Les attaques de troupeaux par le loup se sont multipliées en Limousin. L'arrivée du grand prédateur dans la région est une réalité difficile à vivre pour le monde agricole, en particulier pour les éleveurs de moutons. Cohabiter ou non avec le loup ? La question se pose désormais dans la Creuse, la Corrèze et la Haute-Vienne.
Comment faire cohabiter l'élevage avec le loup ? La question se pose de manière urgente en Limousin, car depuis décembre 2021, les attaques de troupeaux se sont multipliées.
Les éleveurs ovins sont de loin les plus touchés, avec des dizaines de bêtes tuées, mais la crainte est présente aussi chez les éleveurs de bovins, car le loup s'attaque également aux veaux.
Les conséquences dans les élevages sont larges et plus complexes que le décompte du nombre de bêtes tuées. Les troupeaux sont stressés, tout comme les éleveurs touchés, qui font face, souvent seuls, aux conséquences de ces attaques.
En Limousin, la production ovine est pour une bonne part tournée vers un élevage en extérieur, avec beaucoup d'éleveurs engagés dans des filières qualité, Label Rouge ou Agneau Baronet du Limousin. L'installation du loup de manière permanente est un casse-tête insoluble pour ces producteurs.
Les représentants de la Coordination Rurale ont les 1ers donné leur point vue sur ce qu'il convient de faire : tuer les loups. L'animal est protégé par la convention de Berne, il est interdit de ce fait de le détruire, mais c'est pourtant la solution que met en avant Florian Tournade, le président de la CR en Creuse : "Le poison et le plomb. Nous on invite les agriculteurs à prendre leurs fusils de chasse, et quand ils voient un loup, c'est de le tuer."
Côté FNSEA, aucun annonce de la sorte, mais le syndicat refuse également la cohabitation. Pascal Lerousseau, président de la Chambre d'agriculture de la Creuse, dont le propre troupeau de mouton a été attaqué par le loup pose la question : "L'arrivée du loup n'est pas compatible avec l'élevage sur ce territoire. La seule question que j'ai à poser c'est : Est-ce que nous voulons de l'élevage en Limousin ?"
Pascal Lerousseau met en avant l'aspect économique avec un coût trop élevé pour que les exploitations adoptent des mesures de protection contre le prédateur : clôtures, chiens de défense et obligation de parquer les moutons pour la nuit.
Il ajoute : "Si le loup doit s'installer en Limousin ce sera tout simplement la fin de l'élevage" "On doit être en mesure de de faire des prélèvements, on doit limiter la progression du loup "
Sur cette question des tirs ciblés pour tuer certains loups, Adrien Raggenbass, éthologue (spécialiste du comportement animal) est également d'accord. Son association a travaillé sur les prédations en Limousin et il explique les éleveurs doivent pouvoir supprimer des animaux. Il s'appuie sur le modèle américain, qui préconise, pour pouvoir cohabiter avec le loup de s'appuyer sur "quatre piliers essentiels :
- Il faut une présence abondante de gibier, on maintien les ongulés sauvages
- Que les propriétaires d’animaux de rente soient autorisées à se défendre en cas d’attaque
- un système de compensation qui rende viable les activités d'élevage
- Un programme de suivi scientifique "
Un point de vue que ne partage pas le naturaliste Pierre Rigaux, qui estime que tuer un loup ne résout rien, qu'il faut laisser une place à ces animaux, comme c'est déjà le cas dans les Alpes :
"Ca fait 25 ans qu’il y a des loups qui vivent, qui sont installés dans le sud-est de la France, ça fait 25 ans que les éleveurs tant bien que mal et avec beaucoup de difficultés parviennent complètement à cohabiter. Quand il y a volonté de s’adapter, avec l’aide qu’il faut des pouvoirs publics ça fonctionne. Si on commence à dire les loups j’en veux bien ailleurs dans le monde mais pas sur mon territoire, tout le monde peut dire ça et à la fin il n’y a plus de loup nulle part."
Nicolas Aubineau, éleveurs de moutons en Creuse, pense également qu'il est possible de cohabiter avec le prédateur, mais que les agriculteurs n'ont pas à assumer seuls :
"Il faut une prise de conscience collective, et j’estime que l’Etat n’a pas rempli son rôle, quand on savait que le loup allait arriver, il faut former les éleveurs, il faut qu’on s’adapte, qu’on accepte ce qui nous entoure mais il va falloir que l’Etat prenne ses responsabilités car un [chien[ Patou c’est un coût, c’est une formation et c’est du temps."