Depuis l'inflation, le bio est en crise. En Dordogne, où les exploitations bio sont particulièrement nombreuses, l'aide prétend sortir les exploitations du rouge, éviter les faillites ou les retours à une exploitation conventionnelle. Mais c'est une goutte d'eau dans le désert selon les principaux concernés
En Dordogne, le bio a très vite pris sa place. De 330 exploitants en 2009, on en dénombre près de 1 450 aujourd'hui. Le département est le deuxième de Nouvelle-Aquitaine en nombre d’exploitations (1448) et le 4ᵉ en surface. Ici, 22,5% des fermes, près de 15 % de la Surface Agricole Utile, est Biologique.
Le bio périgourdin, du vert partout
Sur cette superficie de 43 300 hectares, par ordre d'importance, des surfaces fourragères, de l'arboriculture et de la vigne. Vin, noix, légumes, fruit, miel, céréales, volailles, ovins, bovins, ici pas une production qui n'ait sa déclinaison biologique.
L'inflation met le vert au rouge
Le pari risqué des agriculteurs convertis depuis 2009 s'était révélé gagnant. Le bio et le local ont trouvé leur public éco-conscient. Mais, la machine s'est enrayée dans la géo-politique ukrainienne, la crise sanitaire et l'inflation. Quitte à manger moins bien, les consommateurs mangent aujourd'hui moins cher.
Entre 2021 et 2022, pour la deuxième année consécutive et toutes filières confondues, la consommation en bio a baissé de 4,6%, alors qu'elle progressait jusque-là. Phénomène encore plus sensible pour les élevages laitiers dans lesquels la crise du bio se surajoute à la crise laitière. "Ça va coincer", confirme Luc Pozzer, producteur laitier bio à Saint Aubin (46). "Ça va être de plus en plus difficile parce que notre prix du lait depuis 12 ans, il n'a pas bougé, il n'a pas pris un centime".
On se retrouve avec une surproduction par rapport à la consommation qui est de l'ordre de 20 à 30 %, ce qui est énorme. On se retrouve donc en situation critique, parce que le prix de revient du litre de lait aujourd'hui est supérieur à ce qui nous est payé.
Hugues Bonnefond, producteur laitier bio, président commission Bio Chambre d'Agriculture
10 millions pour éviter la déconversion
L'agriculture verte est tellement dans le rouge que l'État a débloqué un fonds d'urgence de dix millions d'euros pour éviter les faillites et les "déconversions", un retour vers l'agriculture conventionnelle et phytosanitaire pas du tout dans l'air du temps. Il s'agit d'aider la filière à passer un cap difficile, alors que le bio est une activité qui se joue sur le long terme. Ce fonds est alloué sous forme d'une prime forfaitaire de 5 000 euros (10 000 dans le cas d'associés en GAEC) accordée aux exploitations en plus grande difficulté.
Il n'y en aura pas pour tout le monde
Dix millions, le chiffre est impressionnant. Mais, divisé par 5 000 euros, cela ne représente que 2 000 exploitations bénéficiaires à l'échelle nationale. Hugues Bonnefond calcule ainsi qu'en moyenne seule une vingtaine de fermes pourraient en bénéficier dans chaque département. À cette aide limitée et ponctuelle, la filière bio préfèrerait un soutien régulier à la production biologique pour encourager leurs efforts. Et pour compenser le déséquilibre par rapport à l'agriculture conventionnelle qui bénéficie, elle aussi, de soutiens conséquents sans toujours être vertueuse ni œuvrer pour le maintien de la biodiversité.
Primes sous condition
À cette prime sont éligibles les exploitations possédant un certificat d'agriculture biologique 2023 et 2022 qui tirent a minima 80% de leurs recettes du bio. Les priorités, car il va falloir faire un tri sévère, iront aux exploitations à 100% bio, à la filière élevage, aux exploitants qui vendent en direct ou à des groupements entièrement dédiés au biologique, et à celles installées récemment.
Le délai pour le dépôt de la demande est fixé au 10 juillet, le dossier est à retirer sur le site de la préfecture de Dordogne et à transmettre ensuite à la Direction Départementale des Territoires.
Pour quelques producteurs, l'aide sera un ballon d'oxygène. Cependant, ce sera insuffisant pour tous si la vente du bio ne prend pas rapidement son second souffle, et/ou si la filière bio ne fait pas l'objet d'un soutien plus marqué et encourageant de la part des pouvoirs publics.