Deux hommes qui se trouvaient à l’intérieur du Bataclan le 13 novembre 2015 sont venus témoigner devant des lycéens de Tulle en Corrèze.
C’est au début du mois de mai que les deux rescapés du Bataclan sont venus dans le Limousin pour raconter cette nuit de terreur. Le 13 novembre 2015, Jean-Claude était au bar du Bataclan et Stéphane se trouvait à l’étage quand les premiers coups de feu ont retenti.
5 ans après le drame, même s’ils semblent aller bien, le besoin de raconter se qu'ils ont vécu ce jour-là est encore très fort. Une thérapie et un devoir de mémoire qu’ils choisissent de mener jusque dans le Limousin.
C’est un travail de mémoire, c’est historique ce que l’on a vécu, il faut qu’on en parle”
De la sidération
Alors ils vont longuement revenir sur la chronologie des faits et leur vécu. Ce jour-là, dans la salle de concert, pour certains c’est d’abord l’incompréhension qui prédomine avant la peur.
Mon premier réflexe n’a pas été de m’allonger, mais de regarder
je n’étais pas terrifié, j’étais sidéré car je n’y croyais pas
La salle est comble pour entendre ces paroles fortes, celles de Jean-Claude et Stéphane, tous les deux sont des rescapés de l’attaque terroriste du 13 novembre 2015.
L’un d’eux évoque le moment où il est regroupé pendant deux heures et demi dans un couloir avec douze autres otages et des terroristes équipés de kalachnikov et ceintures d’explosifs.
Moi je considère qu’à ce moment là je suis mort
Il sortira avec une équipe de la BRI (brigade de recherche et d’intervention de la Police) et passera par la fosse où gisent des victimes. “Il y avait une montagne de corps avec du sang partout” explique-il à l’auditoire.
De la culpabilité
Sans haine ni colère, devant ces lycéens tullistes, les deux hommes racontent, durant trois heures, leur nuit d’horreur dans la mythique salle de concert parisienne.
Cela a duré 10-12 minutes, avec trois types qui vous tirent dessus, vous vous dites pourquoi pas moi, pourquoi un autre, cela paraît une éternité
Parmi les nombreuses questions posées par les lycéens, il y en a une qui revient à plusieurs reprises chez les élèves : est-il possible de se reconstruire après ce drame ?
A l’approche du procès historique des attentats en septembre prochain, le besoin de parler se fait de plus en plus sentir dans les établissements scolaires. “Il y a beaucoup d’émotion et de leçons de vie” confie Zoé, élève de terminale à l’origine de la rencontre
Malgré leurs appréhensions, les jeunes ressentent le besoin d’entendre ce qui s’est passé ce soir-là à Paris. “J’avais un peu peur de dire des choses qui pourraient les blesser.. mais j’ai été rassurée dès le départ, car ils n’avaient pas de problème à revenir sur ce qu’ils avaient vécu et c’était fort” explique Loulia, élève de seconde.
Peut-on pardonner ?
Les problématiques du pardon et de la culpabilité ont aussi été évoquées par les lycéens.
Se pose la question de savoir si chez les survivants il y a un désir de revanche ou plutôt une envie de passer à autre chose.
Une question à laquelle il est difficile de répondre. L’un des rescapés donne son point de vue sur ce sujet : “je ne suis pas sûre que les victimes aient envie de pardonner. Cela ne veut pas dire qu’elles ont envie de se venger” explique Jean-Claude.
Je ne voue pas une haine à ces personnes là
Ce survivant de la tuerie du 13 novembre évoque la manipulation dans ce drame. “Ce qui me pose plus problème c’est les personnes qui ont manipulé ces jeunes, leurs ont fourni des armes, et leur ont vrillé le cerveau pour qu’ils en arrivent à cela” explique-il.
Le procès s’ouvre prochainement et les deux hommes l’attendent comme les autres victimes et leurs familles. “Je crois profondément en notre justice et je me dis tant mieux que ces gens soient jugés” souligne Jean-Claude.
Ces rencontres entre lycéens et rescapés ont lieu grâce à l’AFVT, l’association française des victimes de terrorisme. Elle reçoit de plus en plus de demandes de témoignages des établissements scolaires français.
Notre reportage : Nassuf Djailani. Images AFP TV. Montage :Sébastien Bugeaud.
Intervenants : Jean-Claude, rescapé de l'attentat du Bataclan ; Zoé, élève de terminale (à l'origine de la rencontre) ; Loulia, élève de seconde ; Stéphane Toutlouyan, rescapé de l'attentat du Bataclan.