C'est la victoire des opposants au chantier. Sans grande surprise, ce lundi 29 juin, le Conseil d'État vient de débouter le Conseil Départemental de la Dordogne. Le Département contraint à l'abandon de son chantier parle de scandale d'État et promet d'entrer en résistance
Trois recours... irrecevables
Ce lundi 29 juin en début d'après-midi, le Conseil d'État vient de rejeter les trois recours intentés par le Conseil Départemental de la Dordogne portant sur l’autorisation environnementale unique et les permis d’aménagement des communes de Castelnaud-la-Chapelle et de Vézac.Une décision sans grande surprise
Au préalable, le rapporteur public s'était prononcé en défaveur du Département. Or, son avis est suivi dans 80% des cas.En clair, cette décision signifie que le Département a épuisé toutes ses cartes juridiques pour défendre son projet actuel. Il doit donc, à minima, suivre les injonctions qui lui ont été faites de remettre le site dans son état préalable.
Les opposants au projet, engagés de longue date dans la bataille, ajoutent ce lundi dans un communiqué : " Dans son arrêt du 10 décembre 2019, la Cour d’appel de Bordeaux a ordonné au Département de démolir son chantier et remettre les berges en état dans un délai de 12 mois mais Germinal Peiro joue désormais la montre dans l’autre sens, en prévoyant plus de 4 ans pour défaire ce qui a été fait en 6 mois !"
Une autorisation préfectorale cassée
Pour mémoire, les travaux avaient été engagés tambour battant en février 2018, après que le département a obtenu une autorisation préfectorale sur laquelle il avait totalement misé. Moins d'un an plus tard, le chantier avait été brutalement interrompu sur une première décision du Conseil d'État. Ce dernier, faisant suite au recours des opposants, avait annulé l'arrêté préfectoral contestant la notion d'intérêt public majeur dont le département se prévalait pour déroger à la préservation d'espèces protégées.Décision confirmée au mois d'avril suivant par le Tribunal Administratif de Bordeaux qui exigeait aussi la remise en état du site. Puis une nouvelle fois réaffirmée par la Cour Administrative de Bordeaux à la fin de l'année dernière.
Sûr de son bon droit, et refusant de céder, le Département va alors porter l'affaire devant la plus haute juridiction possible, le Conseil d'État. Elle y déposera les trois recours qui viennent donc d'être rejetés. Parallèlement, le président Germinal Peiro s'assure du soutien des élus locaux et mène campagne dans l'opinion publique. Les élections municipales plaçant un maire pro-déviation à Beynac lui donnent au passage une caution locale supplémentaire. Autant d'arguments qui n'ont pas eu d'influence sur le Conseil d'État.
Motivations politiciennes et scandale d'État
Opaque, la République marche sur la tête. Elle fait main basse sur la démocratie et méprise les collectivités territoriales". Le département veut "dénoncer les accointances entre le lobby des châtelains fortunés et certaines personnalités du monde politique". Elle dénonce la logique du Conseil d'État qui "échappe au commun des mortels".Dans un communiqué enflammé (lire ci-dessous), la présidence du Conseil Départemental n'a pas de mots assez durs pour commenter la décision du Conseil d'État dont il rappelle qu'Edouard Philippe, son président, avait en son temps donné son aval au projet. Faisant appel au Président de la République garant du bon fonctionnement des institutions, il promet que le Département de la Dordogne entrera dés aujourd'hui en résistance.
Ce délai d'un an, il est absolument pas tenable !
On s'en doutait, Germinal Peiro le confirme, il prendra le temps qu'il faut pour faire les choses dans les règles. Et comme selon lui il a fallu 30 ans pour obtenir les autorisations de débuter les travaux, il faudra aussi "un certain temps" pour réaliser une démolition dans les règles de l'art. Sommé par la justice d'entamer les procédures sous un mois et de détruire les travaux réalisés d'ici le premier janvier 2021, la procédure a bien été engagée dans le délais d'un mois qui avait été fixé. Pour le reste, Germinal Peiro compte bien ne pas précipiter les choses et n'oublier aucune virgule en remplissant les papiers administratifs nécessaires. Quitte à vérifier plusieurs fois. D'autres appelleraient cela jouer la montre.
Reste qu'on voit mal par quel artifice le Département pourrait maintenant surseoir à la décision de justice lui enjoignant de remettre son dossier dans un tiroir, et de procéder à terme à la remise en état du site.
L'ardoise pour l'État ?
