Ces derniers jours, des dizaines de dauphins se sont échoués sur les plages atlantiques, mortellement blessés lors de captures accidentelles. Un phénomène de plus en plus fréquent ces dernières années. La survie de l'espèce est en jeu pour les scientifiques de l'observatoire Pélagis.
En cette fin d'hiver, les alertes se multiplient le long du littoral. Des promeneurs, des ramasseurs de coquillages préviennent lors de leurs macabres découvertes : des carcasses de dauphins s'échouent sur le littoral de l'Océan Atlantique. A Oléron tout d'abord, mais également en Aquitaine : un corps sans vie a été signalé au Verdon, cinq à Soulac, trois à Hourtin… La liste des communes touchées se poursuit ensuite de Naujac à Saint-Jean-de Luz au Pays basque.
Vingt-cinq dauphins en quelques jours
Au total, ce sont 25 dauphins morts, poussés par la grande marée, qui ont été retrouvés échoués sur la plage. Mais la liste risque de s'allonger. " Le beau temps de dimanche a incité les promeneurs à se rendre sur la plage et à remarquer ces dauphins. Nous allons poursuivre nos vérifications dans certaines zones qui n'ont pas fait l'objet de signalements, afin de poursuivre le recensement", précise Willy Dabin, ingénieur d'études, en charge du suivi des échouages au sein de l'Observatoire Pelagis.
Près de 600 dauphins retrouvés morts depuis janvier
Situé à la Rochelle, ce laboratoire centralise d'importantes données sur les mammifères et oiseaux marins. Et constate ces dernières années une importante augmentation du nombre de cétacés échoués sur les plages de l'Atlantique.
Depuis six ans, chaque année, nous battons le record de l'année précédente. Et nous sommes bien partis pour le battre à nouveau cette année : en février, nous avions déjà dénombré 580 dauphins morts sur nos côtes depuis le début de l'année.
Victimes de la pêche au filet
Les dauphins retrouvés échoués ne sont pas décédés de mort naturelle. "Ils présentent des blessures, voire des amputations, caractéristiques d'une capture accidentelle et d'une mortalité traumatique", poursuit Willy Dabin.
En ligne de mire : la pêche au filet et la pêche au chalut pélagique, qui piège les dauphins. "En ce moment, on pêche le bar, qui poursuit les mêmes proies que les dauphins, explique Willly Dabin. Les accidents sont nombreux. De même la pêche au merlu se pratique avec des filets que le dauphin ne peut pas détecter. Ce qui explique pourquoi il se retrouvent aussi souvent dedans".
L'inaction du gouvernement est également pointée du doigt. "Malgré une bonne connaissance de la problématique, malgré la médiatisation de la situation, en France, on privilégie l'observation. La seule action concrète a été la mise en place de Pinger, note Willy Dabin. Certes, ces répulsifs sonores montrent une certaine efficacité, mais on voit bien que cela ne suffit pas".
La survie de l'espèce est en jeu
Or, il y a urgence à agir. Il est difficile de chiffrer avec précision le nombre de dauphins dans le golfe de Gascgogne, estimé entre 90 000 et 170 000 individus. Mais dans la mesure où on estime que seuls 10 % des dauphins tués par des pêcheurs reviennent sur les côtes, le taux de mortalité de l'espèce dépasse le seuil fatidique de 1,7%, au-delà duquel la survie de l'espèce est en jeu.
"Le niveau de prélèvement est trop important pour la population. Elle ne peut pas le supporter. Nous avions fait il y a dix ans une modélisation, qui prévoyait la disparition de l'espèce d'ici cinquante ans", souligne Willy Dabin.
Parmi les recommandations de l'observatoire : l'interdiction de la pêche dans certaines zones, et à certaines périodes afin d'éviter ces captures accidentelles.
La proposition se heurte inévitablement à l'opposition des pêcheurs. Pourtant, la pêche durable leur serait bénéfique, estime Willy Dabin. "Au-delà de la problématique des dauphins, le modèle productiviste dans lequel nous nous trouvons pose des problèmes à moyens termes pour le stock des poissons.
On se retrouve face à la même problématique que l'agriculture qui, après avoir misé sur l'industrialisation pendant cinquante ans, essaie de faire machine arrière".
"Ce productivisme est aussi néfaste à l'économie des pêcheurs dont le prix du poisson baisse quand il est pêché en trop grande quantité", rappelle-t-il.