Témoignage. "Un métier dans lequel il faut savoir s'adapter" : une journée avec Michèle, auxiliaire de vie

Publié le Mis à jour le Écrit par France Lemaire

Nous avons passé une journée aux côtés de Michèle Surcq, afin de découvrir son métier. Elle est auxiliaire de vie à Guéret, c'est-à-dire qu'elle aide dans leur quotidien des personnes en perte d'autonomie, en raison de leur âge ou d'un handicap. Une profession qu'elle exerce depuis 29 ans, avec enthousiasme et dévouement.

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Michèle frappe à la porte. "Entre ! Entre !". Elle est attendue. "Comme une princesse !", s’enthousiasme Christelle. 54 ans, de gros problèmes de santé depuis une naissance prématurée, d’autres soucis ont suivi, qui l’ont un temps privé de la marche. "Allez on sort !" , s’exclame-t-elle.

Nécessaire présence

"Elle est très volontaire", me confie Michèle. Avec tact, discrétion, et son regard attentionné, l’auxiliaire de vie accompagne Christelle, qui s’aide de sa canne. Les deux femmes se tutoient, elles se connaissent depuis le collège.

Ensemble elles marchent, un tour du pâté de maison, et Michèle écoute. Christelle est joyeuse et bavarde. Et fière d’elle aussi "j’en veux, j’en veux, j’en veux !" répète-t-elle. Il y a peu, elle avait besoin d’un déambulateur pour se déplacer. Mais avec l’aide des auxiliaires de vie, deux fois par jour, elle a progressé.

Christelle avance. Mais parfois, vacille. Et demande à Michèle "je peux te prendre le bras ?" Bien-sûr. "Michèle, je régresse ?" "Mais non, c’est pour ta sécurité !". Michèle rassure, encourage. Ça fait partie de son rôle d’auxiliaire de vie. Comme mille autres choses.  

Les avancées du métier

Chez André, c’est différent. Il a soixante-dix ans, il se déplace en chaise roulante. Il faut dire que ces cinq dernières années, la vie ne l’a pas épargné. Six AVC, une embolie pulmonaire, un ulcère à l’estomac, le diabète, et récemment une opération de la cataracte.

"C’est ma femme qui s’occupait de moi, elle est fatiguée", dit-il, soulagé d’être entre les mains de Michèle. Depuis un an, le couple fait appel à une auxiliaire de vie, notamment pour la toilette d’André.

Michèle l’aide à se déshabiller. Et à s’allonger sur un lit. Grâce à un guidon de transfert. C’est la révolution de ces dernières années pour le métier de Michèle. Un appareil à roulettes, auquel André s’accroche, il peut ainsi se lever et Michèle le pousse jusqu’au lit.

Tout en douceur pour l’un et l’autre. "Il y a quelques années j’aurais dû le porter, on avait des risques de se faire mal au dos, mais aussi de faire mal à la personne, aujourd’hui, avec ces appareils, ça nous facilite la tâche", explique l’auxiliaire de vie. L’association pour laquelle elle travaille, l’ALIAD (Association locale d'interventions à domicile) propose aussi aux auxiliaires de vie les conseils d’un ergothérapeute, afin d’adopter les bons gestes, les bonnes postures.

En vint-neuf ans, j’en ai vu changer des choses !

Michèle Surcq

Aide à domicile

"En 29 ans, j’en ai vu changer des choses !", raconte Michèle, elle a fait toute sa carrière dans la même structure. Mais son métier a évolué.

"Au début on ne faisait que le ménage, puis on s’est peu à peu occupé des personnes, l’aide au lever, l’aide au coucher, la toilette, les changes, les repas... Il y a des personnes chez qui on se rend pour une heure de discussion, ou pour jouer aux jeux de société… Nos journées sont très variées."

Des rapports humains

Variées et actives. Michèle a un temps précis pour effectuer ses tâches, d’ailleurs elle bipe un QR code à son entrée et à sa sortie du domicile des bénéficiaires. Mais n’oublie jamais les petites attentions.

Après la toilette, elle coiffe André, la raie au milieu, c’est comme ça qu’il aime se voir. Il reste encore un peu de temps. Ils s’attablent, discutent. André parle de ses anciens métiers, de ses anciennes passions, la cuisine, le bricolage, la pêche… De cette retraite qu’il avait imaginée autrement.

