Alors que le syndicat agricole tient son congrès national à Niort, près de 400 opposants aux projets de "bassines" se sont rassemblés en centre-ville avant de converger avec tracteurs et moutons vers un des chantiers contestés en cours de construction. Deux gendarmes ont été légèrement blessés.
"Les bassines, c’est pour éteindre les feux de forêt ?"
Sur le stand d’information du collectif "Bassines Non Merci", Fabienne tente de faire de la pédagogie auprès des passants curieux de cette joyeuse manifestation sur la place de la Brèche. Animatrice dans un centre social, elle habite à Mauzé-sur-le-Mignon. C’est dans ce village des Deux-Sèvres que les travaux de creusement de la première des réserves de substitution ont débuté il y a deux semaines. Le cours d'eau, le Mignon, Véronique, l’a vu se tarir au fil des années, toujours de plus en plus tôt et retrouver son étiage toujours de plus en plus tard. Elle a rejoint le collectif des "BNM" en 2019.
Les gens pensent que les bassines vont se remplir avec l’eau de pluie, alors que c’est complètement faux.
"Les gens pensent que ces bassines vont se remplir avec l’eau de pluie, se désole Fabienne, alors que c’est complètement faux."
Elle poursuit : "Autour d’une bassine, il y aura tout un système de tuyauterie pour pomper l’eau dans les nappes et la redistribuer pour irriguer les champs. Une bassine comme ça, il faut presque deux mois en pompant nuit et jour pour la remplir. En plus, cette eau puisée et stockée dans ces bâches en plastiques ne sera plus potable".
"Ils vont nous pomper l’eau !" Juchés sur une remorque avec banjo, saxo et guitares, les « English Variants », la fanfare du mouvement, entonnent l’hymne des quelques 400 manifestants du jour. Commence alors un tour d’honneur de la vingtaine de tracteurs des agriculteurs de la Confédération paysanne qui ont fait le déplacement.
La FNSEA est toujours dans des pratiques qui mettent à mal l’environnement, la ressource, la biodiversité qui ne répondent pas aux besoins des paysans.
La veille, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, avait ouvert le congrès national du syndicat en présentant ses 1200 adhérents comme des "écologistes experts inquiets du changement climatique". Évidemment, l’expression ne peut que faire sourire, jaune, Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne.
"Ils mettent un petit coup de peinture verte sur la plupart de leurs discours mais ils ne changent pas leurs pratiques, explique le syndicaliste. On est toujours dans des pratiques qui mettent à mal l’environnement, la ressource, la biodiversité et qui, en plus, ne répondent pas aux besoins des paysans en termes de revenus et de renouvellement des générations. Les paysans ne sont pas valorisés avec une perte de sens de leur métier et la terre sur laquelle on travaille. On est en train de l’épuiser. Donc, oui, ça me fait sourire."
Au menu du pique-nique "improvisé" sur la pelouse de la Brèche : fondue de poireaux, soupe de pois cassés, œufs durs et betterave.
Attablé à l’ombre, Christian Jouault, président du collectif des victimes des pesticides de l’ouest, déguste les spécialités locales. Ancien agriculteur conventionnel installé près de Rennes, il a contracté un cancer il y a quelques années avant de se reconvertir vers la production de lait bio. Le combat des bassines, c’est aussi le sien aujourd’hui.
Le citoyen, s’il ne se révolte pas, bientôt, il n’aura plus d’eau à son robinet.
Le conventionnel, "c’est une agriculture qui ne nous convient pas du tout, explique le Breton. 'La céréalisation', comme ils disent de toutes les terres, c’est de la place perdue pour une agriculture protectrice de la nature, faite de bocages et de prairies. C’est surtout une agriculture bourrée de pesticides qui va polluer l’eau".
"Le citoyen, s’il ne se révolte pas, bientôt, il n’aura plus d’eau à son robinet, renchérit Patrick, son voisin de table poitevin. Quand je vois que c’est cautionné par l’Agence de l’eau, ça me fout les boules parce que je paye pour quelque chose que je ne veux pas et ça, c’est lamentable".
Le parlement européen dit que la France est déjà sous le coup de procédures et de relevés d’infractions sur six directives, que ce dossier vient leur confirmer beaucoup de choses.
Occupation d'une bassine
En début d’après-midi, les manifestants ont pris la route de Mauzé-sur-le-Mignon (79). Le lieu de convergence avait été tenu secret jusqu’au dernier moment, un secret bien mal gardé.
Sur place, vers 15h30, ils sont plusieurs centaines à se retrouver devant la première des seize bassines prévues par les irrigants du département. Tous sont confortés par les dernières décisions de la Commission européenne qui avait été saisie en janvier dernier par le collectif "BNM".
"Le parlement européen dit que la France est déjà sous le coup de procédures et de relevés d’infractions sur six directives, que ce dossier vient leur confirmer beaucoup de choses et qu’ils demandent qu’on leur fournisse de nouvelles pièces, se réjouit Julien Le Guet, un des porte-parole du collectif "Bassines Non Merci". Ça renvoie donc à la responsabilité de la France qui a le devoir d’appliquer le droit européen. L’Europe a envoyé un courrier à l’État français qui avait trois mois pour répondre. Ils n’ont même pas répondu ! Ça, ça en dit long. Ils savent qu’ils sont en infraction, ils font la sourde oreille, ils jouent la montre et ils sont dans le déni".
Deux blessés légers
En fin d'après-midi, la tension était palpable entre les manifestants et les forces de l'ordre présentes sur le terrain.
Alors qu'environ 250 manifestants occupaient le site, avec pour objectif de bloquer la construction, des manifestants isolés ont tagué quelques engins de chantier. Les gendarmes des deux compagnies de gardes mobiles présentes ont lancé du gaz lacrymogène pour disperser la foule entrée avec tracteurs et moutons. Les organisateurs ont demandé aux manifestants de se retirer dans le calme.
Les quelques échauffourées ont fait deux blessés légers parmi les gendarmes.