Violences après la mort de Nahel : "Niort avait été épargnée jusqu'à présent, mais on craignait que cela ne dure pas"

La préfecture des Deux-Sèvres a connu sa première nuit de violences urbaines dans la nuit du vendredi 30 juin au samedi 1er juillet. Une soixantaine d'individus ont incendié et dégradé plusieurs commerces ainsi que la mairie dans le quartier du Clou-Bouchet à Niort.

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Les violences qui secouent depuis trois jours de nombreuses grandes villes en France et en Nouvelle-Aquitaine, en réaction à la mort du jeune Nahel en région parisienne, s'étendent désormais à des municipalités jusqu'ici épargnées. Et peu habituées à faire la une des médias pour ce genre de faits. 

Ainsi, Niort a connu hier soir sa première nuit d'émeutes. Un peu après minuit, le Clou-Bouchet, l'un des trois quartiers prioritaires de la ville, s'est embrasé durant plusieurs heures. Des voitures ont été incendiées, la mairie dévastée et des commerces vandalisés par plusieurs dizaines de pillards qui ont affronté les forces de l'ordre jusqu'à ce que ces dernières reprennent le contrôle de la situation, vers trois heures du matin.  

"Ils étaient très organisés, connaissaient très bien le quartier, ils avaient une stratégie et des meneurs" analyse le maire de la ville. Jérôme Baloge était sur place, il raconte avoir vu "une cinquantaine à une centaine de jeunes hommes, cagoulés pour beaucoup et vêtus de noir". Aucun n'a pu être interpellé, ni identifié. "Ils se sont défoulés sur des bâtiments publics, se désole l'élu, et sur une mairie de quartier, là même où l'on rend service aux habitants." 

"Complètement abasourdi"

Installé depuis plusieurs années dans la galerie commerciale située au pied des barres d'immeubles, Benoit Petit découvre ce qu'il reste de son salon de coiffure. Toute la vitrine est tombée. Sous le choc, il peine à trouver les mots. "Je suis stupéfait, je n'y comprends rien, je n'ai pas d'explication" souffle-t-il. 

Il n'y avait aucune valeur dans mon salon. Tout est saccagé. C'est un acte totalement gratuit. Je suis complètement abasourdi.

Benoit Petit, commerçant à Niort

France 3 Poitou-Charentes

Un peu plus loin, l'opticien constate lui aussi les dégâts. Sa vitrine a volé en éclats. Son fonds de caisse a disparu. Les émeutiers se sont servis sur les présentoirs. Il n'a pas encore chiffré les dégâts. 

Dans ce quartier confronté depuis plusieurs années au trafic de stupéfiants, le calme est à présent revenu. Les habitants - ils sont ici près de 3 000 - regardent, incrédules, les quelques carcasses calcinées de véhicules qui n'ont pas encore été enlevées. 

L'un d'eux raconte. Les explosions causées par les premiers tirs de mortiers, les cris de peur de ses enfants et sa sortie vers 2 heures du matin "pour bouger (sa) voiture" par crainte des incendies. "J'en ai besoin pour travailler, vous comprenez". Puis il ajoute : "Ce quartier devient de plus en plus risqué. Il y a trop d'insécurité. Je vais chercher à déménager, je ne veux plus rester." Alors qu'il s'exprime face à la caméra de notre équipe composée d'Alain Darrigrand et Cyril Paquier, un passant l'interrompt et lance : "Merci la justice pour la protection, on n'a vu personne cette nuit."

Une trentaine de policiers assistés de renforts de gendarmerie étaient pourtant déployés. "Deux fois plus que d'ordinaire" assure la préfète des Deux-Sèvres. Dans la nuit, un centre opérationnel départemental avait été mis en place pour coordonner l'ensemble des forces de l'ordre et de secours à pied d'œuvre dans le quartier.  

Ces moyens étaient-ils suffisants ? "Ils étaient proportionnés à la nature du risque que l'on connaissait" argumente Emmanuelle Dubée qui redoute de nouveaux débordements à venir. "J'appelle chacun à rester chez soi" ajoute la représentante de l'État, précisant que des moyens seront à nouveau déployés ce samedi soir pour tenter de contenir la propagation du phénomène.

Contagion

"Niort avait été épargnée jusqu'à présent, mais on craignait que cela ne dure pas, considère Jérôme Baloge, il n'y avait d'ailleurs aucune raison que l'on ne soit pas touché." Comme Châtellerault, Agen et d'autres villes de province d'ordinaire "calme". 

"Le point commun à toutes ces petites villes moyennes, c'est un contexte général de précarité et une forme de désarroi social, analyse Adrien Ostolski. "Châtellerault par exemple, qui a subi de plein fouet la désindustrialisation, affiche l'un des taux de pauvreté et de chômage parmi les plus élevés de la région." 

Rien d'étonnant donc pour ce sociologue poitevin, chercheur au centre Émile Durkheim à l'université de Bordeaux, que "ce phénomène émeutier se propage depuis l'Île-de-France, c'est le même terreau sociologique et les mêmes problématiques socio-économiques que l'on soit à Agen ou à Aubervilliers, même si cela n'a pas la même intensité bien sûr." 

Le fait que ces émeutes se propagent dans toute la France est aussi à rechercher, selon lui, dans ce "fort sentiment de cohésion commun aux habitants de ces grands ensembles urbains". Comme l'impression "d'un destin partagé" avec le jeune homme tué dans les Hauts-de-Seine. "Cela leur parle. On a touché quelqu'un à Nanterre, mais cela aurait pu être nous, puisqu'on vit la même chose, la même discrimination, et qu'on a les mêmes rapports avec les forces de l'ordre" détaille encore Adrien Ostolski.

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