Michèle l’écoute, et quand les regrets sont sur le point de l’emporter, discrètement, elle change de conversation, parle du rayon de soleil qui éclaire le salon… Puis il est temps de partir.

Michèle reprend sa voiture. Les personnes dont elle s’occupe habitent toutes Guéret. Il y a peu de distance entre chaque logement. Mais il lui arrive d’aller plus loin. Souvent au débotté. Car depuis quatre ans, Michèle est aussi auxiliaire de liaison. On peut l’appeler n’importe quand pour remplacer un(e) collègue. Parfois le matin de bonne heure, ou le soir tard. Elle s’adapte à toutes les situations. Mais pas le week-end. Elle ne travaille pas le week-end. C’est la contrepartie de sa grande disponibilité.

Un métier où il faut savoir s'adapter.

Michèle Surcq

Auxiliaire de vie

J'aime les rencontres

À la porte du domicile de Michelle, il y a un code à composer. Depuis six ans, à la suite d’une chute, Michelle est alitée. Nous entrons, et une voix accorte s’élève dans le salon "Attention au chat !".  Michelle regarde la télévision. France 3, en compagnie de Minette, sa chatte de huit ans, qui n’a jamais quitté l’appartement. C’est sa compagne.

Mais Michelle est loin d’être seule. Tous les matins, elle voit son fils. Il lui fait ses courses. Ses deux filles sont aussi très présentes dans sa vie. Et Michèle aussi. "Elle est gentille, elle travaille bien", dit-elle.

L’auxiliaire de vie s’occupe de l’hygiène de Michelle, de l’entretien de l’appartement, sort pour vider les poubelles, et propose à Michelle de choisir son repas à réchauffer. Ce sera une quiche. Michèle l’installe dans son lit. "C’est comme ça qu’elle préfère manger", dit-elle. Attentionnée. Pendant le repas, Michèle nettoie la cuisine, ne s’arrête jamais. Et ce n’est pas un problème.

J'aime aider et j'aime les rencontres.

Michèle Surcq

Auxiliaire de vie

"J’aime ce métier, m’explique-t-elle. Depuis vingt-neuf ans, je l’aime toujours autant. J’aime aider, et j’aime les rencontres." résume-t-elle.

 Et avant de quitter Michelle, elle n’oublie pas "Vous voulez une petite barre de céréales ?". "Je sais qu’elle les aime", me dit-elle. Et en effet. Michelle nous salue… et se régale.

Maintien à domicile

"Ça fait longtemps que l’on se connaît nous deux". C’est ainsi qu’Odette accueille Michèle. Odette vient de souffler ses quatre-vingt-onze bougies.

Michèle s’affaire en cuisine, fait le lit "un lit médicalisé, c’est pratique, comme ça, on ne se plie pas, c’est mieux pour le dos."

Chantal l’une des filles d’Odette est présente. Elle discute avec sa mère. Mais c’est Michèle qui s’occupe de l’hygiène intime. C’est son rôle, son métier.

Odette prend son repas.  Du museau, du poisson que Michèle a fait réchauffer. Car Odette ne se déplace plus. Elle est assise dans un fauteuil dans son salon. Des infirmiers s’occupent de son lever et de son coucher. 

C’est comme ça que l’on peut la garder à domicile, c’est son souhait.

Chantal

La fille d'Odette

L’heure de travail auprès d’Odette est terminée. Entre l’attention portée à la nonagénaire et l’entretien du logement, c’est allé très vite. Avant de partir, Michèle jette un dernier coup d’œil : la bouteille d’Odette est suffisamment remplie. La télécommande de la télé n’est pas loin. Elle ne manquera de rien.

Les difficultés

Odette est une femme gentille. On l’entend au timbre de sa voix. Mais ce n’est pas toujours comme ça. "On est parfois mal reçu, certaines personnes sont difficiles. Il faut prendre sur soi. S’adapter. Ce qui fait des dégâts, c’est l’alcool", confesse Michèle. "Mais si la personne est agressive, on repart."

Michèle est aussi confrontée à la maladie. Maladie de Charcot, d’Huntington, de Parkinson, d’Alzheimer.

