Le projet d'extension de la scierie Farges suscite la polémique. Entre suppression de terres agricoles et expropriation d'une octogénaire, les oppositions sont nombreuses. Le 1er décembre 2022, les manifestants exprimeront leur désapprobation.
"C'est ma maison. J'entends rester jusqu'au bout."
Jacqueline Monjanel est déterminée. Sa maison était bâtie bien avant la scierie. Puis cette dernière a grossi, jusqu'à border son jardin. Farges est devenu Piveteau. Le bruit est devenu boucan.
Le 28 novembre 2022, Jacqueline Monjanel est une propriétaire expulsable. Depuis que le projet "zone industrielle agrandissement scierie" est lancé, plusieurs propositions de rachat de sa maison ont été faites. Certaines généreuses. Mais Jacqueline les refuse toutes.
"C'est ma maison, c'est ma vie ici, souffle-t-elle. A mon âge, je ne me vois pas partir. Aller ailleurs, mais aller où ? "
Au centre, la maison de Jacqueline Monjanel. Derrière la haie de son jardin, la scierie.
Six hectares pris à un éleveur
Non loin de là, dans le lieu-dit La Bissière, rattaché à la commune de Moustier-Ventadour, Fabrice Sznadjer fait face au même problème. Le chevrier perd six hectares de prairie sur les 48 qui composent son exploitation.
"Je ne suis pas contre le développement de cette entreprise mais il ne doit pas se faire au mépris de ce qui existe déjà, affirme-t-il. On ne m'a jamais contacté. Personne ne s'est jamais soucié de la pérennité de mon exploitation agricole. J'aimerais bien continuer à exister."
Opération déminage pour Farges
L'entreprise Farges a l'ambition de doubler ses volumes de grumes traités : comprenez les troncs d'arbres abattus et ébranchés. Le but, profiter de l'objectif neutralité carbone pour jouer le bois de construction contre le béton.
Mais face aux oppositions locales, Farges a compris qu'il lui fallait vendre son projet ici. Désormais, la société organise conférences de presse et tours de table avec les élus et les associations.
"Je peux comprendre la position de nos voisins, ils disent que ce sont leurs terres. Et c'est difficile de la céder, de la vendre ou de se faire exproprier, reconnait le directeur de Farges Damien Larue. On pense toujours qu'il y a une solution possible, en étant gagnant-gagnant."
A l'origine de cet agrandissement pour Farges, il y a la communauté de communes Ventadour-Egletons-Monédières. C'est elle qui a lancé la déclaration d'utilité publique (DUP). Elle encore qui cherche des hectares pour implanter du business. Elle, enfin, qui exproprie.
Son président Charles Ferré explique : "Des tractations ont été engagées avec Jacqueline Monjanel et sa famille. Cette dame peut rester toute sa vie dans sa maison, soit en étant propriétaire, soit en gardant l'usufruit pour toute sa vie."
La DUP est au centre de tout, et donc des recours en cours.
"Peut-être qu'on aurait dû essayer de dialoguer il y a 6 mois ou un an."
Philippe Piveteau, directeur du groupe Piveteau
AssoCitra est une association locale de défense de l'environnement. Sa présidente Frédérique Vergne se dit choquée. "Ce qui nous heurte, c'est qu'ils passent en force, regrette-t-elle. Ils nous font croire que ce projet est d'utilité publique, mais c'est d'utilité privée pour Farges."
L'entreprise de bois veut jouer la conciliation, mais la scierie part de loin. Elle a un passé dans ce territoire.
"On a essayé de retendre la main à Madame Jacqueline Monjanel, soutient Philippe Piveteau, président du groupe éponyme. Le but, c'est d'essayer de dialoguer. Peut-être qu'on aurait dû le faire il y a 6 mois ou un an, quand on a déposé le projet."
Le juge à l'expropriation se rendra sur place jeudi 1er décembre. Les opposants au projet seront mobilisés.