Un casino va ouvrir ses portes à Arnac-Pompadour (Corrèze)... Une aubaine pour la cité et son haras, qui ont connu sur la route du prestige de nombreuses déconvenues. Que sait-on du projet ? Quels sont les enjeux ? Nous avons pu joindre les élus concernés ainsi que les représentants de l'ancien Club Med. Tous attendent beaucoup de cette future activité.
Un casino est-il synonyme de lumière au bout du tunnel pour la ville d'Arnac-Pompadour, en Corrèze ?
L'Assemblée nationale a voté ce mardi 5 décembre 2023 une loi autorisant l'implantation de casinos dans des villes dites "équestres". Ce casino serait ainsi le deuxième en Limousin, après celui d'Evaux-les-Bains (Creuse). Ces établissements se trouvent en majorité dans les villes balnéaires.
Grâce aux revenus fiscaux générés par cet établissement de jeu, la ville d'Arnac-Pompadour envisage de financer la filière cheval sur son territoire... Un dossier qui a connu de nombreux rebondissements ces dernières années
"Quatre casinotiers ont appelé"
"La clientèle existait quand il y avait le Club Med. Aujourd'hui, j'espère que le tourisme va revenir et qu'une complémentarité va s'installer. On pourrait voir un casino ouvrir dans les deux ans", déclare Frédérique Meunier sur l'antenne d'ICI 19/20 Limousin, ce 6 décembre.
Évidemment, dès l'annonce de la validation du projet, le maire de la commune a exprimé sa joie et son soulagement de voir ce projet sur les rails. Un conseil municipal s'est tenu le soir-même. "Nous n'avions pas de temps à perdre", nous explique, par téléphone, Alain Tisseuil, maire (SE) d'Arnac-Pompadour. Le conseil a voté positivement pour une délégation de service public. "Quatre casinotiers ont appelé, ils doivent venir pour voir où le casino pourrait s'installer, d'autres sont déjà venus." D'après l'élu, il ne s'agirait pas de grands groupes comme Partouche, Barrière ou Joa, mais d'autres casinotiers ciblant davantage les territoires ruraux.
Ce samedi 9 décembre, la municipalité recevra un casinotier en mairie.
L'élu souhaite que cet emplacement soit central, mais ne sait pas encore s'il s'agira d'une réhabilitation ou d'une construction sur un terrain vierge. "Si vous mettez un casino en périphérie, automatiquement les gens viendront jouer et s'en iront. S'il est central, ces gens découvriront le côté historique de notre ville. L'objectif, c'est de leur donner envie de rester et de revenir".
Une bonne nouvelle pour l'ancien Club Med, toujours propriété d'une riche famille libanaise
En 2014, le domaine de la Noaille, sur la commune toute proche de Beyssac accueillait encore des centaines de vacanciers. Un lieu de prédilection pour les loisirs en tout genre et plus particulièrement l'équitation. Lors de son inauguration en 1972, ce tout premier Club Med en France pouvait accueillir jusqu'à 200 chevaux et de grands noms venaient profiter des infrastructures dernier cri.
Mais en 2015, sur le site de 63 hectares, le silence s'est installé. Le Club Med a quitté les lieux en janvier, les infrastructures s'abîment à vue d'œil et personne ne veut reprendre le site, qui représente alors un investissement trop important... Jusqu'à la riche famille Najem, originaire du Liban, qui rachète l'intégralité du domaine.
En août 2016, cette dernière y implante un complexe haut de gamme dédié aux amateurs de chevaux. En lieu et place de l'ancien Club Med de Pompadour s'ouvre alors un site comprenant un hôtel de luxe, un restaurant étoilé et des installations équestres... Le tout, inauguré par François Hollande, alors président de la République. L'objectif était aussi de donner naissance à une école internationale d'équitation, et d'ouvrir un lieu de réception pour les personnalités influentes du monde entier.
Mais en 2020, le tribunal de commerce de Brive place en redressement judiciaire la société Etoile de Pompadour Sports & Wellness Domain. Cinq emplois locaux sont alors définitivement perdus.
"Le bon vent n'est pas avec nous"
À ce jour, le restaurant et l'hôtel de l'Etoile de Pompadour n'ouvrent qu'une partie de l'année : entre le mois de mars et novembre. Mais l'ambition des propriétaires reste tout autre : "la vision du début n'a pas changé. Nous essayons de créer des activités sportives, équestres, du tennis, mais le bon vent n'est pas avec nous, les travaux traînent depuis des années à cause de la pandémie et de la crise économique. Nous voulons créer des tournois pendant l'hiver", nous explique un représentant du domaine par téléphone. En plus de l'ouverture du casino, cela pourrait permettre au site d'être en activité tout au long de l'année : "Cela serait excellent économiquement pour la région, ça va nous ramener du monde".