Dans le centre de Guéret, elle sonne à une porte cochère. Au deuxième étage, la fenêtre s’ouvre. On nous lance les clefs.

Nous sommes chez Odette et Jean, quatre-vingt-six et quatre-vingt-huit ans. C’est Michèle, une de leur fille qui a lancé les clefs. Son frère vit au rez-de-chaussée. Avec ses deux sœurs, elle rend fréquemment visite à leurs parents. Toujours un œil sur eux ! Et pourtant, Michèle la fille est heureuse de voir Michèle, l’auxiliaire de vie, "elle est indispensable".

Elle est indispensable !

Michèle

Fille d'Odette et Jean

Michèle commence par s’occuper de la toilette des pieds de Jean. Il a été récemment opéré. "Je ne vous fais pas mal ? " s'inquiète-telle. Et elle en profite pour discuter "comment va votre épouse ? " Odette est endormie dans le salon. Elle a la maladie d’Alzheimer. "C’est pas régulier. C’est le soir qu’il y a le plus de dégâts", répond-il pudiquement.  Jean a besoin d’être épaulé. La maladie de sa femme l’a déstabilisé. Comme toute la famille.

Soulager les familles

"Ce que font les auxiliaires de vie, je ne pourrais pas le faire", dit Michèle la fille d’Odette et Jean, pourtant ancienne aide-soignante. "Avec ses propres parents, c’est pas la même chose, il y a la pudeur, et tout le reste. Et puis mon père aurait craqué depuis longtemps s’il n’y avait pas ces aides."

Michèle l’auxiliaire de vie est consciente de soulager cette famille : "on permet le maintien à domicile, c’est plus confortable pour tout le monde".  

Michèle s’occupe du linge, du repas, de la vaisselle. Odette s’éveille. Souriante. Je lui explique les raisons de ma présence, et elle me parle de Michèle : "Elle est mignonne, elle fait bien ce qu’elle doit faire."

Michèle lui propose de couper les pommes pour la tarte. Odette accepte. Mais ces gestes, tant de fois effectués, se sont envolés de sa mémoire.

Alors Michèle lui explique. Comment prendre le couteau, comment couper des quartiers, comment placer les morceaux de pommes sur la pâte. Odette s’applique. Et quand elle doit recommencer pour une autre pomme, Michèle lui réexplique. Encore. Puis la tarte part au four. Les cuisinières sont satisfaites. Mais nous ne goûterons pas la tarte car il faut repartir.

Difficiles recrutements

La journée de Michèle aura commencé à huit heures pour s’achever à dix-huit heures. Avec une pause pour le déjeuner à 14H45. Des horaires qui demandent beaucoup de souplesse et qui peuvent décourager certains candidats à l’aide à domicile.

Et d’ailleurs, il en manque. 60 000 en France, alors que les besoins sont de plus en plus nombreux. "Nous avons des postes que nous n’arrivons pas à pourvoir", explique Hervé Boomgaert, le directeur d’ALIAD (Association locale d'interventions à domicile), l’employeur de Michèle et 200 autres, aide à domicile dans les secteurs de Guéret, La Souterraine et Bonnat. "Nous proposons de nombreux avantages à nos salariés, comme le prêt d’une voiture, des formations, les salaires ont augmenté, et on peut choisir le temps partiel."

Le directeur envisage aussi une nouvelle organisation du temps de travail, pour permettre plus d’autonomie aux équipes, et fait des demandes de subvention pour acheter des exosquelettes, afin de faciliter le travail des auxiliaires de vie quand il faut déplacer une personne sans mobilité. 

Mais en dépit des efforts déployés, il reste toujours des postes à pourvoir, à Guéret, Saint-Vaury, Bussière-Dunoise. 

Un métier de lien

Et pourtant Michèle ne changerait de métier pour rien au monde. Elle aime ce lien. "On nous dit qu'il ne faut pas nous attacher, mais ce n'est pas possible", raconte-t-elle. Parfois, des personnes dont elle s'occupe meurent. Et parfois elle se rend aux obsèques "J'ai besoin de les accompagner jusqu'au bout."

Parfois aussi, elle est la seule personne que les bénéficiaires voient de leur journée. "Ça leur donne de la joie", dit-elle.

Et rien que pour ça, sa journée n'est jamais perdue.   

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