Et dans la catégorie des arguments que pourrait utiliser le Président du département, on pense notamment au financement de la remise en état du site que Mr Peiro aimerait faire supporter à l'État (fautif selon lui d'avoir autorisé les travaux), ou aux nuisances environnementales que cette remise en état pourrait générer. Autant de points que les opposants au chantier comptent bien, eux aussi, démolir.Le communiqué incendiaire du Conseil Départemental
BEYNAC, DE L’INJUSTICE AU SCANDALE D’ÉTATSans même avoir pris la peine d’étudier le dossier sur le fond et sans qu’aucun magistrat n’ait pris la peine de se déplacer sur le site, les juges du Conseil d’État ont décidé ce jour de rejeter la requête du Département, condamnant les Périgourdins à jeter à la poubelle plus de 40 millions d’euros. Cette décision est incompréhensible sur la forme : elle vient contredire 36 ans de procédures et dix décisions du Tribunal administratif. En effet, depuis les premières acquisitions de terrains en 1982, le Conseil départemental avait patiemment obtenu toutes les autorisations et feux verts permettant à la Préfète de la Dordogne, représentante de l’État dans le département, de signer le 29 janvier 2018 l’arrêté autorisant le début des travaux. Alors qu’à dix reprises le Tribunal Administratif de Bordeaux avait rejeté les requêtes des opposants, le 28 décembre 2018, soit onze mois après le début des travaux, le Conseil d’État suspendait le chantier en rendant alors un jugement basé sur des éléments valables au moment où les pourvois en cassation des opposants avaient été déposés, c’est-à-dire sans tenir compte des travaux réalisés ! Le Conseil d’État entérine aujourd’hui les décisions qu’il avait lui-même insufflées sur ces bases complètement bancales auprès du Tribunal Administratif et de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, ceci – il faut le répéter – sans véritablement examiner le dossier sur le fond.
Ainsi, l’État a sciemment choisi de se placer dans une situation aussi incohérente que contradictoire. Le Premier Ministre Edouard Philippe (dont on rappelle qu’il préside le Conseil d’État) avait en effet confirmé, dès le 6 mars 2018, l’arrêté préfectoral autorisant les travaux ainsi que l’ensemble des avis favorables rendus par les commissions et ministères concernés.
Le Président de la République avait lui-même assuré, le 19 juillet 2018 à Périgueux, que le problème de Beynac était « réglé ». Quelques mois plus tard, suite au revirement de la justice administrative, le gouvernement faisait le choix de ne pas défendre son propre arrêté auprès d’elle. Il y a là, de toute évidence, une part d’irrationnel inexplicable autrement que par d’obscures motivations politiciennes. Cette décision de justice, quoiqu’habilement motivée en droit, reste totalement indéfendable sur le fond. Les questions de sécurité (risque falaises, densité du trafic, danger pour les cyclistes et les deux roues, impossibilité d’ouvrir les portes des bus de tourisme et des cars scolaires dans la traverse…), de pollution (visuelle, sonore, de l’air) du site – l’un des plus beaux de France – restent entières. La protection de l’environnement, mise en avant par la justice administrative, se retrouve au final tout simplement massacrée par sa décision. Non seulement l’atteinte aux habitats des espèces protégées a été extrêmement minime, mais les compensations environnementales prévues, d’une ampleur et d’une qualité exceptionnelles, ne pourront être mises en œuvre afin d’améliorer la situation de la nature sur ce territoire !
Pire, l’injonction de démolition conduira à détruire les travaux réalisés et à laisser au final le site dans un état dégradé par rapport à ce qu’il était avant le début du chantier. Quant à la voie verte, elle ne pourra voir le jour. Hallucinante, la République marche sur la tête. Elle marche aussi contre la volonté des élus du Département qui depuis 1982 et jusqu’à récemment ont toujours approuvé ce projet de façon unanime, contre l’avis de la population sollicité par un référendum organisé en 1995 (84 % de votes favorables) et contre le choix des électeurs, le 15 mars dernier, de porter à la tête des quatre communes concernées des élus favorables au contournement.
Opaque, la République fait main basse sur la démocratie, en décidant de suivre les requêtes déposées par une poignée d’opposants défendant des intérêts strictement individuels.
Le Conseil départemental de la Dordogne prend acte de la décision du Conseil d’État qui, selon une logique qui lui est propre mais qui échappe au commun des mortels, tourne le dos au bon sens et à l’intérêt général. Poursuivant l’ambition de répondre aux attentes des Périgourdins et des habitants de la vallée de la Dordogne, soucieux de préserver le bon usage de l’argent public, il continuera de tout mettre en œuvre pour faire valoir ses droits et défendre ses intérêts face à une injustice aussi flagrante.
Rarement la République n’aura à ce point méprisé les collectivités territoriales sur un projet pourtant reconnu - de façon irrévocable - d’utilité publique. Face à un tel scandale démocratique, le Département entre aujourd’hui en résistance afin de faire triompher le bon sens et de dénoncer les accointances entre le lobby des châtelains fortunés et certaines personnalités du monde politique. Il en appelle aujourd’hui solennellement au Président de la République, premier garant du bon fonctionnement des institutions de notre pays