Le ministère de l'Education nationale a annoncé ce 21 décembre la suppression de 650 postes de professeurs des écoles, au lieu des 1709 envisagés. Pas de quoi atténuer la colère des syndicats. Pour eux, la situation est critique dans le Limousin, en particulier dans la Creuse, où 41% des instituteurs absents n'ont pas été remplacés depuis la rentrée. Un chiffre contesté par le rectorat et l'académie.
"Quand un collègue est malade, on découvre le matin même qu'on doit accueillir 5 ou 6 élèves de maternelle dans une classe de CE1/CE2. C'est plus que du bricolage." Une situation "compliquée" qui dure depuis plus de dix ans, selon Fabrice Couegnas, professeur des écoles à Eyjeaux, en Haute-Vienne, et représentant de la CGT Educ'action Limousin.
46 emplois manquent à l'appel selon la CGT
Dans le Limousin, nombreuses sont les absences d'instituteurs qui ne sont pas remplacées. Dans toute l'académie, sur l'année 2022-2023, 25% des remplacements en moyenne n'ont pas été assurés, selon la CGT.
La situation la plus critique concerne la Creuse : 43% des absences n'ont pas été remplacées, toujours sur l'année scolaire 2022-2023. Depuis la rentrée, c'est presque autant de professeurs qui n'ont pas été remplacés dans les écoles creusoises. La CGT estime que cela équivaut à 46 emplois manquants.
Les conséquences sont multiples et impactent directement les écoliers, sans parler des instituteurs et des parents. "Certaines fois, à défaut de remplaçant, les parents viennent récupérer leurs enfants, qui ratent alors une journée de classe. Les parents doivent se débrouiller pour les garder à la dernière minute. Et à côté de cela, on nous dit qu'on doit lutter contre l'absentéisme des élèves...", déplore Fabrice Couegnas.
130 postes supplémentaires et de la transparence revendiqués
Dans ce contexte, une intersyndicale a été reçue le 6 décembre par la rectrice de l'académie de Limoges, Carole Drucker-Godard, afin de dresser un état des lieux. Les syndicats demandent le recrutement supplémentaire de 130 enseignants dans l'académie, lors du prochain concours des professeurs des écoles.
Il faut ouvrir de nouvelles places au concours. L'année dernière, il y avait 55 places ouvertes pour 94 départs à la retraite !
Fabrice Couegnasprofesseur des écoles et représentant CGT Educ'action Limousin
L'intersyndicale appelle également à de la transparence pour mesurer les absences mensuelles non remplacées et pouvoir ainsi en observer l'évolution. "Cela a été refusé par la rectrice. Si on veut traiter un problème, il faut déjà l'observer. On n'a pas l'impression qu'ils aient envie de le résoudre, même si on sait que le rectorat subit les coupes budgétaires du ministère", confie le professeur des écoles.
Des chiffres très différents entre rectorat et syndicats
Le problème est que le rectorat et les syndicats ne disposent pas du tout des mêmes chiffres, suscitant une incompréhension entre les deux parties.
Nous n'avons pas les mêmes chiffres que les syndicats, on ne part pas de la même base. En fait, on ne parle pas de la même chose.
Service communication du cabinet de la rectrice de Limoges
Alors que les syndicats calculent quel est le pourcentage de professeurs qui ont été remplacés par rapport aux besoins de remplacement, le rectorat, lui, calcule le nombre de classes qui n'ont pas été remplacées par rapport à celles qui ont eu lieu. Autrement dit, le rectorat veille seulement à ce qu'il y ait cours, peu importe dans quelles conditions.
Pourtant, de mauvaises conditions contribuent à "dégrader temporairement le fonctionnement optimal de l'école", comme le reconnaît sur son site le ministère de l'Education nationale.
8% de taux de non-remplacement selon l'académie de la Creuse
Les chiffres communiqués par les syndicats sont également contestés par l'académie de la Creuse.
On ne comprend absolument pas ces chiffres, qui sont erronés et véhiculent une représentation délétère et fausse de la réalité.
Dominique Terrieninspecteur d'académie de la Creuse
Selon l'inspecteur, Dominique Terrien, le taux de non-remplacement en septembre était de 1% et en octobre, de 2%. "En novembre et en décembre, la situation était plus tendue à cause des maladies saisonnières, on tourne autour de 11%. Depuis la rentrée 2023, nous sommes à un taux de non-remplacement de 8%", soit un chiffre bien inférieur aux 41% annoncés par les syndicats.
L'inspecteur d'académie de la Creuse reconnaît toutefois que "la situation n'est pas satisfaisante" et qu'il y a "un besoin de faire encore mieux". L'année 2022-2023 a été extrêmement tendue et compliquée. Il est important de renforcer la brigade de remplacement. Mais ce n'est pas en ouvrant des places au concours que l'on pourra le faire, puisque ce n'est pas les mêmes échelons."
Des suppressions de postes justifiées par une baisse démographique
Ce 21 décembre, le ministère de l'Education nationale a annoncé la suppression de 650 postes dans le premier degré, au lieu des 1 709 initialement envisagés. 28 emplois seront supprimés dans le Limousin mais la répartition au sein des académies est attendue pour le mois de janvier.
Des suppressions de postes justifiées, selon l'inspecteur, par une baisse démographique. "On a perdu 2,5% d'élèves en 2023 et cela va continuer dans la Creuse. Même si le nombre de postes a diminué, le taux d'encadrement s'est nettement amélioré depuis plusieurs années, avec 17 élèves par classe en 2023 au lieu de 19,5 en 2008" nuance-t-il.
Un argument difficile à entendre pour Julie Reversat, professeure des écoles en Haute-Vienne et représentante du syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeur des collèges (SNUipp) : "Dans l'académie, les conditions de travail ne sont pas correctes, avec déjà le nombre d'enseignants que nous avons. On ne voit pas comment ce seul argument de baisse démographique pourrait suffire. En moyenne, une classe sur quatre n'est pas remplacée chaque jour !"
En septembre 2023, l'académie de Limoges avait déjà perdu 25 emplois.