Le marché du CBD made in France cherche à se construire

Face à la concurrence étrangère, la ferme de Pigerolles en Creuse qui produit du CBD depuis 2017, a lancé une opération séduction auprès des buralistes haut-viennois. Une première pour construire ce marché en devenir.

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C’est un fait, même si le marché du CBD en France n’en est qu’à ses débuts (plutôt chaotiques - entre interdiction française, obligation européenne et le statut quo actuel), les produits dérivés du cannabis fleurissent un peu partout : huiles, tisanes, infusions, cosmétiques… Ils sont désormais vendus dans des boutiques spécialisées (« CBDshoop » en mauvais français), parapharmacies et autres magasins.
Pour les buralistes mis à mal par la hausse du prix des cigarettes, ce nouveau débouché commercial représente une opportunité. 

Jusqu’à présent c’était un produit relativement controversé. Mais maintenant, ça vient de partout et il y a pléthore de vendeurs ».

Laurent Baranger, secrétaire de la Confédération des buralistes de la Haute-Vienne.

Concurrence étrangère

Le hic, c’est qu’aujourd’hui la majorité de ces produits viennent de l’étranger. Résultat, peu de traçabilité et des normes difficiles à vérifier. «On a le cas d’un buraliste qui a fait analyser des produits qu’il avait reçus avant de les commercialiser et il s’est retrouvé avec des fleurs à plus de 5% de THC, raconte Jérémy Gaillard, responsable production du chanvre à la Ferme Bio de Pigerolles. Donc clairement avec ce taux, on est sur du stupéfiant et comme les produits venaient de l’étranger, la personne aurait pu être accusée de trafic international de stupéfiants».

Face à cette concurrence étrangère et bon marché, la ferme pionnière de Pigerolles a donc décidé de jouer la carte de la transparence et de la qualité. Huit buralistes de la confédération de la Haute-Vienne ont été invités à visiter les lieux pour comprendre les secrets de la production du CBD : respect des taux (pas plus 0.3% de THC, la substance psychotrope du cannabis), rendement, odeur… Objectif : rassurer ces professionnels qui vendront peut-être un jour ces produits made in Creuse.

La zone grise française

Peut-être. Car pour l’instant, les producteurs et transformateurs français se heurtent encore à une réglementation : « Actuellement, on est dans une zone grise, explique Jouany Chatoux, gérant de la ferme de Pigerolles et porte-parole de l’A.F.P.C (Association française des producteurs de cannabinoïdes). Il est plus facile de vendre des produits européens (considérés comme légaux par la Commission européenne NDLR) que des produits français qui n’ont pas encore de cadre légal». Idem pour la transformation qui n’est également pas réglementée.

Pour la ferme creusoise et l’ensemble de la production française, la transformation et la vente des produits dérivés du cannabis restent compliquées : 

On ne peut pas vendre sur internet, car les sites européens refusent les produits à base de CBD. C’est pareil pour les prêts bancaires, tout doit donc se faire en autofinancement.

Jouany Chatoux, porte-parole de l’AFPC

Conséquence, une filière qui vivote et la crainte pour ces précurseurs que ce nouveau marché soit finalement accaparé par les grands producteurs : « La France se dirige vers une interdiction de la fleur naturelle et des extraits naturels (c’est le cas du décret actuellement suspendu par le Conseil d’Etat), pour autoriser uniquement la molécule pure. Cette molécule ne s’obtient que par extraction chimique et elle ne pourra être faite que par les gros laboratoires ou l’industrie agro-industrielle ». L’objectif aujourd’hui pour les petits producteurs et transformateurs de CBD français est donc de rallier le plus de monde possible à leur cause.

L’avenir de cette filière et sa réglementation seront au cœur l’assemblée générale des producteurs français qui se tiendra les 16 et 17 juillet 2022 à Pigerolles.

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