Le Procureur de la République de Rennes, Philippe Astruc, lance un appel à témoin et annonce le dépôt d'une troisième plainte contre les forces de l'ordre pour "violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité, par personne dépositaire de l'autorité publique".
Lors d'une conférence de presse, le Procureur de la République de Rennes, Philippe Astruc indique que, les quatre procédures venues de Niort (deux annoncées la semaine dernière, et deux ce lundi) concernent les victimes les plus atteintes. Ces procédures sont instruites par le tribunal militaire de Rennes, juridiction compétente pour apprécier la légalité des actions des gendarmes lors de leurs interventions. Sachant que les procédures des violences contre les forces de l’ordre et celles concernant la manifestation interdite restent à la charge du parquet de Niort.
Quatre victimes dans un état grave
Après avoir adressé aux victimes et à leurs familles des vœux de guérison, il redonne les détails des quatre blessés les plus graves.
Le premier individu est né en 1990 (33 ans). Le certificat médico-légal délivré indique un traumatisme crânien grave ainsi que la fracture d'une vertèbre. Son ITT (Incapacité totale de travail) sera très probablement supérieure à 100 jours. Le pronostic vital de cette victime est toujours engagé à l'heure où nous écrivons ces lignes. Il citera le travail de nos confrères de Libération qui ont publié une enquête (photos et vidéos à l'appui) qui démontre le probable lien avec le choc reçu par une grenade lacrymogène. Tout en précisant que c'est une hypothèse de travail, mais nullement une certitude. Il ajoute que des cailloux ont été retrouvés dans les poches de ce manifestant.
La deuxième victime est née en 1988. Elle souffre d'une hémorragie méningée diffuse, avec un hématome sur la face latérale du cou et une fracture du crâne. Le médecin conclut que ces lésions sont compatibles avec un mécanisme contondant (choc reçu). Le procureur précise qu'à ce stade de l'enquête, il est impossible de déterminer l’agent vulnérant. L'incapacité totale de travail de cette personne est fixée à 100 jours. D’après l’avocate de sa famille, il serait sorti du coma, et aurait terminé sa phase de réveil, sans qu’il puisse, à ce stade, évaluer d’éventuelles séquelles. Il a été retrouvé sur ce manifestant au moment de son hospitalisation un objet artisanal d’artifice.
Pour chacune de ces deux victimes, une plainte contre X a été déposée pour tentative de meurtre et entrave volontaire à l’arrivée des secours et une seconde plainte pour violation du secret professionnel et détournement d’informations contenues dans un fichier de leur finalité.
La troisième victime est née en 1995. Elle possède des ecchymoses et un traumatisme au pied gauche, ainsi qu'un fracas osseux qui pourrait être compatible avec le "blast" d’une grenade de désencerclement d’après le médecin légiste. Une ITT (Incapacité totale de travail) provisoire est fixée à un minimum de 60 jours, avec un risque de mutilation permanente.
D'autre part, une plainte pour violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente et avec arme a été déposée.
La quatrième victime, née en 2003, présente un polytraumatisme facial important et des blessures aux jambes. Son ITT est estimée à 100 jours. Elle n'est pas en état de parler à cause de l'immobilisation de sa mâchoire par les médecins.
Le procureur indique que ces manifestant-e-s n’ont pas, ou peu, d’antécédents judiciaires. Il diligente pour l'instant une enquête de parquet. Néanmoins, il n'exclut pas l’ouverture d'une information judiciaire dans un deuxième temps. Il précise les qualifications retenues : violences ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours par personne dépositaire de l’autorité publique et non-assistance à personne en danger. Ces qualifications sont susceptibles d’évoluer, selon l'état de santé des victimes et les éléments de l'enquête.
VIDEO - Le procureur de la République de Rennes lance un appel à témoins afin de collecter toutes images pouvant aider l'enquête.
Le parquet de Rennes lance un appel à témoins
Le procureur précise la saisie des communications ainsi que des multiples vidéos (plus de 300) des gendarmes, témoins….
La première étape des investigations consistera à déterminer avec précision l’origine des blessures. Elle permettra de rechercher des témoins directs (via un appel à témoins lancé ce jour). Il invite donc celles et ceux qui pourraient disposer de vidéos à en communiquer une copie via ce mail : iggn.saintesoline@gendarmerie.interieur.gouv.fr.
En toute transparence, le procureur indique que les analyses balistiques chimiques sont confiées à des professionnels indépendants. Elles seront confirmées, en lien avec l’action de la gendarmerie.
Une audition des chefs d’escadron de la gendarmerie sera organisée avec remise de tous les échanges radios et des compte-rendus établis pour l’occasion. Ces investigations sont confiées à l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) plutôt qu'à la section de recherches de Poitiers, afin de mettre plus de distance et d'impartialité dans l'enquête.
Il ajoute qu'il dirige cette enquête et qu'il en est le seul responsable.