Après une conciliation, les propriétaires du coq avaient recouvert et insonorisé leur poulailler. En vain, les voisins ont constaté qu’il chantait toujours. Et depuis, le coq a disparu. Un débat contradictoire avait lieu ce lundi 22 mars au tribunal de Périgueux.
C’est un véritable feuilleton qui dure depuis 2007 dans un petit hameau de Saint-Pardoux-La-Rivière en Dordogne. Des relations de voisinage pour le moins tendues qui ne trouvent pas de solution. D’abord un problème concernant l’état d’un muret, la taille de haies, et enfin le chant d'un coq, Coquelicot. La propriétaire de Coquelicot, Cécile Vanier, pensait en avoir fini avec la justice, d’autant que son coq a mystérieusement disparu, mais non. Leurs voisins ont enregistré le chant du coq avant qu’il ne se volatilise. Résultat ils étaient convoqués devant le tribunal de Périgueux ce lundi 22 mars.
Le chant du #coq est-il encore toléré dans nos campagnes ? La question se pose avec ce conflit de #voisinage à Saint-Pardoux-la-Rivière. L'affaire qui oppose deux couples de voisins était à l'ordre du jour du tribunal de Périgueux. #justice #Dordogne https://t.co/yD09fbhu1i
— France 3 Périgords (@F3Perigords) March 22, 2021
"On a vraiment fabriqué un caisson avec une porte, une toiture et des murs" (l'ex-propriétaire de Coquelicot)
Un accord avait pourtant été trouvé avec un conciliateur début 2020. « Nous on avait respecté la conciliation », explique, dépitée, Cécile Vanier. « Au lieu de mettre une bâche comme nous avait demandé le conciliateur, on a vraiment fabriqué un caisson avec une porte, une toiture et des murs. Et en plus de cela, alors que ce n’était pas convenu dans la conciliation, on a rajouté un mur anti bruit de 12 centimètres qui sépare notre terrain de monsieur Hertel. (…) Donc nous on ne comprend pas du tout pourquoi aujourd’hui on se retrouve devant le tribunal ».
Le coq continuait de chanter
Pourtant aux yeux des plaignants, les époux Hertel, cet accord n’a pas été respecté : au milieu de l’été, le coq chantait toujours. Il a depuis disparu, mais l’affaire a suivi son cours. Si bien que ce mardi 22 mars, le chant de coquelicot faisait l’objet d’un débat contradictoire devant le tribunal de Périgueux. « Aujourd’hui moi j’ai des éléments à mon dossier, qui est justifié par des témoignages parfaitement probants, montrant qu'à 5h du matin, à 6h du matin, il y avait encore sur certaines périodes un coq qui chantait sous la fenêtre de mes clients », plaide Pascale Gokelaere, avocate des époux Hertel. Ceux-ci ont été contactés par notre équipe de France 3 Périgords afin de leur donner la parole. « Je ne veux plus en entendre parler de cette histoire », a répondu Véronique Hertel, « je ne veux pas en parler, c’est tout, ça me saoule ».
Cécile Vanier, elle, est à bout. « Il y a toujours quelque chose qui ne va pas », dit-elle. « Nous on a toujours fait en sorte de répondre à leurs attentes pour justement ne pas arriver dans un tribunal. Mais cela ne suffit jamais. Ils trouvent toujours quelque chose d’autre comme cet été où ils ont fait venir la gendarmerie parce que mon fils de 14 ans et mon petit neveu de 6 ans faisant trop de bruit dans la piscine à 16h. J’espère que la justice va comprendre que ce sont des gens un peu procéduriers, voire beaucoup. Moi j’attends qu’elle les punisse pour leur dire « stop ». Eux ont porté plainte contre moi pour harcèlement mais je crois plutôt que le harcèlement vient de leur part".
Cela fait 16-17 ans que cela dure, et là on en peut plus.
"Dans chaque village il y a un crétin qui s’acharne sur ses voisins" (Me J. Papineau)
Son avocat, maître Jullien Papineau, n’y va pas par quatre chemins. "Ce que m’a révélé la connaissance des dossiers relatifs aux animaux c’est que dans chaque village il y a un crétin qui s’acharne sur ses voisins et qui cherche tous les prétextes imaginables pour pourrir la vie de ses voisins", attaque-t-il. "Peut-être que les époux Vanier sont invivables, peut-être que c’est des troubles anormaux de voisinage, sauf qu’on n’a pas de preuve. Et c’est quand même le b.a -ba de la justice en France. C’est qu’à un moment donné quand on met quelqu’un devant la justice civile, ou même devant la justice pénale, il faut des preuves. Donc là devant la justice pénale, toutes les plaintes que les époux Hertel ont posé, c’est un classement sans suite. Et devant la justice civile, les demandes qui sont faites au départ, elles sont retirées à l’audience (…)".
Alors, que dire des huit enregistrements sonores fournis à la justice ? « Les cours d’appel ont bien reprécisé que pour qu’un trouble soit anormal, il faut qu’il soit excessif et permanent », explique Me Julien Papineau qui a aussi défendu avec succès le coq Maurice en Charente-Maritime.
« Là, on a huit enregistrements, sur quatre ans. Huit enregistrements, d’abord au début du mois de juillet, puis au mois d’octobre, avec un coq, je vais vous faire une confidence, qui chante à l’heure où il doit chanter c’est-à-dire 6h30, 6h50.
"C’est une preuve effectivement qu’on a un coq qui chante naturellement (…)", poursuit-il avec ironie. "Aujourd’hui les travaux qu’ils ont fait c’est encore mieux qu’une couverture (pour cacher le jour ndlr). Donc aujourd’hui (…), on les condamnerait parce qu’ils ont trop fait. C’est hallucinant ».
Celui-ci a donc demandé des dommages et intérêts. « Je le demande car je suis attaqué de manière abusive », dit-il. « La justice n’a pas à être là pour régler les problèmes de voisinage qui devraient se résoudre à l’apéro et régler des problèmes qui n’existent pas, pour arbitrer les désidératas de voisins qui ne supportent pas les coqs ».
Un conflit qui a peut-être une chance de cesser : les Hertel, absents aujourd’hui au tribunal de Périgueux, viennent de vendre leur maison de Saint-Pardoux-La-Rivière. La décision concernant Coquelicot a quant à elle été mise en délibéré au 31 mai prochain.