L'Agence Régionale de Santé a mis à jour sa liste des communes qui bénéficieront d'aides pour attirer les médecins. Un nouveau zonage qui soulage les Deux-Sèvres, mais déçoit la Charente.
Elles se seraient bien passées de ce trophée, ces communes virant à l'orange sur la nouvelle carte de l'Autorité régionale de Santé. "Entrer en ZIP, résume Patrick Baudry, maire de Saint-Maixent-l'Ecole, veut dire que l'on est dans une situation catastrophique. Mais c'est un atout supplémentaire pour essayer de remédier à cette désertification médicale."
ZIP, pour zone d'intervention prioritaire. À ne pas confondre avec les ZAC (zones d'action complémentaires), les TVS (territoires vie-santé), les ZRR (zones de revitalisation rurale), les AFR (zones à finalité régionale) ou même les ZFU-TE (zones franches urbaines-territoires entrepreneur)... Autant d'acronymes pleins de bonne volonté pour revitaliser les territoires, comme un salmigondis d'aides substantielles devant convaincre les jeunes médecins de s'éloigner des grandes villes : contrat à l'installation, enveloppe de 50.000 euros ou exonération durant 5 ans d'impôt sur le revenu...
On planche depuis 2 ans avec l'ARS qui fait des études de démographie médicale, ils ont un ratio et font entrer ou sortir les communes... Qui se retrouvent en concurrence.
Stéphane Baudry, maire de Saint-Maixent-l'Ecole
Saint-Maixent vient donc d'entrer dans cette zone d'alerte, avec ses 8 médecins pour 20.000 habitants. Tant pis pour ses voisines qui ne bénéficieront pas de la manne, "oui cette ZIP est un plus financier," concède Patrick Baudry. Qui voit dans le choix de l'ARS, un soutien à ses efforts : la commune s'est alliée à une quarantaine de professionnels de santé regroupés en association, pour "créer une maison de santé innovante, aux pratiques un peu différentes, en étant attractifs."
Ses voisines Parthenay, La Motte-Saint-Heray, viennent elles aussi d'être classées ZIP, dans un vaste désert médical qui s'étend jusqu'à Thouars. "Et Melle, s'inquiète Patrick Baudry, ils y sont ? Parce qu'il y aurait un vrai besoin aussi..." Melle n'y est pas. Pas plus que Ruffec, Mansle, en Charente, ou Confolens qui était ZIP dans la dernière version de la carte il y a 3 ans.
"On pourrait classer toute la Charente en ZIP", soupire le président de son Conseil Départemental, "voire toute la France".
Cherche médecins désespérément, c'est tout le territoire !
Philippe Bouty, président du Conseil Départemental de Charente
Confolens a perdu son label puisqu'il dispose désormais d'une maison de santé hospitalière, "petit pansement qui ne va pas cautériser la plaie", résume Philippe Bouty. Même punition pour la commune limitrophe de Chabanais, dont le maire Claude Baron n'a pas pu en discuter avec l'ARS : "ils nous ont justement informés qu'ils nous radiaient. On va être dans une situation difficile, d'autant qu'on a deux médecins qui approchent de la retraite. Il en reste un qui vient faire quelques demi-journées par semaine, et une médecin arrivée du Cap Vert", justement grâce aux aides ZIP.
Encore faut-il parvenir à installer ces médecins, quand ils viennent de l'étranger : plus d'un an de procédure pour cette médecin cap-verdienne avant que son diplôme ne soit reconnu... Le Conseil Départemental de Charente avait pour projet de faire venir plusieurs soignants de Cuba mais là aussi, leur dossier est bloqué, soupire Philippe Bouty : "on est face à un mur ! Et je ne vous parle pas de tous ces établissements publics de santé (EPCI) qui ont réalisé de gros investissements et se retrouvent avec des coquilles vides, parce qu'il faut 2 médecins minimum pour être agréé et qu'ils n'en ont qu'un. "
Restent les petites structures hospitalières pour assurer les soins, à défaut d'attirer les médecins généralistes - c'est ainsi que se console Patrick Baudry : "nous, au moins, on a un excellent maillage grâce à notre hôpital général et ses 5 centres de proximité, que beaucoup de départements peuvent nous envier".
3,74 millions de Néo-Aquitains (62,8 %) sur les 5,9 millions que compte la région bénéficient du nouveau zonage, soit 720 000 habitants supplémentaires (+ 12 %) par rapport au précédent zonage de 2018.
ARS de Nouvelle Aquitaine
L'ARS de Nouvelle Aquitaine détaille, département par département, ce qui a motivé cette nouvelle cartographie. Avec l'accent mis pour la Vienne, sur Châtellerault et Lussac-les-Chateaux ; pour les Deux-Sèvres, des projets salués dans le bocage bressuirais, ou la Gâtine. Dans ce département, la majorité des élus et professionnels "consultés ont donné un avis favorable", insiste l'autorité régionale de Santé... Quand en Charente, indique le maire de Chabanais, "l'ensemble des élus a refusé cette nouvelle répartition". Confirmation du président du Conseil Départemental : "on a tous co-signé un courrier à l'ARS, ce zonage ne nous convient pas du tout ! Mais on n'a pas reçu de réponse."
De toutes façons, conclut Claude Baron, "ce n'est pas une carte de zonage qui va tout régler : on appelle l'université à la rescousse, mais la pénurie va encore s'accentuer avec le nombre de médecins qui partent en retraite ! C'est cela aussi, qui fait monter les extrêmes".