Un homme a été interpellé par les gendarmes de Corrèze après avoir menacé de mort la maire de Rilhac-Treignac. Il sera jugé en octobre 2024. C'est la troisième fois que l'individu s'en prend de la sorte à Estelle Bouchot, l'élue de la petite commune du plateau Millevaches, qui a accepté de répondre à nos questions.
Un individu a été interpellé par les gendarmes à Rilhac-Treignac (Corrèze) ce samedi 18 mai, après avoir proféré des menaces de mort à l'encontre de la maire du village deux jours plus tôt. Alcoolisé, l'homme de 51 ans est mis en cause pour avoir pisté l'élue depuis son domicile vers chez voisins, en multipliant les insultes.
Le parquet nous a confirmé qu'il a été présenté en comparution immédiate le même jour, placé sous contrôle judiciaire et qu'il sera jugé le 8 octobre prochain après-midi pour répondre du délit de "menaces de mort sur un élu". La peine encourue est de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende.
C'est la troisième fois que l'individu s'en prend ainsi à Estelle Bouchot, l'élue de la petite commune de 115 habitants en bordure du plateau des Millevaches, qui a déposé plainte. Au micro de France 3, elle confie son exaspération, mais aussi sa foi à poursuivre son mandat.
En 2023, 69% des maires se déclarent victimes d'incivilités et dix maires de Corrèze ont raccroché leur écharpe depuis 2020.
Pour la 3ᵉ fois, vous expliquez avoir été victime d'une agression verbale d'un de vos administrés le 16 mai. Qu'est-il arrivé ?
Estelle Bouchot : cette personne s'est présentée à mon domicile. Le souci, c'est que je n'étais pas là, donc il est rentré chez moi, au niveau de la véranda. Il a commencé à vociférer dans tous les sens. Mon mari qui était dehors, entendant le bruit, est venu. Il a essayé de le calmer, c'était impossible.
Mon mari lui a dit que madame le maire n'était pas là, mais chez les voisins. Illico presto, cette personne est partie chez les voisins. Et là, il a sonné.
Mon voisin sort et là, il a vu cette personne, hurlant des menaces à mon encontre, tenant un tout petit rat, comme ça, par la queue. « Je vais lui faire bouffer », il disait. Entendant la voix et reconnaissant la personne, je sors immédiatement.
Je me suis placée entre mon voisin et cette personne, et ça a été un festival de menaces de mort : "je vais prendre une lame, je vais vous tuer". En tutoyant : "je vais tuer ta famille, je vais tuer tes enfants, je vais tuer tes petits-enfants. Tu vas voir". Je vous en passe et des meilleures.
J'avais déjà fait rentrer mon voisin qui voulait me protéger, de façon à ne pas envenimer la situation, parce qu'on ne sait jamais où est la limite. Au bout de dix minutes de ce cirque, mon voisin sortait de temps en temps, essayait de le calmer, mais ça, il ne pouvait pas. Je suis rentré chez mon voisin, je me suis enfermée, et cette personne est partie.
Comment vous sentez vous ?
Estelle Bouchot : Au jour d'aujourd'hui, ça va. De base, je ne suis pas quelqu'un d'extrêmement peureux. J'ai eu l'habitude de gérer les conflits.
J'ai eu raison, et je le sais, d'avoir porté plainte. On ne sait pas ce qui peut se passer. Est-ce que j'ai peur ? Non. Est-ce que je suis un peu moins sereine ? Oui. Vigilante ? Oui.
Mais après, je ne vais pas arrêter ma vie. Je ne vais pas à chaque fois regarder derrière, pour voir ce qui se passe.
Les menaces que vous mentionnez vous sont adressées en tant que maire de cette commune. Qu'est-ce que vous pensez de ça ?
Estelle Bouchot : Je pense qu'au jour d'aujourd'hui, le respect, quel qu'il soit, vis-à-vis d'un élu, n'existe beaucoup moins. On ne va pas dire qu'il n'existe plus. Mais je dirais que c'est normal "de se payer" un élu. Comme il est normal aujourd'hui de "se payer" un médecin, un gendarme, un pompier.
Maintenant, quand on voit ce qui se passe un peu plus haut, même à l'Assemblée nationale, comment les gens s'écharpent, les mots qu'ils se disent... Est-il normal d'insulter un député ? Est-il normal d'insulter le président de la République, de l'appeler Emmanuel ? Non, ce n'est pas normal. Moi, j'ai 65 ans. Il y a des valeurs qu'on m'a apprises. Je ne veux pas passer pour une vieille ringarde, mais à un moment, il y a des choses qui ne se font pas.
Alors, on nous dit "oui, mais il y a des mesures". Alors, on va refaire l'éducation civique. On va refaire ceci. Beaucoup de mots, assez peu d'actions. C'est ce que je pense.
Les faits du 18 mai remettent-ils en cause votre engagement en tant que maire ?
Estelle Bouchot : Non. Par contre, ça remet en cause une candidature pour un nouveau mandat, ça oui. (...) Je peux comprendre qu'il y ait quelques frictions. Mais pas à ce point-là, surtout un petit village calme et paisible.
Beaucoup de personnes m'ont appelé pour apporter leur soutien, notamment le préfet qui m'a appelé ce matin. Et je lui ai dit "ça va aller". Je ne vais pas déprimer non plus, la vie continue. Je vous donne un exemple : la semaine prochaine, samedi, on a une fête chez nous. Alors, ça peut paraître un peu humoristique, mais c'est la fête des voisins (rires). Ce n'est pas une blague. Voilà, la fête continue, la vie continue.
J'espère que cette personne a compris, je le souhaite vraiment de tout cœur. Est-ce que ça va suffire ? Je n'en sais rien, l'avenir nous le dira. J'espère que vous n'aurez pas un jour à venir regarder mon épitaphe (rires) !