Coûts de production en hausse, cachets des artistes qui flambent : la difficile équation pour les festivals

Check-in Party, le festival de musique indépendante, basé près de Guéret, a annoncé, lundi 15 mai, l'annulation de sa troisième édition cette année. Après Lost in Limoges et Urban Empire, c'est un nouveau coup dur pour le monde de la culture en Limousin. En parallèle toutefois, certains festivals, plus anciens, parviennent à maintenir la tête hors de l'eau.

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"On s'est trompés sur l'analyse du territoire", reconnaît David Fourrier, l'un des fondateurs du festival Check-In Party en 2019. Après deux éditions, l'une en 2019 et l'autre en 2022, la troisième envisagée cette année est finalement annulée. L'annonce a été faite lundi 15 mai 2023 sur les réseaux sociaux : "Malgré un succès artistique et public indéniable, la manifestation n’a pas trouvé le modèle économique lui permettant, dans le contexte actuel, de s’engager sereinement sur une troisième édition."

Des coûts toujours plus élevés

Effectivement, avec 10 000 visiteurs en 2022, le festival a réussi à attirer du monde. Mais, selon David Fourrier, l'un de ses fondateurs, les difficultés ne se trouvent pas du côté des spectateurs, mais plutôt du côté de la situation géographique du festival, un aérodrome proche de Guéret. "C'est plus compliqué d'installer un festival de ce type en Creuse, plutôt qu’à proximité d’une grosse agglomération", indique-t-il. La zone était éloignée d'une "réserve de public" importante et des prestataires indispensables pour la bonne marche de l'événement : hôtels pour les artistes, électricité et eau qu'il fallait amener sur le site, structures d'accueil pour les festivaliers et les artistes inexistantes...

Les coûts de production ont eu raison de la survie du Check-in Party. S'ajoute à cela des cachets d'artistes qui flambent.  "Quasiment multipliés par deux entre 2015 et 2022", selon le syndicat des musiques actuelles (SMA).

Loin des festivals associatifs comme Check-in Party, la flambée des coûts de production et des cachets des artistes est confirmée par le Brive Festival - géré par Festival Production (créé par Vivendi et le Groupe Centre Presse). De fait, selon Stéphane Canarias, directeur général et programmateur de ce festival, "aujourd'hui, il est difficile de recréer un nouveau festival". Il insiste sur les difficultés pour ces structures de se maintenir à flots, face à l'augmentation générale des coûts qui ne peuvent se répercuter sur le prix des billets : "On a une hausse des cachets des artistes (...) une hausse des coûts techniques de sécurité, de transports, de la masse salariale. On est dans un équilibre tendu. Et en plus, on a une conjoncture qui fait que les gens ont moins d’argent, donc le prix du billet ne peut pas bouger."

Un manque d'aides publiques ?

"La Check-in Party avait peut-être une ligne éditoriale mal dimensionnée par rapport au territoire. De la musique indépendante, c’est peut-être un peu moins dans l’air du temps sur des zones rurales", analyse David Fourrier. 

C’est toujours une angoisse de voir se terminer une manifestation avec une programmation exigeante. Peut-être ne restera-t-il bientôt que des gros festivals avec de grosses programmations. C'est un constat d’échec. On s’est trompés sur l’analyse du territoire.

David Fourrier, co-fondateur du Check-in Party

France 3 Limousin

Ce dernier souligne également qu'il aurait aimé être davantage soutenu, en termes de subventions publiques, pour installer un tel festival en Creuse. Pourtant, en 2022, le montant total des aides régionales "au titre des manifestations culturelles pour la Creuse, la Corrèze et la Haute-Vienne était de 1 240 000 euros pour soutenir l’organisation de 70 festivals", indique la région Nouvelle-Aquitaine. En 2020 et 2021, elles étaient d'un million d'euros. "Concernant plus spécifiquement la Check-in Party, Alain Rousset avait annoncé aux producteurs du festival que la Région passerait son aide de 50 000 euros à 150 000 euros, suite à un rendez-vous organisé le 8 février dernier", souligne la Région.  

Ce n'est pas la première fois, en Limousin, que de jeunes festivals mettent la clef sous la porte, après seulement quelques années d'existence. Ce fut le cas en 2017 de Lost in Limoges et, plus récemment, le tribunal judiciaire de Limoges a ordonné la liquidation judiciaire de l'association Horizons Croisés, organisatrice de nombreux concerts sur Limoges métropole, mais aussi du festival Urban Empire. 

Comme pour Check-in Party, le manque de soutien des pouvoirs publics, lors des premières années d'existence, est pointée du doigt par Cyril Bruni, ancien trésorier de l’association Limoges Here We Come, créatrice du festival. "En étant 100% bénévoles, on aurait pu arriver à l’équilibre, mais pour ça, il aurait fallu une aide publique plus importante. Il faut qu’un ensemble de collectivités s’engagent à accompagner une structure pendant 4 ou 5 ans et ne pas trop lésiner. Au début, on a cru qu’on pouvait le faire", regrette-t-il. Pour ce festival, les subventions publiques représentaient 5% du budget total.

Il aurait dû il y avoir un vrai plan Marshall de la culture avec de vrais critères (...) La culture est essentielle et il n'y a pas de politique culturelle.

Albin de La Tour, directeur général de l'association 1001 Notes.

France 3 Limousin

Créée en 2005, l’association propose une nouvelle approche de la musique classique. Et son festival se pérennise malgré les difficultés. Sa recette ? S'adapter aux changements et au public, indique son directeur qui confirme avoir toutefois "essuyé les plâtres" l'an dernier avec le changement de lieu. Depuis 2022, le festival se déroule à la patinoire de Limoges. Pour lui, il faut désormais se démarquer et être les meilleurs pour durer : "il ne fallait pas faire que des concerts, mais des spectacles. Proposer une expérience. On va dorénavant proposer des musiques de film, être à la croisée des styles. (...) Il y a tout un travail à faire de rencontre avec le public."

Assumer son identité

Savoir évoluer et se réinventer, c'est ce qui explique la survie du festival Aux champs de Chanteix (Corrèze). Pour le président de l'association Tuberculture, Jean-François Poumier, en charge de cet événement estival annuel depuis une trentaine d'années, il faut savoir être "résistant", "faire face aux difficultés" et "trouver des solutions", dans ce milieu : alors que, jusqu'à présent, le festival se tenait au centre-ville sous des chapiteaux, désormais, il se fera sur un terrain, plus éloigné du cœur de ville, dans un amphithéâtre. L'objectif est d'augmenter le nombre de personnes et d'équilibrer leurs frais.

Les dates aussi ont changé. Aux Champs aura lieu le deuxième week-end de juillet et non plus le deuxième d'août, dans l'espoir, toujours, d'attirer plus de monde. "On se pose toujours des questions. Nous sommes dans le doute permanent", reconnaît-il.

"On minimise les risques en proposant quelques chose de qualité. On jongle comme ça. On est toujours à 0 ou très peu positif (de rentabilité, NDLR). C’est la 35e édition cette année. Le but est de se maintenir quelques années", explique Mickaël Moreau, coprésident des Veyracomusies. Ce festival associatif trentenaire qui démarre ce mercredi 17 mai - fonctionne à 100% avec des bénévoles. Sa programmation éclectique, dont une partie est gratuite, assure sa durée, selon son coprésident, ainsi que son identité particulière et assumée : "un festival à taille humaine." 

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