Avec les restrictions mises en place pour lutter contre la propagation du Covid-19, les résidents des maisons de retraite ne voient plus leurs proches. L’interdiction des visites accentue le sentiment d’isolement.
Mikel habite le Pays basque. Habituellement, il rend visite à sa mère presque tous les jours.
La vieille dame âgée de 89 ans souffre de la maladie d’Alzheimer et réside dans une unité spécialisée d’un Ephad à Cambo-les-Bains.
Depuis, la propagation du coronavirus et la mise en place du stade 3, les mesures de lutte ont été renforcées dans tous les établissements. Les visites sont strictement interdites.
Mikel n’a pas vu sa mère depuis plusieurs jours. "C’est difficile, car ma maman a pris l’habitude de recevoir sa famille tous les jours. C’est quelqu’un de très angoissé et même si elle n’a plus la notion du temps, de l’espace, de l’actualité, voir sa famille, la rassurait et là ce n’est plus le cas."
L'inquiétude des familles et des personnels de santé
Comme beaucoup de familles dans son cas, Mikel se dit inquiet. D’ordinaire, les maisons de retraite doivent déjà faire face à un manque de moyens humains. La situation liée au confinement risque d’isoler un peu plus les résidents.
Jérôme est kinésithérapeute sur la rive droite de Bordeaux. Il a fermé son cabinet et suivi les préconisations du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Ses interventions quotidiennes dans deux Ephad sont interrompues. Impossible pour lui de poursuivre ses soins auprès de ses patients au nom du principe de précaution sauf en cas d’extrême urgence.
Mon gros souci à moi, c‘est que depuis 15 ans, je n’ai jamais laissé, abandonné, un patient. Si je n’ai pas de remplaçant, je ne prends pas de vacances ! Pour moi ç’est extrêmement bizarre !
Jérôme - kinésithérapeute -
Et ce qui inquiète ce professionnel c’est l’après : « Honnêtement, je ne sais pas comment je vais les retrouver ».
Un sentiment partagé par les familles
Au Pays basque, Mikel fait entièrement confiance au personnel de la maison de retraite. Il comprend les mesures barrières, mais ce confinement prolongé, l’interroge :
Après le confinement, si tout se passe bien, comment on va retrouver ma mère. Est-ce-que ça va avoir un impact sur l’évolution de la maladie, est ce qu’elle va encore nous reconnaître ou pas ?
Mikel
La grand-mère de Morgane a 92 ans. Elle vit dans un Ephad aux portes de l’Entre-Deux-Mers en Gironde. Et cela fait bientôt un mois qu’elle ne l’a pas vue. L’établissement connaît la double peine. Avant le Coronavirus, il a dû faire face à une épidémie de grippe et a dû interdire les visites pour protéger les résidents. Depuis, il est toujours fermé au public.
« Pour nous ce n’est pas évident, confie Morgane. Ma grand-mère n’a plus toute sa tête et n’entend pas très bien. Elle nous réclame beaucoup et demande pourquoi on ne vient pas la voir.Elle nous réclame beaucoup et demande pourquoi on ne vient pas la voir.
Morgane
Du coup, on n'a que les soignants qui nous donnent des nouvelles. On ne peut pas se rendre compte par nous même, si ça va ou si son état se dégrade ».
La jeune femme, comprend elle aussi, les mesures de restrictions mises en place. Mais elle se demande également si cet isolement ne va pas entraîner des complications et faire des dommages collatéraux :
"Le kiné venait la voir pour l’aider à marcher. Il lui massait les jambes pour éviter les phlébites et là c‘est plus possible. Il ne faudrait pas que cela déclenche des pathologies ou une dépression !"
Des EHPAD à risque
En Gironde comme au Pays basque, Morgane et Mikel ne contestent pas les dispositifs appliqués, mais ils vivent difficilement cet éloignement obligatoire. Ils savent que le virus est déjà entré dans plusieurs Ehpad du pays, et qu’il se propage rapidement.En Nouvelle Aquitaine, un établissement à la Puye dans la Vienne est sous haute surveillance depuis le décès, dimanche dernier, d'une résidente de 85 ans atteinte du Covid-19. Dans cet Ephad, six pensionnaires et deux soignants sont atteints.
Des investigations sont en cours. La source de la contamination n'a pas encore été établie avec certitude. Mais une résidente, qui aurait fait une promenade avec sa famille il y a quelques jours, pourrait avoir été infectée à cette occasion.