Si elle réunit assez de signatures, une pétition pour réformer la chasse en France pourrait être examinée au Sénat. En attendant, sur le terrain les gendarmes sont formés à mieux contrôler les chasseurs
Un contrôle de gendarmerie un dimanche en plein champs, l'image n'est pas courante, mais devrait se généraliser. L'Office Français de la Biodiversité forme les gendarmes pour repérer les infractions au code de la chasse. Contrôle du Permis et de sa validation annuelle, et de l'assurance en cours de validité, ce contrôle des papiers ne diffère guère d'un banal contrôle routier. S'il est inhabituel pour les gendarmes, le terrain de chasse s'annonce giboyeux.
On fait des contrôles coordonnés, en général, sur 10 à 15 chasseurs on arrive à trouver une infraction
Capitaine de Gendarmerie Patrice Vincent
Gardes-Chasse en sous-effectifs
L’Office français de la biodiversité né en janvier 2020 ne dispose que de 1600 policiers de l’environnement en métropole et Outre-mer pour contrôler plus de 1 130 000 chasseurs. Sous-effectif flagrant, surtout que ces "gardes-chasse" ont déjà bien d'autres missions sur le terrain et dans les bureaux. En recrutant les gendarmes, l'Office français de la biodiversité espère surtout limiter les accidents de chasse.
11 morts l'an dernier, 400 en 30 ans
Chaque année, les accidents de chasse relancent la polémique. La saison dernière, 136 accidents déclarés ont fait 141 victimes, dont onze morts. Et entre 1999 et 2020, plus de 400 personnes ont été tuées. Les victimes sont à 90% les chasseurs eux-mêmes. Mais les accidents qui touchent les promeneurs, riverains ou cueilleurs de champignons mobilisent toujours davantage les anti-chasse regroupés dans de nombreuses associations.
Saisir le Sénat
C'est "Un jour un chasseur" qui veut à son tour s'attaquer au lobby de la chasse. Ce collectif s'est créé après la mort de Morgan Keane, un aveyronnais de 25 ans, en décembre 2020. Le jeune homme avait été "pris pour un sanglier" et abattu par un chasseur alors qu'il ramassait du bois près de chez lui. Depuis, sur les réseaux sociaux, six amies du jeune homme ont recueilli des centaines de témoignages sur des "accidents de chasse" survenus un peu partout en France, dont une partie restent anonymes "par peur des représailles".
Déjà 92 400 signatures pour réformer la loi
En septembre le collectif a lancé une pétition citoyenne sur le site du Sénat intitulée : "Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça ! ". Sans demander l'abolition de la chasse, elle propose une réglementation beaucoup plus stricte sur la formation et les comportements à risque, la protection accrue des victimes de la chasse, et son interdiction les mercredis et les dimanches, sans dérogation possible, pour sécuriser l'accès de la campagne à tous les publics.
Si la pétition obtient 100 000 signatures en moins de 6 mois (soit le 10 mars prochain), les présidents de groupes politiques et de commissions du Sénat seront obligés de l'examiner, ce qui pourrait les conduire à demander une modification de la législation. Or, en quelques semaines, elle a déjà réuni plus de 92 400 signatures, et ne cesse de progresser à grande vitesse, le chiffre de 100 000 sera sans doute atteint bien avant l'échéance.
Chemin législatif compliqué
Reste que cet exercice de démocratie directe est nouveau, pour les Français comme pour le Sénat. Il n'a été mis en place qu'en janvier 2020. La seule pétition ayant franchi le cap des 100 000 signatures jusqu'alors portait sur la déconjugalisation de l'allocation adultes handicapés.
Si la pétition de réforme de la chasse arrive à franchir le cap des 100 000 signatures, elle devra encore obtenir l'approbation du président du Sénat et de la "commission des présidents".
Elle pourra ensuite être inscrite à l'ordre du jour d'une proposition de loi, de la création d'une mission de contrôle ou d'un débat en séance publique.
Entre-temps, le lobby de la chasse ne restera sans doute pas inactif. Mais à 5 mois des présidentielles, et face à l'effondrement de la biodiversité, l'initiative a au moins le mérite de mettre cette question de société sur la table.