Le poids des mots, le choc des photos : un supplément massif a été glissé dans le dernier magazine du Conseil Départemental de Dordogne. Un plaidoyer au vitriol pour la défense du contournement de Beynac, la riposte promise par Germinal Peiro après l'invalidation de son chantier par la justice
Nous voulons informer les habitants de la Dordogne sur la réalité des choses. C'est pourquoi on a fait un supplément à "Vivre en Périgord" et puis c'est pourquoi nous ouvrons le chantier à la visite [...] avec des agents du département qui présentent le projet, et qui disent où en est la situation.
24 pages luxueuses, format A4, sur papier glacé. Le "supplément" au magazine Vivre en Périgord n° 60 en date d'août-septembre 2020 n'y va pas de main morte. Une avalanche d'arguments étayés par une soixantaine d'illustrations, une série de chiffres, d'historiques, de noms, de témoignages, de documents et de schémas, tous au service d'une seule cause : la nécessité du projet de contournement de Beynac.
Ceux qui suivent le dossier de près n'y apprendront pas grand chose. La majeure partie des arguments a souvent été exposée sur la place publique. La nouveauté, c'est la compilation de tout l'argumentaire en un seul document. Et là apparemment, peu d'oubli.
Liste de 10 projets de chantiers bloqués à travers la France, dangerosité de la traversée de Beynac, création d'une véloroute-voie verte, prise en compte de l'écologie, avancée des travaux effectués, coûts engagés, prix exorbitant de la démolition, risques d'éboulement de la falaise, soutien des personnalités, des maires et des 10 000 signataires d'une pétition, incohérence de la justice et, par-dessus tout cela, un tacle à l'État qui avait donné "toutes les autorisations".
Sur cette double page il y a la déclaration sybilline (et peut-être un peu hâtive) d'Emmanuel Macron qui affirmait en juillet 2018 " Il y avait dans ce département un problème de contournement d'un village. Ce problème a été réglé".Un projet d'utilité publique qui a reçu toutes les autorisations de l'État !
Il y a aussi la copie de la lettre d'Édouard Philippe à Germinal Peiro, en mars 2018. Une lettre qui se contente de rappeler l'arrêté préfectoral d'autorisation de travaux pris par la Préfète de l'époque Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc fin janvier 2018.
Il faut reconnaître que si le Premier Ministre de l'époque se contente de ce simple rappel, sans marquer davantage son soutien, il n'évoque pas non plus d'autre frein au dossier qu'un éventuel avis de la Commission Nationale du Patrimoine et de l'Architecture qui ne serait que "purement consultatif".
Gros sous
On ne compte plus (si l'on peut dire), les batailles de chiffres qui opposent pro et anti-contournement. Et surtout ceux qui portent sur le coût de la construction réalisée et de la remise en état du site. Dans sa publication, le Département annonce avoir déjà engagé 26,5 M d'€uros dans ce chantier. Il estime qu'il en faudrait 15 de plus pour revenir en arrière. Addition salée détaillée dans la page " 41,5 Millions d'€uros gaspillés ! Un véritable scandale d'État !"À ces chiffres qui font froid dans le dos des contribuables périgourdins, les opposants confrontent des chiffres beaucoup moins élevés. Et ils ont beau jeu de rappeler aujourd'hui qu'il eût été moins coûteux de ne pas démolir si l'on n'avait pas construit un peu rapidement au préalable.
Pour Germinal Peiro, le Conseil d'État n'applique pas le droit
Rappelant qu'il avait été lui-même législateur pendant une vingtaine d'années (il est à l'origine de la loi Peiro de 1998 qui instaure la retraite complémentaire obligatoire pour les agriculteurs), Germinal Peiro accuse le Conseil d'État de partialité.Le Conseil d'État a refusé d'examiner au fond notre requête. Il a dit circulez y'a rien à voir, on va pas examiner la requête, on va appliquer ce que le tribunal a dit. C'est pas du travail sérieux. [...]. Là, le Conseil d'État il n'applique pas le droit, il interprète le droit. Et il l'interprète à sa façon, pour faire plaisir aux grandes fortunes, et aux châtelains.
L'opposition départementale sort du bois
Relativement discrète sur le sujet jusqu'alors, l'opposition départementale s'élève cette fois contre la coûteuse publication de ce supplément. Le Département lui-même l'a chiffré à 28 000 €uros. Une dépense de plus.Je crois que depuis le début on a beaucoup joué avec l'argent du contribuable malheureusement. Je pensais que les décisions de justice allaient amener le Président à la raison et qu'on allait essayer de trouver d'autres solutions que de continuer à gaspiller l'argent public... mais je vois que ce n'est pas la route qu'a pris le Président, c'est dommageable.