C’est une jolie poule au plumage noir moucheté de blanc, la Coucou de Rennes. Une race qui a bien failli disparaitre mais qui a été sauvée il y a 25 ans. Les éleveurs souhaitent la conserver, pour son goût unique et son patrimoine génétique. Mais l’association a des soucis financiers.
Pendant des siècles, la Coucou de Rennes était la star incontestée des basses-cours de la région et même de beaucoup plus loin. En 1903, lors du Concours général agricole, la Coucou était même proclamée meilleure race française ! Excusez du peu !
Un poulet obsolète
Mais dans les années 60 -70, la jolie poule, sélectionnée par des générations de paysans est soudain devenue "obsolète" s’étrangle Olivier Renault, éleveur et président de l’association de producteurs de Coucou de Rennes. "Il fallait faire du poulet qui grossit vite et bien. La Coucou, elle, a besoin d’espace et de temps…" on n’en voulait plus !
Le nombre d’animaux a commencé à décroître doucement… et puis un jour, quelqu’un a amené quelques poules coucou à l’écomusée de Rennes.
Lire : La Coucou de Rennes, une race qui a la crête en poupe
Le poulet de grand-mère !
"Le sauvetage s’est alors fait en deux temps, raconte Maxime Bergonso, coordinateur à la Fédération des Races de Bretagne. L’écomusée a lancé un appel pour retrouver des personnes qui possédaient des poules coucous dans leur basse-cour. Une vingtaine de personnes ont répondu. L’écomusée leur a acheté quelques animaux et en a confié à un éleveur, le père d’Olivier Renault."
l’ecomusée de Rennes s’inscrit dans cette démarche de préservation puisqu’on peut trouver sur son site le cheval breton, le mouton d’Ouessant, la chèvre des Fossés, la Bretonne Pie-Noir, le porc Blanc de l’Ouest, la poule Coucou de Rennes... pic.twitter.com/71H7I4wUaA
— Valou (@ValLandais) March 31, 2023
Et Olivier raconte la suite, "il savait qu’il fallait les sauver parce qu’elles avaient une histoire, un patrimoine génétique, parce que c’est une très très jolie poule, mais il voulait être sûr… alors il a fait une dégustation avec des grands chefs. Tous ont été unanimes et enthousiastes, c’est le poulet qu’on mangeait chez notre grand-mère, vous avez une mine d’or !"
Une petite filière a vu le jour avec une dizaine de producteurs. Et on a cru la race sauvée.
De nouveaux dangers !
En 2018, les éleveurs de coucous ont investi dans un couvoir pour avoir des poussins. "A l’époque, le marché se portait bien, se souvient Maxime Bergonso. Mais juste après, ça a été la descente aux enfers !"
Il y a eu coup sur coup le Covid. "Les restaurants avec qui on travaillait étaient tous fermés, on s’est retrouvé avec nos poulets sur les bras", témoigne Olivier Renault. "Puis il y a eu la grippe aviaire, avec des cas dans la zone de notre couvoir. On n'a pas pu avoir de poussins ! Là, on avait des commandes mais sans poussins, pas de poulets !"
Et pour finir, la guerre en Ukraine qui a fait flamber le prix des céréales. "Nos poules ne mangent que du blé d’ici, précise l’éleveur, mais son prix a suivi le cours mondial et s’est envolé !" Quand on sait que 75% des charges pour la production d’un poulet, c’est son alimentation, on comprend vite que la crise est grave.
"Sauver la race et sauver leur peau"
"On veut sauver la race, mais on veut aussi sauver notre peau", lâche Olivier Renault. Pendant ces années, les producteurs ont tiré la langue, accumulé des dettes les ventes repartent mais leur situation économique est compliquée. L’association des producteurs se retrouve avec un trou de 50 000 euros à combler. Elle a donc lancé une cagnotte zn ligne.
"On sait que ce n’est pas avec la coucou qu’on va devenir millionnaire, mais c’est important de la sauver", insiste Olivier Renault.
Des poules de luxe
Le cahier de charges des Coucous de Rennes est très strict. Ces dames doivent disposer d’un espace d’au moins 10 m2 chacune. Elles ne sont nourries qu’avec des végétaux et ont droit à du petit-lait pendant trois à quatre semaines pour attendrir leur viande "parce que la coucou, elle est tonique, elle court partout", sourit Olivier Renault. Enfin, les coucous ont une espérance de vie d’au moins 130 jours.
"On se décarcasse, mais cela fait une viande exceptionnelle s’émerveille l’éleveur. Quand on en sert à table, on entend souvent, C’est une tuerie ton poulet !"
"Les cuisiniers adorent travailler nos poulets. Dans l’assiette, ils marient les cuisses, tout en muscle, avec une chair brune qu’ils posent à côté du filet d’un blanc nacré. Les gens ne peuvent pas croire qu’ils viennent tous deux du même animal. Les chefs s’amusent avec ces deux textures et ces deux goûts si différents."
"La coucou a même été classée Trésor culinaire par le Conseil National des Arts Culinaires" se flatte Maxime Bergonso.
Aujourd’hui la filière produit 15 000 poulets par an.
"Un peu d’aide nous permettrait de transmettre le patrimoine génétique de la coucou de Rennes aux générations à venir plaident en chœur, Olivier Renault et Maxime Bergonso. On l’a sauvée une fois, on ne peut pas la laisser disparaître maintenant !"