Les fleurs et les feuilles brutes de CBD (molécule non psychotrope du cannabis) sont interdites à la vente en France, selon un arrêté paru le 30 décembre 2021 au Journal Officiel. Une décision qui provoque la colère et l'incompréhension des producteurs creusois qui vont déposer un recours collectif.
Les fleurs et les feuilles brutes de CBD (molécule non psychotrope du cannabis) sont désormais interdites à la vente en France, selon un arrêté paru le 30 décembre 2021 au Journal Officiel. Une décision qui provoque la colère et l'incompréhension des producteurs creusois. "La France se met une nouvelle fois dans l'illégalité par rapport à la législation européenne" réagissait le producteur creusois Jouanny Chatoux dès le 31 janvier 2021.
Les fleurs de CBD en vente chez les buralistes, biocoop et autres "CBD shops", c'est terminé. Le marché était pourtant plus que prometteur et en début de chaîne, ce sont les producteurs comme Jouanny Chatoux, de la ferme de Pigerolles, qui se retrouvent avec leur récolte sur les bras. Des sacs, sachets ou bidons qui contiennent un potentiel de 700 000 euros de chiffre d'affaire sont réduits à néant et l'exploitation est en danger. "Cinq personnes travaillent ici normalement, explique-t-il, des jeunes du territoire dont c'est le premier emploi et ils sont maintenant au chômage technique".
Une pétition en ligne a été lancée afin de réclamer l'annulation de cet arrêté qui interdit la fleur de chanvre. Les associations de producteurs, professionnels et consommateurs préparent également un recours collectif.
Cet arrêté, on le considère comme illégal et on va le combattre en déposant un recours collectif. Si l’arrêté en reste là, la ferme de Pigerolles, c’est terminé. L’activité n’est pas viable, ni pour moi ni pour mes collègues agriculteurs.
Jouanny Chatoux, producteur de CBD à la ferme de Pigerolles
Cet arrêté permet pourtant la culture du CBD mais seulement pour l'extraction de la molécule, une extraction qui n'existe pas en France. En outre, il prive les agriculteurs de toute liberté de choix de semence et de méthode. "On ne sera jamais en capacité de lutter contre nos voisins européens, explique Jouanny Chatoux. On n'aura pas le choix dans les variétés, on nous impose les techniques de culture, on ne sera jamais compétitifs, il n'y aura donc jamais de filière française !"
Pour le député LREM de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, cet arrêté est incohérent et il ne peut pas tenir face à la législation européenne.
C’est totalement incohérent, c’est du dogme à l’état pur : on voit bien que c’est très fortement inspiré par le Ministère de l’intérieur. On entretient la confusion entre CBD et drogue.
Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse
Rapporteur d'une mission parlementaire sur l'usage du cannabis, Jean-Baptiste Moreau explique :"Le CBD est un complément alimentaire, un relaxant musculaire, ce n'est pas une drogue. Interdire la vente de la fleur c'est ridicule car la principale forme de consommation c'est la tisane, il faut donc la fleur ou la feuille".
De nombreuses réactions fustigent la méconnaissance du législateur
"Interdire les feuilles et les fleurs de CBD c’est comme bannir le Champomy par peur de le confondre avec du champagne" indiquait l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot le 4 janvier 2022 dans une chronique sur France Inter.
Originaire de Limoges, le journaliste et rédacteur en chef du magazine Regards Pierre Jacquemain se désolait également de cette décision, expliquant que le CBD avait changé la vie de sa mère qui souffre de spondylarthrite ankylosante : "Plus de dix ans que ma mère souffre intensément, indique-t-il. Qu’elle passe ses nuits à hurler sa douleur. Je ne souhaite à personne d’assister un jour à pareilles scènes. Impuissant. Aucun traitement ne l’a jamais soulagée. L’usage du CBD a changé sa vie".
S'il reste en l'état, cet arrêté profitera aux agro-industriels qui guettent ce marché juteux, il profitera également au marché noir qui va récupérer des millions de consommateurs à moins que le conseil constitutionnel, sollicité par le syndicat des producteurs, en invalide le fondement. Sa réponse est attendue pour le 7 janvier 2022.