Usés par des conditions de travail difficiles et les promesses non tenues du gouvernement, les agriculteurs ont organisé trois manifestations en l'espace de deux jours en Corrèze. La tension monte, alors qu'une nouvelle mobilisation nationale est annoncée à partir de mi-novembre.
Les agriculteurs sont de retour en ville. Ce vendredi matin, une quinzaine d'entre eux défriche, laboure et sème du seigle sur un terrain à l'ouest de Brive-la-Gaillarde. Cette surface de trois hectares, terrain plat, terre fertile serait parfaite pour accueillir des cultures de légumes, de maïs ou de luzerne. Propriété de l'Agglomération de Brive, la parcelle est condamnée à rester à l'état naturel en raison de la loi de compensation des sols artificialisés.
Dénoncer les aberrations
"C'est une aberration Plus rien ne se fait sur ces terres qui étaient destinées à nourrir", pointe Emmanuel Lissajoux, président de la FDESA de la Corrèze qui organise cette opération coup de poing. C'est la troisième organisée dans le département en l'espace de deux jours.
"Ce traité est dangereux, autant pour l'agriculture que pour le consommateur"
La veille, après avoir terminé le travail à la ferme, ce sont les membres de la Coordination rurale (CR) qui se sont réunis devant les portes de la préfecture de la Corrèze à Tulle. "C'était le moment opportun pour nous retrouver, faire le point et lancer les hostilités pour la prochaine mobilisation nationale qui débutera autour du 15 novembre", explique Amélie Rebière, présidente de la CR Corrèze et vice-présidente nationale.
Dans le viseur des agriculteurs réunis ce soir-là : le Mercosur. L'ensemble des syndicats s'y opposent et dénoncent la concurrence déloyale causée par cet accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays d'Amérique du Sud. "Ce traité est dangereux, autant pour l'agriculture que pour le consommateur. On va faire entrer des produits en France qui ne respectent pas les normes européennes. Pour nous, c'est la ligne rouge à ne pas franchir", poursuit Amélie Rebière.
Notre agriculture est moribonde depuis des décennies et cela ne va pas en s'arrangeant. On n'arrive pas à transmettre nos exploitations, à motiver des jeunes.
Amélie RebièrePrésidente de la Coordination rurale de la Corrèze
Plus de 200 députés de tous bords politiques viennent de signer une tribune collective demandant au gouvernement de bloquer la conclusion de l'accord, prévue mi-novembre. Les agriculteurs font, eux aussi, pression. "On veut que la France mette un véto sur le Mercosur. On compte également demander au président un moratoire sur les contrôles et la dissolution de l'OFB. On n'a pas besoin de personnes qui viennent nous expliquer comment respecter l'environnement", gronde la syndicaliste.
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En mars, l'ancien Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé des mesures d'urgence pour calmer la colère : suppression de la taxe sur le Gazole non routier (GNR), simplification des procédures et des normes, réduction du nombre de contrôles... La dissolution est passée par là et les agriculteurs ont le sentiment de "ne rien avoir obtenu".
Elie Crouchet,75 ans et agriculteur à la retraite depuis le mois de janvier, témoigne : "On n'a pas été écoutés du tout. Il y en a marre. Les exploitations sont dans des situations critiques. Les charges et les normes nous empêchent de produire. On ne sait plus où l'on va."
Des fois, on se demande s'il ne faudrait pas être salarié plutôt que de s'installer et finir par se mettre le couteau sous la gorge. On voit nos parents qui ont du mal à s'en sortir, ils nous disent de partir.
Damien ChambreAgriculteur de 21 ans
Les syndicats majoritaires, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, et d'autres appellent à une nouvelle mobilisation d'ampleur. "Il faut s'attendre à des blocages. Si les éleveurs quittent leur ferme, ce sera pour obtenir quelque chose cette fois et on ne sera pas près d'arrêter les blocages", prévient Amélie Rebière.
Propos recueillis par Anaïs Lebranchu / France 3 Limousin.