracher des vignes, mais c'est hors cadre de ces primes d'arrachage, car je veux garder ces droits de plantation, continuer à faire vivre mon exploitation. J'y crois encore et je m'accroche. Il y a eu trop de travail, trop d'investissement pour s'arrêter là.

Marie-Pierre Piquemal, viticultrice à Espira-sur-Agly

Venu lui rendre visite, le président des caves indépendantes du département temporise. Ce qui l'inquiète, ce sont les jeunes générations.

"Ils n'ont pas connu une année normale, ces jeunes-là, analyse Guy Jaubert. Donc, ils ne peuvent pas vivre, ce n'est pas possible. Donc là, la détresse, elle est énorme, parce qu'ils sont jeunes, ils s'installent, et eux, faut les accompagner, faut leur trouver des solutions." 

Et ce ne sont pas les récentes pluies qui vont suffire à rassurer toute une profession.

Adapter les pratiques culturales

Marc Benassis représente la cinquième génération de vignerons installés à Canet-en-Roussillon. Une partie de ses vignes a le sol gorgé d'eau après avoir essuyé les trois pires années de sécheresse de son existence.

"Les quelques pluies que l'on a eu en plus de l'irrigation, cela nous a permis d'avoir d'un développement végétatif des bois plus important. Il faut se rendre compte que l'année dernière, on avait un développement végétatif de moitié."

Ces trois dernières années auront été une alerte plus que sévère.

Rémi Sisqueille, vigneron bio indépendant, adepte de l'hydrologie régénérative et de l'agroforesterie viticole en est convaincu. Il faut adapter les méthodes culturales au changement climatique pour ne pas disparaître.

C'est regarder comment l'eau circule sur les parcelles. Et dire cette eau-là, on peut la garder et lui permettre de s'infiltrer en profondeur, explique le professionnel. Et qu'elle bénéficie à la vigne mais aussi à tout l'écosystème qu'on essaie de recréer sur l'exploitation.

Rémi Sisqueille, vigneron bio indépendant, à Canet-en-Roussillon

Optimiser et privilégier la qualité

Mais dans les Corbières, l'inquiétude est forte. Nicolas, notre premier viticulteur, est adhérent à la cave coopérative qui doit faire face à une situation inédite. "On est sur une partie de la coopérative où l'on fait énormément de macérations carboniques. Elles sont dédiées à ce type de vinification. Et suite à la très petite récolte, les cuves sont vides malheureusement", décrit Laurent Taux, son président. 

Dans ce contexte, le moindre centime dépensé est précieux. Avec ses 12 salariés, les impératifs de la cave sont ailleurs et demandent de la flexibilité selon Eric Robert, son directeur général : "On ne fait pas les mêmes investissements, on va modérer, on va anticiper. Et prioriser surtout l'indispensable pour les prochains investissements. Les seuls investissements qui sont indispensables aujourd'hui, c'est le maintien, voire l'optimisation de la qualité."

Malgré une petite récolte, le millésime 2024 sera bon. Ce qui est de bon augure, sur un marché en tension et quand on sait qu'une cave sur 5 pourrait disparaître en 2025.

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