Sept employés y travaillent en haute saison, sans compter les emplois saisonniers. L'hôtel dispose actuellement de vingt-huit chambres, les propriétaires souhaitent en proposer davantage. "Tout va s'agrandir. Nous envisageons l'ouverture d'un spa et d'autres restaurants, comme un diététique, sur le domaine", poursuit ce représentant.
"J'aimerais retrouver l'activité du temps du Club Med"
"Il y a beaucoup à faire. Les terrains de tennis sont quasi délabrés. Ça me fait mal", regrette Serge Langlade, maire (SE) de Beyssac. "Mais ce n'est pas une charge pour la collectivité, c'est déjà ça. J'aimerais retrouver l'activité du temps du Club Med. Je leur souhaite, mais je ne suis au courant de rien, ni d'aucun permis de construire", ajoute l'élu.
Les terrains de tennis sont quasi délabrés.
Serge LangladeMaire (SE) de Beyssac
Si une source nous a glissé que les propriétaires cherchaient à vendre, ceux-ci nient ces propos : "Pas du tout. Ce n'est pas la première fois que nous entendons cela."
Un projet positif pour la ville et son activité équestre
Il faut que la ville fasse vivre le casino et que le casino fasse vivre la ville.
Alain TisseuilMaire (SE) d'Arnac-Pompadour
Le maire de la ville d'environ 1 150 habitants espère un cercle vertueux : "Les haras nationaux n'ont plus dans leur mission première l'organisation des concours. Or, c'est ce qui séduit dans notre ville et qui fait que les gens restent quelques jours. Pompadour, c'est 170 journées équestres, il faut qu'on les garde."
Pour soutenir la filière équestre qui souffre ces dernières années de nombreuses difficultés financières, il faut trouver de nouvelles ressources :
Pour Pompadour, le manque annuel est de 350 000 euros.
Frédérique Meunier, rapporteure de la Commission des loisAssemblée nationale, 5 décembre 2023
En effet, l'appellation coûte très cher, tout comme les poulains qui naissent en Corrèze. Car un haras est dédié à la reproduction des chevaux, dont les lignées sont souvent prestigieuses. Mais la crise covid est passée par là...
Le Covid-19, le coup de massue
En mai 2020, les herbes hautes ont gagné le haras de Pompadour. Toutes les activités événementielles ont été stoppées à cause de la pandémie. Seule la jumenterie fonctionne pour assurer la reproduction ; il n'était pas envisageable d'arrêter pour la directrice du haras en 2020.
Chez les chevaux de course, la période entre la mi-mars et la mi-mai représente 50% des saillies. On aurait eu une perte de 12 500 naissances. Cela aurait été franchement préjudiciable.
Ariane Littardi, directrice du haras de Pompadour en 2020Archives INA, mai 2020
La première course de l'année 2020 s'est finalement tenue le 24 mai, mais à huis clos. Pas de public, donc pas de paris sur place... La course avait été diffusée en direct sur les réseaux sociaux.
Retrouver le prestige d'autrefois, du temps de la Marquise ?
L'histoire de la cité du cheval nous transporte dans le temps... Tout débute au Moyen Âge : en 1026, Guy de Lastours, dit Guy le Noir, en lutte avec le Vicomte de Ségur, fit bâtir le premier château, ainsi qu’un monastère et une église à Arnac. Il décide d'y bâtir son fief, sa cité, sa forteresse féodale. "Ce sont les guerres de religion, les incendies et la Révolution française qui vont transformer ce château par rapport à ce qu'il était autrefois", nous expliquait en septembre 2015 Patrick Imbeau, agent du patrimoine.
Il faut s'imaginer un château avec trois fois la taille de celui-ci.
Patrick Imbeau, agent du patrimoineArchives INA, 9 septembre 2015
Au début du 14ᵉ siècle, le château devient la propriété de la famille Elie de Pompadour. À l'extinction de cette lignée originaire de Ségur, deux grandes familles seigneuriales des Conti et des Lavallière se disputeront l'héritage de ce domaine.
Le roi Louis XV met fin aux querelles en l'offrant à sa favorite, Jeanne-Antoinette Poisson, ainsi que le titre de marquise ; elle devient alors la célèbre marquise de Pompadour. C'est elle qui créera ce haras privé, en 1751. Plus tard, le haras deviendra royal puis impérial sous Napoléon. À l'avènement de la République, il deviendra un site des haras nationaux... Institution qui tente de garder de son prestique mais qui, depuis 2010, a connu de profonds bouleversements.