Le département de Corrèze a perdu le contentieux qui l'opposait à l'État depuis neuf ans. De 2015 à 2024, le département a refusé de verser sa part au financement du RSA, cumulant 47 millions d'euros d'impayés. Un rapport de la Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine vient de donner raison à l'État, estimant illégale la décision du département.
Le Congrès des départements de France doit s'ouvrir mercredi à Angers pour trois jours, avec à l'ordre du jour l'épineuse question de la ponction de deux milliards d'euros sur les budgets des conseils départementaux dans le cadre des économies du gouvernement.
Dans ce contexte, la défaite du conseil départemental de la Corrèze face à l'État sur la question du versement du revenu de solidarité active (RSA) ne passera pas inaperçue, dissuadant probablement tous les élus de s'exonérer de leurs obligations financières.
Que s'est-il passé ?
Après son élection à la tête du département en avril 2015, Pascal Coste a décidé d'engager un rapport de force avec l'État en ne versant aux gestionnaires du RSA - la Caisse d'allocations familiales (CAF) et la Mutualité sociale agricole (MSA) - que les sommes qui lui étaient attribuées par l'État au titre du transfert de compétences, mais qui ne couvraient pas la totalité des versements aux allocataires.
Le département a donc refusé son rôle de cofinanceur du RSA et obligé l'État à compenser l'intégralité du reste à charge, correspondant à 36% des sommes versées, sur son budget de 2016 à 2024.
47 millions d'impayés
Le cumul des impayés a finalement atteint la somme de 47 millions d'euros au 30 janvier 2024.
Le conseil départemental avait saisi les tribunaux administratifs de Limoges et de Paris pour contester cette obligation financière. Les deux juridictions lui ont donné tort en septembre et décembre 2023, sans pour autant l'obliger à se mettre en conformité avec la loi. Les recours de la CAF auprès de la préfecture de la Corrèze n'ont pas connu plus de succès.
Dans un rapport publié le 4 novembre dernier, la Chambre régionale des comptes de Nouvelle Aquitaine vient clôturer ce contentieux, en déclarant "illégale depuis neuf ans" cette situation. Si le département a le droit de discuter avec l'État du niveau de compensation des compétences, il ne peut "retenir" l'argent. Pascal Serre, le président de la juridiction, tient à souligner cette obligation : "Le département de la Corrèze, comme tous les départements, est le financeur du RSA, c'est donc à lui de donner l'ensemble des financements aux caisses de solidarité, aux Caisses d'allocation familiale de divers types qui vont payer directement les bénéficiaires. Il a retenu une partie de cet argent pendant neuf ans, et c'est évidemment en discordance avec ce que lui imposent les lois et sa compétence de financeur."
Les versements mensuels ont d'ailleurs repris depuis mars dernier. Aussi, les efforts de désendettement du Conseil départemental depuis presque dix ans doivent-ils être relativisés : la collectivité va devoir payer les 47 millions d'arriérés, somme que l'exécutif avait provisionnée.
Les intérêts de la dette effacés
La Chambre régionale des comptes reconnaît que l'endettement du département est passé de 343 millions d'euros fin 2017 à 244 millions d'euros fin 2023, mais elle précise "que cette amélioration est en partie générée par les dizaines de millions d'euros que le département avait refusé de rembourser à la CAF et la MSA".
En outre, Pascal Serre ajoute : "C'est donner de la transparence à l'ensemble des parties prenantes : l'État, le département, les bénéficiaires et puis le citoyen de Corrèze qui a bien le droit de savoir quelle a été la politique du département pendant ces années-là."
Enfin, un accord a été signé entre le préfet de Corrèze et le conseil départemental pour effacer les intérêts de retard.
Pascal Coste sera invité de l'émission de "Dimanche en politique", ce dimanche 17 novembre où il sera question notamment du RSA et des finances du département.